31 mars 2013

Les 1ers prix annuels du douteux brassicole



Puisque nous n'aimons pas mentir, nous avons décidé de célébrer le 1er avril en modifiant le concept du poisson d'avril. Voici donc le début d'une tradition que nous aimerions faire évoluer avec le temps. Parce que parfois, ça fait du bien de rire de cet univers brassicole que nous chérissons tant! Voici donc sans plus tarder: 

Les 1ers prix annuels du douteux brassicole 
Voodoo Doughnut Bacon Maple Ale by Rogue Ales

Ne cherchez pas la rigueur dans la distribution de ces prix ou dans l'admission de chaque nominé/gagnant. Le but est de tout simplement avoir du plaisir avec quelques parcelles de notre monde brassicole de plus en plus vaste. Bon, assez de politesses. :)

La première catégorie est:

Nom de bière le plus involontairement douteux: 

Le grand gagnant est: la brasserie Hakodate, dans le grand nord japonais, et sa "Shacho No Yoku Nomu Biru". En français: "La bière que le Président boit régulièrement". Une superbe tentative d'ajouter un aura de privilège à ce vin d'orge des plus ordinaires.

En 2e place, on ne peut passer sous silence la solide performance de la Alexander Keith's India Pale Ale.

Deuxième catégorie!

Nom de bière le plus volontairement douteux: 

Le grand gagnant est: "I'll Have What The Gentleman on the Floor Is Having" Barley Wine, de McGuire's, en Floride. Bien joué ET alléchant!

En 2e place: La Dubaï Pillée, du Trou du Diable. Plusieurs font des efforts pour construire un jeu de mots basé sur un style de bière, mais cette Double IPA de Shawinigan jouit du plus recherché des jeux de mots loufoques. Excellent travail!




Activité la plus douteuse dans un établissement brassicole 

Le grand gagnant est, sans conteste, ces bains de bière qui reprenne du poil de la bête tout récemment en République Tchèque. Parlant de poil, nous avouons avoir testé le tout personnellement et c'était tout de même très... mmm... relaxant. Oui, c'est ça, relaxant.


En 2e place: Les lundis douteux, en tournée dans les brouepubs du Québec– franchement, se moquer ainsi des gens qui ne vous ont rien fait, ce n’est pas gentil du tout! Quoique... hmmm...

Prochaine catégorie!

L'arôme de bière le plus douteux: 

La grande gagnante est: la Voodoo Doughnut, de Rogue Brewing. Une bière basée sur un beigne au bacon et à l'érable, avec un parfum artificiel de volume 11/10. Même Martin Picard a trouvé le tout un peu exagéré.

En 2e place: La Leo's Early Breakfast IPA, de la Brasserie Dunham. Ça sent presque TROP bon. C'est louche. C'est comme s'ils voulaient nous hypnotiser afin que l'on consomme seulement cette bière.

Roulement de tambour... C'est le temps du...

GRAND PRIX TOUTES CATÉGORIES!

Cette année, le grand gagnant est un logo de bière. Respirez profondément... et admirez le chef d'oeuvre que voici: 


À part la face de boeuf sur le cheval et sa coupe Longueuil, il faut dire que c'est sa montre au bras gauche qui l'a propulsé droit au Grand Prix. Un gros bravo à la brasserie Qasek d'Ostrava!

Tous les gagnants pourront réclamer leur Bud Light Mojito honorifique dès que nous les croiserons à nouveau. 

Si vous avez des suggestions de nominations, de nouvelles catégories, etc., contactez-nous sur notre page Facebook. 

25 mars 2013

Les nouveaux musts de Prague

Depuis quelques années, Prague et la République Tchèque se voient transportés par un souffle nouveau. Un vent qui soulève des passions jusque là enfouies depuis le début de l'ère soviétique. On redécouvre les traditions d'antan et brasse de la bière dans plus de villes et villages. Tellement que le nombre de brasseries en Tchéquie a presque doublé en cinq ans, passant de 90 à 180! Et rien n'indique que cette tendance s'essouffle. Il va sans dire que la capitale est le premier lieu pour témoigner de cette énergie brassicole toute neuve. Voici donc nos quatre coups de coeur de cette nouvelle vague d'établissements qui est en train de conquérir les papilles des amateurs chevronnés, à un point tel que les plus vieux bars et brouepubs deviennent secondaires lors d'un itinéraire serré.


