31 mai 2011

La Succursale: un nouveau brouepub promis à un bel avenir

 Même le mur du fond de La Succursale séduit

Ne doutez surtout pas des casques de construction déambulant devant cette toute jeune brasserie artisanale. Persistez et pénétrez les portes vitrées. Certes, la façade du bâtiment hébergeant des lofts aux étages n'a toujours pas reçu ses derniers coups de marteaux, mais la brasserie artisanale au rez-de-chaussée est déjà outillée pour impressionner. Phénomène rare, nous pouvons vous affirmer d'emblée que les bières de La Succursale possèdent des fondations fermes, promises à un brillant avenir. Et l'espace aéré et convivial de la salle principale ne fait que rehausser le bien-être de tout assoiffé désirant y passer quelques heures.


La Succursale scintille déjà à l'ardoise des bières. C'est que ses premiers brassins sont d'une qualité rarement vue lors d'un baptême d'une brasserie. Habituellement, il est plutôt cruel de juger une toute nouvelle brasserie par ses premiers brassins. Le maitre-brasseur doit s'habituer à une multitude de conditions nouvelles créées par l'équipement reçu et le volume de production différent, sans compter les surprises occasionnées par le système de refroidissement, les lignes de fût, etc. Qu'à cela ne tienne, Jean-Philippe Lalonde, maître-brasseur ici, en a vu d'autres. Cette expérience, malgré son jeune âge, est apparent dans sa Petite Côte, par exemple. Cette Kölsch, bière de fermentation haute inspirée par les blondes de Cologne, représente le juste milieu parfait pour rejoindre le visiteur assoiffé non-connaisseur autant que le bièrophile aguerri. À part son service dans un stange, ces petits verres éprouvettes utilisés traditionnellement par les brasseries de Cologne, le dégustateur expérimenté retrouvera rapidement les saveurs de céréales croustillantes qui font partie de la signature du style. Équilibrée par des houblons herbacés légèrement amers, cette bière digeste ravira aussi le travailleur de passage en quête d'une bière facile à boire. Même constat pour la Radschläger, la Altbier de la maison. Au lieu de présenter des couleurs de bières génériques à sa clientèle peu informée, La Succursale a décidé de joindre l'utile à l'agréable. Preuve qu'un raffinement est possible même lorsqu'on veut rejoindre une plus grande clientèle.

Un verre de Petite Côte; déjà une des plus belles bières de soif de Montréal

Pour tout amateur en quête de saveurs plus intenses, sachez qu'une IPA aux houblons francs fera son apparition à l'ardoise sous peu. Mais avec ses Kölsch, Altbier, Bitter et Porter déjà aguichantes à souhait, La Succursale possède des atouts indispensables à un nouveau brouepub: des bières de soif d'une qualité impeccable qui sauront rallier une clientèle de provenance vaste. 

24 mai 2011

Le malt d'orge québécois (2e partie)


Suite au dernier article publié il y a quelques jours sur le sujet, quelques brasseurs professionnels et amateurs ont partagé leurs expériences avec le malt d'orge québécois de la malterie Frontenac, ainsi que celui produit par Canada Malting. Les flaveurs de raisin et de grains verts ne semblent pas avoir été identifiées au même degré d'intensité chez La Québécoise, ce malt d'orge québécois fabriqué par Canada Malting. Certains soutiennent que le malt Frontenac partage peu des caractéristiques mentionnées ci-dessus lorsqu'il est utilisé en petite quantité. Pour l'instant, plusieurs hypothèses circulent, sans toutefois pouvoir identifier la source des dites saveurs peut-être endémiques à l'orge québécois (ou au malt Frontenac).

Nous croyons fermement que ces saveurs vives, parfois fruitées, parfois vertes et astringentes, ont leur place dans le monde de la bière. Ces caractéristiques ne sont d'ailleurs pas étrangères à notre boisson chérie, étant parfois produites, par exemple, par des fermentations de certaines levures à haute température ou même par le houblon choisi. Cependant, l'intensité de cette personnalité nécessite, à notre avis, un peu de discernement de la part des créateurs de recettes. Nous ne comprenons pas, surtout, l'insistance à inclure ce malt d'orge très typé en quantité significative dans toutes les bières d'une brasserie. Mis à part la variabilité apparente de ces saveurs de brassin en brassin, ce choix d'utiliser un ingrédient si volubile semble plutôt provenir d'une forte volonté d'encourager des gens de notre belle province. Idéalement, nous aimerions que le choix de cet ingrédient de chez nous provienne d'un désir de créer un produit qui sera savoureux ET harmonieux à tout coup.

En d'autres mots, nous croyons qu'un brasseur doit travailler comme un chef cuisinier; toujours en recherche d'une harmonie intrinsèque peu importe les autres objectifs de la recette.

