22 nov. 2012

Les brasseurs québécois: entrepreneurs à contre-courant

Deux nouvelles brasseries verront le jour sous peu à St-Jean-sur-Richelieu, deux autres à Drummondville, quelques-unes autour de Québec et non moins de quatre ont récemment ouvert leurs portes sur la rive nord de Laval. Et nous en passons. Tout cela, dans l'espace de quelques mois. Et l'histoire se répète depuis quelques années au Québec, sans signe d'essoufflement aucun. Les entrepreneurs brassicoles du Québec, de toute évidence, font légion.

Quand les journaux étaient un brin moins occupés à discourir de l’incapacité de l’industrie du coffre-fort à approvisionner adéquatement les gestionnaires municipaux québécois, ils traitaient souvent de la question de l’entrepreneuriat. Le Québec a presque toujours traîné un taux de chômage supérieur à la moyenne canadienne ces dernières années. Comme nous ne pouvons tous être employés de l’état, c’est encore pas l’entreprise privée que la création d’emplois doit majoritairement provenir. Or, il semble qu’en ce domaine, généralement, les Québécois soient frileux. Peu d’entre eux seraient munis du gêne entrepreneurial. Comment expliquer alors l’explosion de microbrasseries? Bien que très peu de brasseries québécoises aient fait faillite au cours de la dernière décennie, il n’en demeure pas moins que c’est une industrie risquée. Risque de passer inaperçu parmi les centaines de produits différents désormais disponibles. Risque de souffrir des envolées du coûts de l’essence qui font exploser les frais de livraison. Risque de fragilité du produit qui a généralement une durée de vie limitée. Risque d’approvisionnement en ingrédients parfois difficiles à dénicher. Risque de saisonnalité, la bière étant plus populaire l’été. Nous pourrions lister une centaine de risques, certains spécifiques à l’industrie sans avoir fait le tour de la question. Conclusion : pour lancer sa microbrasserie, il ne faut pas avoir froid aux yeux. 

Dominique Gosselin, maître-brasseur et co-propriétaire des Brasseurs du Temps
Photographie de David Gingras


N’empêche, plusieurs aventuriers se lancent à corps perdu dans l’aventure sans oublier les moult projets en branle, à diverses étapes de développement. Pourquoi les brasseurs vont-ils ainsi à l’encontre de la tendance québécoise, peu portée vers la prise de risque? Hypothétiquement pas pour l’appât du gain, peu de brasseurs emmenant leurs enfants à la garderie en Ferrari. Est-il possible que ce soit simplement la passion? Une passion pure et forte qui amène ces braves gens à surmonter embûches et lourdeurs administratives au péril de leur sanité afin d’espérer survivre en faisant jour après jour des tâches répétitives, certes, mais des tâches qui ont une profonde signification pour eux? Des tâches qui les tiennent loin de la monotonie assumée du monde des assurances, mais qui mettent à profit leur créativité tout autant que celle de l’actuaire réalisant avec excitation ses calculs de probabilité de mort par la foudre à Longueuil en 2027.

Quel plaisir ce doit être de manier le fourquet dans une marmite de 1 000 litres de moût bouillant alors qu’il fait 32 dehors en juillet. Quelle satisfaction que de laver le plancher de la brasserie avec un boyau de pompier pour la vingt-deuxième fois de la journée! C’est sans compter les cohortes de gamines collégiennes qui courent les festivals, entre deux barbus hirsutes, afin d’exiger du brasseur qu’il paraphe leur intimité. Le monde de la bière, c’est bien illustré dans les publicités télévisuelles, sait mettre en valeur la gent féminine. Les brasseurs, pas plus fous que les pompiers et autres hommes virils arborant l’uniforme, même si l’uniforme se limite à une paire de bottes de pluie, savent profiter de telles opportunités d’acoquinements. Peut-être y trouvent-ils une compensation additionnelle à celle de consacrer leurs journées à prétendre faire ce qu’ils aiment, alors qu’ils passent la majeure partie de leurs journées à remplir des formulaires, à gérer des employés pour qui l’absentéisme est une vertue, à tenter de grappiller quelques cents sur leurs commandes d’approvisionnement. Bref, ils passent la majeure partie de leur temps à faire exactement ce qu’ils faisaient avant de devenir brasseurs professionnels. Mais au moins, maintenant, ils sont brasseurs professionnels. Et ces tâches, ils les font par choix, ils les font pour eux. Grand bien leur fasse, grand bien nous fasse!

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Dominique

J'ai aimé comment de votre plume, vous nous peint l'esprit du brasseur du 21e siècle.

Je n'arrive pas à dire si c'est le vocabulaire employé ou la tournure des phrases utilisées mais, de votre texte j'en retiens l'essence d'une industrie quasi folklorique s'actualisant au rythme des innovations et s'imposant comme une tendance certaine.

Très coloré certes.

Je me nomme Claude Lapointe et je suis un étudiant au HEC. Je suis un cours de ''tendances en commerce de détails'' sous l'enseignement de Paul Lafortune.

Mon équipe et moi (dont font aussi partie Denis Rochon du Groupe Jean Coutu, Caroline Bourdages et Patricia Lapointe Lafortune) devons créer un concept de commerce au détail en exploitant des tendances actuelles.

Pour avoir fait certaines analyses de cas sur les micro-brasseries, je connaissais la difficulté d'accès aux étalages de la part des micro-brasseurs.

C'est pourquoi nous voulions intégrer cet aspect à un commerce d'alimentation.

Petite idée à faite du chemin, notre concept en est maintenant un entièrement destinée au détail de produits de micro-brasseries.
C'est ainsi que j'ai découvert votre blog.

Je me permets de vous écrire car d'abord, j'ai cru que vous apprécieriez mes commentaires sur votre texte.

Ensuite, j'ignore si c'est parce que j'ai pu voir votre photo et que vous m'êtes devenu famillier par la magie de l'objectif, mais j'ai cru que vous ne trouveriez pas mon intervention dérangeante.

J'aimerais que vous me dites ne serait-ce que quelques phrases (ou plus) sur l'état de la relation entre le consommateur et l'opportunité qu'il a de se procurer vos produits en magasin.

Ceci et/ou toutes autres informations que vous auriez envie de partager avec nous.

Comment imagineriez-vous un commerce spécialisé en micro-brasserie de la taille d'une SAQ Express et localisé dans des marchés du type ''banlieue''.

J'ai pu comprendre que vous êtes un homme fort occupé et c'est pourquoi, je ne voudrais pas que vous voyez ceci comme une tâche additionnelle mais bien simplement comme le plaisir du bloggeur à échanger avec ses lecteurs.

Sur ce, merci et bonne continuité.

Claude Lapointe
claude.2.lapointe@hec.ca

Martin Thibault a dit…

Bonjour Claude,

Le Dominique pris en photo n'est pas l'auteur du blogue. C'est un des brasseurs auquel nous faisant référence. Tu trouveras une présentation des auteurs sous la rubrique "Auteurs" au haut de la page.

Je t'invite à m'envoyer un courriel au marthibault@yahoo.com afin de me poser tes questions.

Au plaisir!