Zlý Časy, au Čestmírova 5 
En quelques mots: LE bar à bière de spécialité de Prague. Il y a cinq ans à peine, le Pivovarsky Klub dominait la scène pragoise avec ces six fûts rares et de qualité et sa longue liste de bouteilles. Le Zly Casy a facilement tout éclipsé. 12 fûts au bar du rez-de-chaussée et 18 autres au sous-sol, presque TOUS servant des bières tchèques de grande qualité et difficiles à trouver par surcroit. Quoiqu'on puisse facilement s'y attabler quelques minutes après l'ouverture, il faut réserver bien à l'avance si on compte y passer la soirée. C'est que les amateurs de bière de Prague et d'ailleurs y font un pèlerinage régulièrement... 



Nota Bene et son Beerpoint, au Mikovcova 605/4
Lorsqu'on visite la Tchéquie, c'est rarement pour la gastronomie. Pourtant, n'importe quel repas dans cet antre du bon goût possède les atouts nécessaires à rassasier toutes papilles raffinées. Arômes, textures et saveurs autant riches que fines se chevauchent sur chaque assiettée avant même qu'on ait pris le temps de terminer sa première pinte. Et que dire justement du choix de mousses... 6 bières judicieusement choisies en rotation, dont presque toujours deux de la superbe Únětický Pivovar non loin de Prague. Et si on en désire davantage, direction sous-sol où six fûts supplémentaires nous attendent dans la section "Beerpoint" de l'établissement.


Restaurace Kulovy Blesk, au Sokolska 13 
Qu'est-ce qu'une maman souriante, une ardoise remplie de bières obscures et de vieux cadres de films tchèques lourds ont en commun? Ils font tous partie du superbe petit restaurant qu'est le Kulovy Blesk, à quelques mètres de la station I.P. Pavlova. La liste de bières n'a d'égale que celle du Zly Casy, le service celui du Nota Bene et le décor... ne ressemble à rien, mais on y prend goût. À part les huit(!!) gousses d'ail complètes qui accompagnent le tartare de boeuf, on a peine à croire qu'autant de d'intelligence et de convivialité puisse se retrouver sous un même toit.


U Tří Růží, au Husova 10
En pleine vieille ville, cette nouveau brouepub a tout pour plaire. Chaleureux, décoré de peintures murales impressionnantes d'un bédéiste tchèque de renom, on désire y rester pour la soirée tellement qu'on y est bien. Du croquant canard rôti à la superbe Světlý Ležák, du service impeccable aux expérimentations Nouveau Monde du brasseur (une rareté dans ce pays), tout est étonnamment réussi. Qui plus est, c'est un des rares endroits brassicoles à Prague où on peut y respirer un air sans fumée et ce, même tard le soir.


La semaine prochaine, cap sur la Moravie! On vous présentera nos deux premiers brasseurs de grands crus de cette région de l'est peu fréquentée par les occidentaux... Na zdravi!

20 mars 2013

Belge de Saison 2013, de Brasseurs sans Gluten, à Montréal

Nous n’avions jamais entendu parler des deux entrepreneurs derrière Brasseurs sans Gluten avant qu’ils ne lancent leur projet il y a à peine deux ans. Ils sont sans surprise en expansion et contrairement à moult bières sans gluten nées auparavant, leurs créations sont spectaculairement goûteuses et équilibrées. Contrairement à plusieurs brasseries que nous admirons, nous abordons toute nouvelle bière de ces brasseurs de talent comme une bière pouvant potentiellement repousser les frontières de la réalité de notre référentiel-bière parfois trop circonscrit.

Style : Saison d’inspiration libre. Le style Saison possède des frontières on ne peut plus élastiques. Les exemples classiques ne sont brassés qu’avec du malt pilsner, parfois une touche de blé. Ces deux céréales renfermant du gluten, imaginez le défi qui s’offre à ces pauvres brasseurs qui en sont dépourvus. Heureusement pour eux, la levure impose la majeure partie du caractère et quelques ajouts bien dosés permettent de fournir le caractère résolument rafraîchissant recherché.

