29 sept. 2012

Les pâturages brassicoles de la Lituanie - sur le chemin de Panevėžys


Cet ancien bunker sert maintenant de salle de conditionnement et d'embouteillage pour l'excellente brasserie Kupiškio


Entre Vilnius au sud-est de la Lituanie et le nord-est campagnard du pays où la majorité des brasseurs fermiers évoluent se trouve la région de Panevėžys, cinquième ville du pays. Étonnament, même si c'est la bourgade de Biržai qui se voit nommée officieusement la capitale brassicole du pays, davantage de brasseries opèrent dans la région de Panevėžys. Voici premièrement celles en périphérie, toutes sur le chemin de cette ville énigmatique:


Kupiškio Alaus, à Kupiškis
Entrée de la petite boutique de la brasserie

Seulement disponible en bouteilles de 2 litres (en verre et non en plastique; quel luxe!), la Magaryčių Alus de Kupiškio a tout pour séduire. Imbue de subtiles notes rurales, elle étale ses malts toastés et ses noisettes rôties sur de surprenants houblons boisés et herbacés. Une grande bière. Même constat pour la Patulo Alus, plus citronnée et sèche et la Keptinis, recréation d'un vieux style de bière lituanien presque disparu.

Bien que l'on puisse trouver ces bières dans toute leur fraîcheur à Kupiškis même, soit à l'est de Panevėžys, les belles bouteilles de formes variées de cette brasserie se trouvent assez facilement à Vilnius, si vous savez où aller bien sûr... De plus, cette boutique de Kupiškio Alaus se veut un arrêt agréable pour faire le plein en direction de l'excentrique brasserie Čižo à Dusetos (par exemple).

Chose rare en Lituanie, le contenant est aussi agréable que le contenu chez Kupiškio


Taruškų Alaus Bravoras et Miežiškių Bravoras, à Trakiškis
Pichets de service traditionnels

Tout juste à l'est de Panevėžys, sur une route rurale comme toutes les autres, un bâtiment sans âme abrite non pas une, mais deux brasseries artisanales. Aucune enseigne ne communique ce fait cependant. Impossible de comprendre ce qui se trame donc derrière la grisaille industrielle. Question d'augmenter la confusion, les deux brasseries se retrouvent exactement côte-à-côte et appartiennent d'ailleurs aux mêmes propriétaires... Puis ils ont toutes deux leur propre système complet de brassage. Bref, ces entrepreneurs ont tout en double et ce, à relativement gros volume. Question de rendre les choses encore plus agréables pour ceux tentant de les découvrir, ces deux brasseries ont changé de nom récemment: une s'appelait Habilitas et l'autre Habiterus. De telles histoires ne s'inventent pas.

Ce qui importe pour nous tous, c'est que les bières sortant des nombreuses cuves de cette entreprise sont de grande qualité. La Taruškų Šviesus charme le plus avec ses modestes notes de foin adjointes à des céréales toastées et une finale de houblon épicé, le tout dans un corps relativement sec. La Kanapinis Tamsus est presque autant talentueuse, laissant dévaler des malts toastés et caramélisés sur un lit doucement fruité, construisant un example classique de la Tamsus lituanienne.


Des vestiges de l'ère soviétique toujours capables de produire des bières très agréables

Su Puta Alaus, à Paliūniškis
Enseigne au devant de la boutique de la brasserie

Dans un quartier résidentiel au nord de Panevėžys, la famille Gūrų concocte des bières somme toute mémorables. Chose pratique, Su Puta possède une minuscule boutique en face de la brasserie où tout passant peut faire remplir des bouteilles de bières fraîches à même le fût. Le même concept qu'un 'growler' en Amérique du Nord, finalement. Un vieil homme s'y attardait d'ailleurs, jasant avec la dame de la maison, pinte en main, lorsqu'il nous aperçut sur le point d'envahir son quotidien de notre étrangeté. Quelques secondes plus tard, nous étions seuls avec la dame... 

La brasserie offrait non moins de 5 bières différentes ce jour-là, en plus d'un gira (le kvass des lituaniens). La plus délectable à ce moment était l'étonnante Senolių, une ale passablement levurée non sans rappeler certains grands succès de l'ouest européen (belge forte ou Heller Weizenbock?) avec ses esters de bananes, ses flaveurs de pain, de blé et ses houblons épicés, le tout à 8% d'alcool. 