Voici une analogie toute simple: un nouveau houblon vient d'arriver sur le marché. Appelons-le... FullFrontalFuggle (FFF, si vous préférez). Son parfum est explosif et son potentiel d'amertume fait sourire les extrémistes de la papille. Oseriez-vous l'utiliser dans toutes vos bières? Certes, il serait sûrement plaisant de l'essayer dans une Double IPA, une Stout bien charnue ou une Tripel version nouveau monde. Or, il serait potentiellement catastrophique de l'inclure en grande quantité dans une Helles, une Ordinary Bitter ou une Amber Ale toutes menues. À moins, bien sûr, que vous vouliez que toutes vos bières goûtent, de façon prédominante, le FFF...

Pour que ce malt soit pris au sérieux par les amateurs et les brasseurs d'ici et d'ailleurs, nous croyons qu'il doit être utilisé judicieusement, dans une recette qui mettra en valeur des arômes et des saveurs harmonieuses à celles produites par ce malt d'orge. Le côté jus de raisin se juxtapose bien, par exemple, aux malts caramélisés et noisettés d'une Brown Ale anglaise ou d'une Quadrupel belge. Il pourrait même aller de pair avec un houblon aux notes tropicales, tel le Citra ou le Nelson Sauvin. Les propriétés de grains verts légèrement astringents se fonderaient sûrement dans un houblonnage résineux persistent en saveur et en amertume. Encore faut-il que l'intensité de ces saveurs soient contrôlables par le brasseur... 

La sublime St.Bernardus Abt 12 possède quelques subtiles notes de raisins noirs bien juteux...

Nous aimerions d'ailleurs voir quelques brasseurs se mouiller quant aux méthodes employées afin d'enrayer, ou du moins de doser, le grain vert, l'astringence et/ou le jus de raisin produit par l'orge québécois... ou le malt Frontenac. Merci, entre autres, à Benoit Mercier du Benelux, Francis Foley d'À La Fût, René Huard de Brasseurs Illimités, Alexandre Bernard du Bilboquet et Alex Ganivet-Boileau des Trois Mousquetaires pour leur contribution professionnelle constructive à ce débat. C'est en discutant de vos expériences que nous allons pouvoir parler, un jour, des malts d'orge québécois sans avoir peur d'offusquer qui que ce soit. Et c'est aussi en jasant tous ensembles, donc avec nous humbles dégustateurs,  que le monde de la bière québécois se munira d'outils pour mieux communiquer et croître.

17 mai 2011

Une première visite au Saint-Graal


Samedi dernier, une belle visite au Saint-Graal, ouvert depuis maintenant plus de six mois à proximité du Cégep Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse, qui propose une carte des bières qui est vraisemblablement la plus intéressante de la Rive-Nord de Montréal. Avec des brasseries invitées comme Dieu du Ciel! et Hopfenstark, il ne faut guère s’en surprendre. L’estaminet d’une cinquantaine de places est propre et accueillant, misant avec efficacité abondamment sur le bois et doté d’éléments de décoration attrayants, par exemple ce vitrail à l’effigie de la brasserie qui nous accueille à l’entrée. Un endroit fort sympathique où la carte des bières pourrait facilement nous retenir durant plusieurs heures, en particulier lorsque davantage de bières brassées sur place y figureront. Pour les insulaires du centre-ville purs et durs, sachez que le trajet ne requière qu’une trentaine de minutes, en l’absence de trafic.


Aujourd’hui encore, le Saint-Graal n’a malheureusement toujours pas reçu son permis de brasseur. C’est bien dommage, car les deux offrandes de la maison, présentement brassées à l’extérieur, sont de plus qu’honorables interprétations de leurs styles respectifs. La Prima Nocte, une Brown Ale, est l’une des bonnes ales brunes à l'anglaise de la province, un tantinet sucrée, mais délivrant un agréable étalage de noisettes, de fruits et de chocolat, ce dernier étant dérivé de ses pointes rôties. La Jarret Noir, un Stout relativement doux, se montre fortement malté et d’une bonne corpulence, en gardant ce qu’il faut d’accent sur ses flaveurs rôties pour équilibrer les sucres résiduels.

Une belle pinte de Prima Nocte

Au plaisir d’en essayer davantage!

13 mai 2011

Le malt d'orge québécois : un sujet dans le vent


Le raffinement des divers malts de Weyermann, à Bamberg, ne suscite aucun débat

Ses supporteurs aiment bien son caractère franc. Ses saveurs fraiches, vertes, croquantes. Certains de ses détracteurs cependant disent qu’il sent la gourgane. D’autres, le jus de raisins fait d’essences artificielles. Peu importe de quel côté du débat ils se retrouvent, tous peuvent s’accorder sur un point : aucun malt commercialisé au monde n’y ressemble.