Disponibilité : Présentement en bouteille de 750 ml chez votre détaillant préféré.

Le coup d’œil : Une tour d’ivoire abrite un Eldorado brumeux.

Le parfum : Parfum, voilà bien un terme approprié pour décrire l’impact olfactif de notre première approche. Les citrons Meyer sont explosifs et parfaitement intégrés à un ensemble épicé et frais à souhait malgré les soupçons de bonbon miellés.



En bouche : Les céréales alternatives – le millet principalement – n’affectent pas la texture outre mesure, accentuant même agréablement le côté rustique de la levure terreuse. La bière est sèche et acide, laissant valser miel, poivre et citron allègrement.

La finale : Tout en rafraîchissement, le citron continue son étalement qu’une amertume délicate ne vise jamais à renverser. L’alcool n’y paraît point, si bien que comme limonade, on n’aura jamais connu mieux.

Accords : Si vous êtes de l’école du jet de citron sur votre filet de poisson, vous pourriez envisager l’école buissonnière et opter plutôt pour cette belge de saison des plus complémentaires. Alternativement, le plat mexicain pas trop agressivement pimenté trouvera son âme-sœur auprès de cette blondinette vive et acidulé.

Pourquoi est-ce un grand cru? : On dit souvent des bières belges qu’elles sont bien épicées si nous ne sommes pas en mesure de distinguer une variété d’épice plutôt qu’une autre. Cette bière ne vit que par cette philosophie. Outre le citron, rien n’explose, mais tout semble équilibré. En parcourant la liste des ingrédients, on se surprend toutefois constamment à s’exclamer : « Ah oui, le poivre, évidemment! », mais jamais l’aurions-nous identifier nous-mêmes. Produire une Saison parfaitement inauthentique qui semble plus authentique que l’immense majorité de ses consoeurs sur nos tablettes, si ce n’est pas là un grand cru, nous ignorons ce que c’est. Nous avions plutôt aimé la 2012, mais vraiment, les ajustements apportés à la 2013 semblent avoir été faits spécifiquement pour nous séduire davantage.

Si vous avez aimé, essayez aussi : Noce de Soie du Dieu du Ciel! (Québec), Dulcis Succubus du Trou du Diable (Québec), Ostalgia Blonde de Hopfenstark Québec), Anna de Hill Farmstead (Vermont)

16 mars 2013

Guide brassicole belge - Anvers

La deuxième ville de Belgique par la taille n’a peut-être pas la grâce de Bruges, ni le charisme de Gand, mais ses rues pétillent d’une joyeuse animation et nombreux sont les commerces dont la vitrine attire le regard. Incidemment, les cafés où l’on sert une bonne broue ne sont pas rares non plus et il est insolemment facile de se rendre d’une bonne adresse à une autre à pieds. 

Toutefois, Anvers est surtout connue et reconnue par les amateurs pour l’adresse-phare qu’est le Kulminator. Plusieurs cafés d’Anvers sont de bonne qualité, mais même nous qui apprécions une vie bien diversifiée sommes forcés de faire ce simple constat : si vous n’avez que deux jours à passer à Anvers… passez les deux au Kulminator.  

Kulminator (Vleminckveld 32)


En effet, la carte des bières du Kulminator n’a pas son pareil… sur la planète. Certes, plusieurs endroits proposent davantage de bouteilles différentes, mais nulle part ailleurs peut-on trouver une si profonde variété de bières vieillies. Le grimoire qui sert de menu raconte l’histoire de la bière belge au cours des trois dernières décennies. On y trouve de nombreuses bières qui ne sont plus en production. Les bières fortes et les lambics sont évidemment surreprésentés, résistance aux années oblige. Les classiques comme la Chimay Bleue seront déclinées sur presque tous les millésimés depuis les années 1980 et les prix ne sont franchement pas scandaleux. Les plus jeunes devraient même pouvoir se délecter d’une bière remontant à leur année de naissance… et du coup se sentir plutôt vieux, car si les bières sont évidemment conservées dans des conditions irréprochables au Kulminator, elles développent néanmoins un profil aromatique oxydatif qui ne plaît pas à tout le monde. N’empêche, c’est là une expérience à vivre pour parfaire son éducation. De plus, pour changer le rythme, la dizaine de fûts ou presque offre une sélection variée et très intéressante. En bonus, les lieux sont fort agréables, la décoration, bien typique du café belge, la musique, classique et amicale, les tenanciers, encyclopédiques et les bancs, confortables : en somme, un lieu convivial qui invite à la plus respectueuse dégustation.  