Contrairement à la majorité des brasseries dans notre guide brassicole de la Lituanie, il est très facile d'obtenir les bières de Su Puta. Un défi de moins une fois de temps en temps, ça fait du bien!


Maison-boutique devant la brasserie Su Puta


Piniava Alutis, à Piniavos
Il n'est pas rare qu'une brasserie en Lituanie soit située dans un bâtiment ayant des allures de bloc à appartements






Cette brasserie aux apparences anodines façonne pourtant des bières fascinantes, dont l'excellente Seklyčios, une bière aux céréales toastées munies d'angles miellés et saupoudrées de houblons boisés, amers. Une superbe bière de soif que l'on peut déguster au très chaleureux bar Prie Uosio, à Panevėžys même (on le présentera dans un futur article). 




La brasserie concocte aussi d'autres bières plus surprenantes, fermentées à 35 degrés Celsius(!!) avec de la levure à pain, filtrées soit à l'aide de branches de framboisiers, soit à l'aide de branches de trèfle violet. Une tradition de la région de Kupiškis, selon le maître-brasseur. Comme la majorité des brasseries de la campagne, impossible de tout simplement passer chez Piniava Alutis sans rendez-vous, mais au moins on peut se replier sur le Prie Uosio en ville!







Propriétaire et maître-brasseur de Piniava Alutis nous faisant visiter sa brasserie

Avant de passer au prochain article sur les bars et brasseries du centre de Panevėžys, nous devons vous confier qu'il nous reste encore du travail à faire en périphérie de la ville. Notamment, nous avons pris connaissance d'une autre brasserie rustique du nom Salamiescio Alus, supposément à Paliūniškis, tout près de Su Puta. Notre ami de Tikras Alus les a contacté récemment et la dame au bout du fil a presque essayé de le convaincre de ne pas passer les voir... Disant qu'ils vendent seulement aux gens locaux, mais qu'ils sont sur le point de fermer de toute façon, elle a renchéri en clamant qu'elle ne voulait pas qu'on parle d'elle. Désolé, madame, mais on peut retrouver l'adresse de votre entreprise dans les recueils locaux à cet effet... Une autre brasserie à déguster lors de notre prochain périple en Lituanie!

20 sept. 2012

Les meilleures cuisines brassicoles du monde - le "Kura-Rin Ginza Lounge", à Tokyo



Ceci est le premier de plusieurs billets à venir mettant en vedette les meilleurs endroits sur la planète où une sélection judicieuse de bières de grande qualité est accompagnée d'une cuisine aussi relevée. Même si la révolution microbrassicole a donné naissance à des bières de plus en plus savoureuses et/ou complexes, force est d'admettre que l'expérience de dégustation de notre élixir préféré est rarement jointe à un menu gastronomique. Les endroits mis en valeur dans cette série de billets en sont, évidemment, de délicieuses exceptions:

Le Kura-Rin Ginza Lounge est le quartier-général tokyoïte de Swan Lake Beer, une microbrasserie à quelques heures au nord dans la préfecture de Niigata. Un vaste menu de spécialités endémiques à Niigata accompagne les bières de Swan Lake qui coulent des nombreux fûts du restaurant; une de ces bières est d'ailleurs servie en cask et certaines en bouteille (souvent les bières fortes, millésimées). Ces mêmes bières sont disponibles en formats de 180ml, 350ml et 500ml, parfait pour ceux désirant une dégustation minutieuse et ceux souhaitant plutôt apprendre à connaître une ou deux bières intimement... De celles-ci, nous vous recommandons leur Amber Ale, une création qui excède toutes attentes que vous pourriez avoir avec ce style souvent simplet.
 
新潟地ビール 『スワンレイクビール!!!』

En effet, si toutes les 'ales ambrées' étaient armées d'un flair semblable à celle de Swan Lake, l'appellation jouirait peut-être d'une meilleure réputation auprès des amateurs de bières de qualité. Ses houblons résineux et fruités percent des malts délicatement caramélisés avant que des saveurs terreuses et boisées prennent le contrôle jusqu'à une aguichante amertume. Pour vous donner une idée, elle possède davantage de saveurs et de complexité que leur Lake Bottom Barley Wine, qui lui se vend à un prix plusieurs fois plus cher (25$ environ la bouteille de 500ml!).