De discussion en discussion, avec professionnels et amateurs, nous avons remarqué qu’un ton vif est emprunté par la majorité des interlocuteurs lorsque le terme « Frontenac » est utilisé. Cette malterie de Thetford-Mines semble porter le fardeau de tout ce qui peut être perçu comme bon ou mauvais du malt d’orge québécois. Certains amateurs de bières semblent même vouer un culte de hantise envers le malt Frontenac. Plusieurs brasseurs, d’excellents même, refusent de l’utiliser après avoir eu des résultats décevants lors d’un brassin. Mais à qui la faute ? Le brasseur ? La malterie ? Et si c’était l’orge en soi…

De l'orge de brassage 2-rangs

Récemment la malterie Canada Malting, dont la réputation n'est plus à faire, a acheté un lot d’orge de brassage issu du terroir québécois. Leur but : créer un malt québécois, un peu comme la malterie Frontenac réussi à le faire. Le résultat de cette expérience porte le nom « La Québécoise ». Ce malt 2-rangs est disponible depuis quelques temps aux brasseurs qui veulent bien l’essayer. 

Il vous sera difficile de trouver des brasseurs ou des dégustateurs qui doutent de la capacité de Canada Malting à produire un malt de qualité. Pourtant, en bouche, certains ont fait un constat gustatif semblable à ceux énumérés ci-dessus… « La Québécoise » porterait l’insigne d’un terroir bien particulier. Si on se fit à ses perceptions, et au fait que Canada Malting produit habituellement des malts techniquement irréprochables, la personnalité distinctive verte et fruitée du malt québécois ne viendrait pas nécessairement, ou entièrement, de la malterie Frontenac à proprement dit.

Or, nous sommes forcés d'admettre qu'il est fort difficile de débattre de façon constructive un sujet aux fondations si subjectives. Après tout, nous oeuvrons dans le domaine du goût, n'est-ce pas? Et les goûts ne se discutent pas, apparemment. 


Question de se rebeller immédiatement contre ce dicton ennuyant, nous aimerions vous poser une question goûteuse: aimez-vous l’apport du malt Frontenac, euh… du malt d’orge québécois dans une bière? Pourquoi?


La semaine prochaine : notre prise de position sur le sujet, une analogie et des recommandations…



4 mai 2011

Le 5e anniversaire du Benelux, ou la révélation d'un trésor



Dans le temps de crier brettanomyces, la terrasse installée sur le coin des rues Sherbrooke et Jeanne-Mance s'est vue remplie samedi dernier d'assoiffés de bières de qualité. La raison? L'équipe du Benelux, brasserie artisanale montréalaise, s'était encore une fois surpassée en dressant le menu qui célébrait son cinquième anniversaire. 

La carte des bières, d'une variété rarissime dans les brouepubs d'Amérique du Nord, coupait le souffle. D'ales expérimentales - comme un succulent Barley Wine vieilli en fût de Merlot et fermenté avec des levures sauvages - à des lagers de soif impeccables (quelle belle Cigogne!), en passant par des Pale Ales et India Pale Ales houblonnés de cultivars du nouveau monde (Nelson Sauvin, Citra, Amarillo, Riwaka), on ne savait plus où donner du palais. Quelques-unes provenaient de casks - servis par gravité - d'autres de bouteilles, d'autres de fûts traditionnels. Décidément, tout amateur y ressortait comblé, même ceux qui s'avouaient incapables de prononcer brettanomyces


Une tulipe de Zoot, l'élégante Tripel du Benelux


Depuis quelques années déjà, toute papille curieuse remarquait que la qualité générale des bières de Benoit Mercier côtoyait souvent l'excellence. Mais aujourd'hui, nous sommes forcés de louanger davantage. Une tendance à l'assèchement de certains styles, produisant par exemple des textures belges de plus en plus authentiques, ainsi qu'une utilisation juste de levures sauvages et un raffinement dans la clarté des saveurs des bières plus douces, nous poussent à affirmer que le Benelux devient un incontournable dans le nord-est de l'Amérique. 

Suite à la dégustation du menu de bouteilles spécialement conçues pour l'évènement, nous voulons maintenant, avec l'aval de plusieurs attablés autour de nous samedi dernier, défier les acteurs principaux de cette brasserie artisanale. Nous voulons un grand cru du Benelux en bouteille, pour la maison. L'Ergot, tiens? Ou la Sabotage? La Strato peut-être? Plusieurs au menu seraient enchanteresses. Le Benelux est exactement le genre de brasserie exceptionnelle qui pourrait faire rayonner davantage le Québec sur la scène internationale, aux côtés des Dieu du Ciel!, Trou du Diable, Microbrasserie Charlevoix, pour ne nommer que celles-là. Allez, on ne peut pas garder un trésor chez nous si longtemps; il faut partager...

À la santé du Benelux, qui mérite de briller encore longtemps!