Oud Arsenaal (Maria Pijpelincxstraat 4)


Lorsque vous aurez besoin d’un petit changement d’air, ou si par un quelconque miracle, vous complétez le tour du menu du Kulminator, une alternative louable est ce café brun typiquement belge. De l’authenticité à en revendre, de superbes boiseries et une centaine d’étiquettes bien choisies au menu, le tout sur une rue animée et architecturalement franchement harmonieuse. Un endroit confortable où l’on peut boire un lambic au fût à prix doux. 


Bier Central (De Keyserlei 25)
Ce café plutôt pratique par sa localisation à deux pas de la gare centrale offre une très grande sélection de bouteilles, plus que le Oud Arsenaal par exemple, mais oublions ici l’ambiance plus feutrée du Kulminator. Un public varié et plutôt bruyant s’amasse tant sur la terrasse qu’à l’intérieur de ce grand café brun à vocation mi-touristique, mi-authentique.  

‘t Antwaerps Bierhuiske (Hoogstraat 14)
Situé à quelques pas du centre, ce bar n’est pas le plus attrayant, encore moins le plus grand, mais la carte semble souvent être la deuxième meilleure en ville. Vous ne lisez sans doute pas ceci si vous êtes à la recherche du décor dernier cri ; ce qui vous intéresse, c’est probablement davantage de trouver une Struise en fût, aux côtés d’un lambic de Girardin. Dans ce cas, vous apprécierez certainement cette relativement récente addition à la scène d’Anvers.

Il serait dommage de ne pas souligner la présence à Anvers d’un des rares brouepubs belges. En effet, ‘t Pakhuis (Vlaamsekaai 76) se situe un peu à l’écart du centre-ville et ne vaudra pas la visite pour le visiteur pressé, mais celui qui dispose de quelques jours en ville pourra tremper les lèvres dans une variété de bières typiquement belges ainsi qu’un rare Stout.

Malheureusement, Anvers possède des ressources un peu moins impressionnante que les Gand, Bruges et Bruxelles au niveau des magasins de bière où l’on peut acheter quelques bouteilles à rapporter à la maison ou à l’hôtel. Vos meilleures trouvailles à proximité du centre proviendront probablement de Beers of Belgium (Suikkerui 34), mais vous serez prévenus, n’y fondez pas trop d’espoir.

13 mars 2013

La Solstice d'Hiver Réserve Spéciale, de Dieu du Ciel!, à St-Jérôme


La brasserie Dieu du Ciel! était mise sur un piédestal dans notre Route des Grands Crus de la Bière; nous l'avions nommée 'brasserie d'exception', ce qui signifiait que la très grande majorité de ses créations étaient du domaine des 'grands crus'. Inutile donc de faire une fiche complète pour ses 80 quelques grands crus à ce moment. Cependant, la version 'Réserve Spéciale' de la Solstice d'Hiver n'ayant pas été disponible au public aussi facilement qu'aujourd'hui, nous jugeons bon pointer les réflecteurs de façon officielle sur cette sublime ale de dégustation en vous présentant sa fiche 'grand cru' en bonne et due forme. Amateurs de bières liquoreuses et richement caramélisées, jetez votre dévolu sur cette Solstice d'Hiver Réserve Spéciale. Vous ne le regretterez surtout pas. 

Style : Barley Wine mûri en barriques mouillées de bourbon. 

Disponibilité: De temps à autre lors d'évènements comme l'anniversaire de la brasserie ou de leur pub de Montréal et parfois même embouteillé, comme ce fût le cas en février. 