『旬鮮魚の盛合せ』

Pour une majorité de visiteurs, la raison principale d'essayer le Kura-Rin est bien entendu sa cuisine. Avec raison, les tranches de katsuo, pour ne nommer que celles-ci, fondent dans la bouche. Du grand sashimi. Même constat pour les poissons tempura et les légumes saisonniers légèrement salés: absolument délectables. Un souper complet revient à environ 75$ par personne avec une bière ou deux. Tout est merveilleusement frais et méticuleusement préparé et présenté; la quintessence de la cuisine japonaise, quoi. Les serveurs ne parlent que japonais et aucun menu n'existe pour les touristes (préparez-vous donc à pointer du doigt sur quelques images). Venez donc avec un sourire et un esprit affamé de découvertes!





Puisque ce restaurant pourrait être difficile à trouver pour un gaijin, voici quelques indications pour vous aider. Premièrement, débarquez à la station Higashi-Ginza. Trouvez le théâtre Kabuki-za et installez-vous face à son entrée. Au centre de cette façade, faites demi-tour et regardez de l'autre côté de la rue; vous y verrez la rue Kobikicho-dori. Allez-y! Marchez trois pâtés de maison vers le sud et vous devriez apercevoir le sujet de photo ci-dessous sur votre gauche. Un bureau de poste est en face, de l'autre côté de la rue.


Le Kura-Rin Ginza Lounge est en bas des marches derrière cette porte. La carte ci-dessous pourrait vous être utile également si vous désirez vous faire aider par un passant: http://www.swanlake.co.jp/main/kura/ginza/kura_rin_ginza_map.jpg



11 sept. 2012

La LaPatt Robuste Porter, de la Brasserie Dunham, à Dunham



La sortie de ce premier brassin embouteillé de la Robuste Porter suit celle d'un autre grand cru, leur Rye ESB, qui a atteint nos tablettes cet été. Ose-t-on rêver au dicton 'jamais deux sans trois'? La nouvelle équipe de la Brasserie Dunham est sur une si délicieuse lancée; pourquoi pas! Entre temps, voici la fiche Grand Cru de cette bière au nom qui évoque autant la Labatt Porter (ironiquement, bien sûr) qu'un des deux brasseurs de Dunham, Pat Roy:


Style : Robust Porter houblonné à l'américaine. On dirait presque une Black IPA plus charnue qu'à l'habitude.

Disponibilité : Le premier brassin embouteillé vient de paraître sur les étagères il y a quelques jours. Espérons que nous reverrons ce Robust Porter régulièrement!

Le coup d’œil : Une tranche de mousse s'installe sur la noirceur bordée de marron.

Le parfum : Ouf, quel arôme! Des malts toastés, caramélisés, rôtis et chocolatés sont chevauchés par des houblons résineux rappelant une forêt de conifères. L'harmonie des composantes est aussi percutante que le dosage est intelligent.

En bouche : Un corps crémeux et réconfortant sert d'assise pour la lancée impressionnante des malts chocolatés, sertie de saveurs de houblons résineux tissés serré.

La finale : L'amertume des malts rôtis est nivelée à celle des houblons résineux, le tout nappé de sucres chocolatés et légèrement caramélisés.

Accords : Une généreuse pièce de viande rouge sur le gril. En plus d'agir à titre de sauce un peu sucrée (grâce aux sucres résiduels des malts caramélisés et chocolatés) et de branches d'herbes perçantes (les houblons rappelant le pin et le romarin), la Robuste Porter se liera aux traces du gril sur le steak avec l'aide de ses malts rôtis.

Pourquoi est-ce un grand cru?: Souvent les bières d'un tel impact gustatif relevé se résument à l'intensité avec laquelle elles s'expriment. Ce n'est évidemment pas le cas ici. Ses flaveurs riches sont aussi complexes, en plus d'être bien définies et jamais lassantes, se laissant boire aisément; le meilleur de tous les mondes, quoi!

Si vous avez aimé, essayez aussi : La Gaspésienne, de Pit-Caribou (L'Anse-à-Beaufils; celle-ci est moins houblonnée, penchant donc vers le malt chocolat), la Strato, du Benelux (Montréal) et la Robust Porter de Smuttynose (au New Hampshire).

4 sept. 2012

Les pâturages brassicoles de la Lituanie - la région des lacs


Impossible de manquer la brasserie Čižo en arrivant dans le village de Dusetos par l'ouest


Avertissement de difficulté: Les deux brasseries décrites ci-dessous possèdent bien un salon de dégustation, ce qui est rare en Lituanie, mais dans les deux cas il est ouvert seulement en été ou lors d'occasions spéciales. Prière de vous informer avant de vous lancer sur la route.