Le coup d’œil : Une tuile de mousse ivoire flotte sur la robe acajou aux reflets sanguins. 

Le parfum : Vanille et bourbon s'émancipent au-delà des profondeurs alcoolisées et boisées. On s'attend à quelque chose de riche, de décadent même. 

En bouche : Une luxueuse séquence de saveurs maltées aux notes de réglisse, de dattes et de céréales caramélisées se voit rehaussée par un filet vanillé. La gazéification et les sucres résiduels généreux sont parfaitement nivelées afin de créer une bouche riche mais jamais trop grasse. 

La finale : Une élégante trainée d'alcool réchauffe le palais, enduit d'une trace vanillée provenant de la barrique mouillée de bourbon et d'un filet fruité rappelant la réglisse noire. Le caramel refait surface en arrière-goût, avec un houblon résineux équilibrant le tout.

Accords : Un sofa moelleux. 

Pourquoi est-ce un grand cru? : Le caractère de la barrique de bourbon et le mélange de malts sont en parfaite harmonie, ce qui n'est pas souvent le cas dans ces bières liquoreuses vieillies en fûts de chêne. On aurait dit que ce vin d'orge a été conçu spécifiquement pour ces barriques et l'alcool qu'elles contenaient. 

Si vous avez aimé, essayez aussi : Reyne Descosse, de Bedondaine et Bedons Ronds (à Chambly), MacKroken Flower Réserve, du Bilboquet (à St-Hyacinthe) et la Blunderbuss Barley Wine, de Cambridge Brewing (au Massachusetts). 



6 mars 2013

Guide brassicole belge - Les Trappistes

Encore aujourd’hui, les rares brasseries portant le sceau Trappiste demeurent de véritables missionnaires-évangélisateurs. À n’en point douter, peu de brasseries auront initié tant de dégustateurs aux bonheurs de la bière artisanale. La fascination qu’elles exercent est encore aujourd’hui presque religieuse. Ironiquement, les plus grosses des Trappistes, bien que n’ayant aucune aspiration mercantile, sont plus importantes en taille que les plus imposantes des microbrasseries québécoises.

C’est évidemment sur les terres belges que l’on retrouve la majorité des brasseries Trappistes de la planète. Pour avoir droit d’utiliser l’appellation, elles se doivent de produire leurs bières sur place, par ou sous supervision des moines. La brasserie ne doit pas entraver le mode de vie monastique de ses résidants et ne doit en aucun cas devenir l’activité principale du monastère. Les revenus doivent être destinés à l’entretien du monastère et de ses occupants ; tous les profits étant destinés à des œuvres caritatives. De plus, un contrôle de qualité strict est en place afin d’assurer la constance de la bière étiquettée Trappiste. 

Achel
Peut-être la plus méconnue des brasseries Trappistes belges, Achel n’a vu le jour qu’en 1998. Elle produit une Brune et une Blonde correspondant bien aux définitions modernes de la Double et de la Triple tandis que l’Achel Extra est une bière liquoreuse brune foncée d’une grande complexité qui est l’archétype de l’ABT. Bien que le monastère soit plutôt isolé, sis aux extrêmes confins orientaux de Belgique, les visiteurs auront souvent droit à rien de moins que trois produits non commercialisés ailleurs, dont des versions de table à 5% des Blonde et Brune de même qu’une rarissime Achel Extra Blonde.

Chimay
L’une des brasseries Trappistes les plus connues du monde, Chimay produit quatre bières dont trois sont commercialisées à travers le monde. La Dorée, une bière légère aux rafraichissants arômes d’agrumes, de fleur et de levure est vendue en fût à l’auberge de Poteaupré, à quelques centaines de mètres du monastère. En Belgique, presque n’importe quel dépanneur tiendra en inventaire une ou deux Chimay et les vendra à deux euros pièce. Même au Québec, la gamme Chimay est l’une de celles ayant la plus grande longévité sur les tablettes de la SAQ. La Blanche, Triple de la maison, est particulièrement amère et florale, la Rouge, douce et caramélisée tandis que la Bleu est liquoreuse, fruitée et poivrée. Bien que les bières sont d’une grande qualité, s’il est une brasserie Trappiste que l’auteur de ces lignes tient en moins grande estime aujourd’hui qu’il y a dix ans, c’est probablement Chimay. Croissance trop importante ayant entraîné un moindre souci de la qualité, erreur de jugement ou évolution du goût du dégustateur, nous vous laissons choisir votre école de pensée.

Orval
Véritable brasserie culte, Orval est la seule brasserie Trappiste à ne commercialiser qu’une seule bière. Une version coupée nommée Orval Vert n’est servie qu’en fût au café À l’Ange Gardien, adjacent aux terres de l’Abbaye. L’Orval est souvent disponible à la SAQ et a été maintes fois louangés par les grands critiques de bière de ce monde depuis Michael Jackson. Elle se distingue des autres Trappistes par son usage libéral du houblonnage à cru, plus fréquent aujourd’hui en Belgique, mais très rare il y n’y a qu’une décennie. C’est toutefois l’ajout de levures sauvages de type Brettanomyces Bruxellensis à l’embouteillage qui confère à l’Orval sa signature aromatique à la fois puissante et distinctive – notamment des notes chevalines de fleurs sauvages et de cuir. Bien que toutes les bières Trappistes soient plutôt atténuées, tant à cause de l’efficacité de la levure que de la présence d’adjuvants dont les sucres sont plus simples que ceux provenant des céréales, l’Orval, grâce à ses Brett, est carrément une des bières les plus sèches du monde. Ce statut, de même que sa grande effervescence, lui confère une place de choix à table.
                                                                                      
Rochefort
De l’avis de plusieurs, Rochefort est LA brasserie Trappiste par excellence. Brassant des quantités relativement faibles eu égard à la notoriété de ses bières, Rochefort est probablement la brasserie Trappiste la plus réservée. Contrairement aux autres Trappistes belges, nul café adjacent ne sert les produits de l’Abbaye. C’est pourtant la plus vieille des brasseries Trappistes ; les activités de brassage sur place auraient commencé au XVIe siècle. Adeptes du principe de se concentrer sur ce qu’ils font le mieux, les moines ne produisent que trois bières, toutes des brunes empreintes d’une signature de levure intensément fruitée et d’une texture chocolatée riche et soyeuse presque unique dans l’univers de la bière. Les 6, 8 et 10 constituent l’équipage internationalement respecté en ordre croissant de richesse et de profondeur.

Westmalle
La brasserie Westmalle n’est rien de moins que légendaire. Créditée pour la première application du terme Tripel, la blonde forte de la maison est certainement une des bières artisanales ayant inspiré le plus grand nombre de brasseurs au monde. De l’avis de plusieurs amateurs, aucune copie ne parvient encore à la cheville de l’originale. À peine moins réputée, la Dubbel, chocolatée et fruitée au possible, est moins forte et plus foncée. La rarissime Extra ferme la gamme, cette bière de table beaucoup plus légère en alcool ne figure toutefois que très, très rarement à la carte de l’auberge De Trappisten sise en face de l’Abbaye.

Westvleteren
Le Domaine de la Romanée-Conti de l’univers de la bière, Westvleteren est aussi l’une des plus petites brasseries Trappistes. L’immense réputation de même que l’offre très limitée a engendré un véritable phénomène, qu’on observe malheureusement de plus en plus souvent dans l’univers de la bière artisanale. Si la gammeWestvleteren était issue d’un vignoble à but lucratif, les bouteilles se détailleraient à 100$ et s’écouleraient sans difficulté. La 12 est l’archétype de l’ABT et considérée par plusieurs comme la meilleure bière du monde, toutes catégories confondues. La 8 est une version légèrement moins concentrée tandis que la Blonde détonne par sa robe dorée et ses arômes frais de houblon citronné, de meringue et de fleurs, de foin.

Et vous, quelle est votre Trappiste préférée?