Ramūno Čižo Alaus Darykla, à Dusetos


À quelques kilomètres de la frontière lettone et bièlorusse travaille Ramūno Čižo. Jusqu'à ce que l'excellente brasserie Kupiškio aille récemment de l'avant avec sa propre version modernisée de la Keptinis, Čižo était à lui seul responsable de la survie de ce type de bière n'existant autrement que dans les livres brassicoles lituaniens. Comme d'autres brasseurs de Kaimiškas Alus (bières campagnardes traditionnelles), il ne bouille pas son moût et gazéifie parcimonieusement, de façon naturelle. La recette typique de la Keptinis requière aussi que le brasseur cuise un pain à partir des malts en phase d'empâtage avant de faciliter la conversion. Mais c'était surtout une façon économique, jadis, de faire augmenter la température du dit empâtage sans avoir à faire chauffer autre chose que le four à pain de la maison qui lui bénéficiait d'une chaleur constante.

Bien que Čižo soit généreux de détails mettant en valeur sa bière, pas question de partager sa souche de levure avec qui que ce soit. "Je partagerais ma femme avant de faire de même avec ma levure", nous a-t-il confié, répétant une blague que nous avions entendue plus tôt dans le voyage. Inutile de dire que ce brasseur campagnard ne sait pas qu'on aurait pu cultiver cette même levure à partir du cruchon rempli de 4 litres de bière qu'il nous a donné en guise de cadeau de départ... 

Monsieur Čižo lui-même, fière de partager son savoir-faire ancestral

La bière obtenue de ce processus des plus rustiques est imbue d'un terroir évident. Les malts lituaniens offrent déjà une personnalité distincte, mais les saveurs cuites obtenues dans le four à pain, le thé de houblon infusé dans l'empâtage et la levure campagnarde se joignent afin d'offrir un profil de saveurs qui respire la région environnante. Brune, opaque, coiffée d'une faible mousse, elle étale des saveurs boisées, terreuses et légèrement fumées dans un corps presque aqueux. On croit vraiment avoir voyagé dans le temps à chaque gorgée.

À noter que le deuxième étage de la brasserie abrite un petit musée brassicole et qu'il est possible de camper sur le site en saison. De plus, une chambre est à louer dans la maison de Monsieur et Madame Čižo. Mais nous ne vous conseillons pas d'y parler de levures...

Un dernier verre de Keptinis avant de passer au prochain paragraphe?


Vasaknu Dvaro, à Vasaknai

Jusqu'à tout récemment, un manoir en ruines refléchissant dans les eaux calmes d'un lac peignait un portrait désolant de la région. Racheté par des investisseurs de la ville, entièrement reconstruit et transformé en hôtel de luxe, le Vasaknu Dvaro accueille maintenant des touristes en moyen et des dignitaires étrangers en quête de quiétude. Et quoi de mieux qu'une brasserie sur place pour s'assurer du bien-être quotidien de ses clients! 

Au centre du manoir

Située dans un bâtiment à quelques centaines de mètres du manoir, la brasserie est terrée entre vieux murs de pierre d'une autre époque dans un autre édifice partiellement en ruines. C'est là que le brasseur concocte le classique duo lituanien de Šviesus et Tamsus. Toutefois, même si ces bières présentent de belles saveurs, équilibrées et agréables à boire, force est d'admettre qu'elles ne nous apparaissent pas comme étant 'lituaniennes' à proprement dit.  On aurait dit que tous les ingrédients proviennent de malteries et de houblonnières d'Europe de l'ouest. 

Porte de la brasserie avec la manoir en arrière-plan

Les levures et les méthodes de fermentation ne rappellent pas du tout ce que font les brasseurs campagnards du pays non plus. À en juger par l'équipement brassicole hautement sophistiqué (à l'ère digitale pour certains contrôles!), les investisseurs de Vasaknu ne veulent certainement pas avoir l'air de produire des bières au cachet rustique. N'empêche, si vous voulez déguster l'antithèse de la bière de Ramuno Čižo à quelques kilomètres de là, une visite - et une nuitée? - à Vasaknu s'impose.

Brasseur de Vasaknu Dvaro

La suite de notre guide de voyage brassicole sur la Lituanie se déroulera à Panevėžys, cinquième ville du pays, et ses alentours. On essaiera d'y aborder, oh, une dizaine de brasseries artisanales?