 

 




4 mars 2013

De bière et de loterie

 
J’écris ce texte le 4 mars 2013. J’aurais pu l’écrire le 3 mars, mais voyez-vous, le 4 mars est la date limite pour participer à la loterie des « œuvres de collection » d’une de nos brasseries favorites, soit la vaillante Hill Farmstead du Vermont. Et puisque Les Coureurs des Boires sont tellement lus, tellement influents, capables en un coup de plume de vous faire rediriger vos REER vers la nouvelle bière de l’heure, nous avons cru bon maximiser nos chances de gagner la loterie en ne vous indiquant PAS à l’avance que loterie il y avait. Pas qu’on ne vous aime pas, comprenons-nous bien, mais plutôt qu’on s’aime encore plus.

Qu’avez-vous donc manqué? Au cours des derniers jours, Hill Farmstead offrait à ses amateurs les plus fervents de participer à une loterie dont la victoire coûtait 350$. Accessoirement, le déboursé de ces 350$ donne droit à une douzaine de bouteilles d’éditions limitées de Hill Farmstead ainsi qu’à quelques accessoires de luxe afférents, par exemple un kit de verres de dégustation.

Pour répondre à votre question, oui, ça fait cher du millilitre, surtout que des douze bouteilles, toutes ne contiennent pas nécessairement 750 ml. Est-ce exagéré? Oui, mais non. Cette petite brasserie vermontoise que nous vous avons présenté avant qu’elle ne soit cool rafle présentement les grands honneurs. Dominant les palmarès des RateBeer et BeerAdvocate, Hill Farmstead attire des dizaines d’amateurs américains parcourent des centaines de kilomètres pour se procurer quelques bouteilles à chaque fin de semaine. La demande est plus que là pour rencontrer une offre somme toute limitée. Mieux, pour écouler sa production, Hill Farmstead n’a pratiquement aucune distribution à effectuer, pouvant ainsi contrôler au maximum la fraîcheur et la qualité de ses produits.

La brasserie a présenté son programme de loterie comme une faveur destinée à ces amateurs devant parcourir des centaines de kilomètres pour se procurer les brassins spéciaux dont les bières s’écoulent souvent en une journée malgré la localisation on ne peut plus perdue au nord du Vermont, loin des Burlington, Montréal et Sherbrooke. Hill Farmstead offre de stocker les douze bières pour les gagnants, leur permettant ainsi d’accéder aux offrandes les plus rares sans parcourir à répétition des centaines de kilomètres. Les économies en essence peuvent évidemment être substantielles.

 

Comment interpréter un tel phénomène? Une brasserie âgée d’à peine deux ans, qui parvient à écouler presque toute sa production à ses portes, à des centaines de kilomètres des centres urbains du nord-est de l’Amérique. Et qui de surcroît, ose offrir ses produits en loterie, à des prix de prime abord prohibitifs. Sommes-nous tranquillement en train d’assister à la modernisation du monde de la bière, lequel, pour ses produits de luxe, ressemble de plus en plus au monde du vin? Probablement. La formule devrait-elle être appliquée par des brasseurs québécois talentueux et qui ne parviennent pas à répondre à la demande, pensons aux brassins spéciaux du Trou du Diable, notamment, du mois avant leur agrandissement? À eux de juger. Une chose est sûre, en procédant par une loterie, dont le nombre de participants surpasse probablement massivement le nombre de désirants, Hill Farmstead fait une belle faveur aux amateurs. Une faveur dispendieuse, certes, mais une faveur néanmoins. Pour ma part, le régime d’épargne-études du gamin étant déjà renfloué pour l’année, je peine à trouver meilleure utilisation de mes bidous que pour encourager une brasserie qui produit des bières qui, presque immanquablement, parviennent à m’exciter comme si c’était ma première fois.

Ces trop rarissimes merveilles méritent bien un effort particulier. À quand pareils clubs « élitistes » au Québec; le phénomène surviendra sans doute plus tôt que tard, au moins, nous l’aurons vu venir et aurons eu le temps d’établir notre position sur le sujet. Et vous, dans quel camp vous trouverez-vous? Celui de la résistance, accordant avec régularité une importance capitale au rapport qualité/prix ou celui des émotifs, capables de vous laisser bercer par l’appel de la demande excessive? Il est présentement 23h; les gagnants devaient être avisés de leur chance avant la fin de la journée. Il semble que ce ne sera pas notre tour…