30 déc. 2010

Une caisse de 6 pour le Nouvel An

Alors que vous vous dirigez vers le sprint final du temps des Fêtes, voici quelques suggestions pour égayer les festivités des membres de la famille proche… ou moins proche.


Pour la petite cousine qui vit sur 3 continents différents… par année!

Elle n’est de passage que le temps de saluer la famille avant de s’envoler vers de nouvelles aventures; n’empêche, l’exotisme de ne pas avoir de domicile fixe lui manque déjà. Rappelez-lui les fameux jus d’hibiscus de l’Amérique du Sud en l’introduisant à la gracieuse dame qu’est la Rosée d’hibiscus de Dieu du Ciel! Cette bière de blé des plus rafraîchissantes saura ressourcer les essoufflés des Fêtes. Les arômes de fleurs tropicales, d’eau-de-rose et de fruits de l’hibiscus, supportés par une acidité désaltérante ne manqueront pas de séduire la petite cousine qui en a pourtant bu d’autres.

Espérons que vous ne lui enleviez pas l’envie de repartir!



Pour le beau-frère qui ne boit habituellement qu’au centre Bell

Il ne s’est pas encore rétabli de la première fois où il a goûté une Rickard’s Red, l’ayant trouvée beaucoup trop… ambrée! Tâchez de le désorienter gentiment avec une Blonde des Trois Mousquetaires. Cette lager se montrera diplomatique avec le néophyte et risque même de le surprendre lorsqu’il apprendra que la caisse de six est souvent moins dispendieuse que celle de sa Molson préférée.


Pour votre oncle qui tente de vous impressionner à chaque Noël avec une nouvelle rousse qu’il s’est fait conseiller

Manifestement, mononcle s’intéresse à vos inclinations et les encourage même. Pour lui faire part de votre reconnaissance, offrez-lui de partager l’Ambrée Amère de la Chouape. Cette ale biscuitée au houblonnage ferme et confiant pourrait amener votre gentil oncle à tenter de vous surprendre avec une India Pale Ale ou autres agréables bibittes houblonnées l’année prochaine; ce serait loin de vous déplaire!



Pour votre père qui n’a pas touché à la Molson depuis 1988, qui voyage beaucoup par affaires et vous ramène toujours un bon six-pack local, mais pas question de le boire sans lui!

Bon père de famille! Est-ce lui qui vous a mené aux bières de dégustation? Vous lui en devez une alors! Une fois que vous aurez terminé de boire ses derniers souvenirs de voyage, offrez-lui de coiffer la soirée en partageant un grand classique. C’est votre père, pas besoin de se compliquer la vie avec la bouteille la plus rare qui soit; le simple fait de partager rehausse n’importe quel cru. En revanche, boire un grand classique éveillera de grandioses souvenirs qui pourront être la base de conversations mémorables. Allez-y avec la première grande bière que vous avez consommée ensemble. Était-ce la réchauffante Maudite d’Unibroue avec son idiosyncrasique profil de saveurs épicé et fruité?


Pour votre sœur qui trippe bouffe indienne et croit que s’il n’y a pas 10 épices différentes dans une recette, il n’y en a pas assez

C’est elle qui prépare le gâteau de Noël cette année et vous vous attendez à ce qu’il soit long en bouche? Faites un détour par la microbrasserie Hopfenstark à l’Assomption et ramassez quelques Yule. Festives via leurs arômes tâtonnant cannelle, clou de girofle, muscade et gingembre, elles se montreront sans doute inspirantes pour la pâtissière d’un jour. Qui sait, peut-être remplacera-t-elle la tasse de lait de sa recette par une tasse de Yule?


Pour votre tante de Westmount qui commande une caisse de Château d’Yquem à chaque année

Elle a beau prétendre que le contenu prévaut sur le contenant, matante ne sera pas impressionnée par la meilleure bière du monde servie dans une bouteille dont l’étiquette est collée à l’envers.

Surprenez-la avec une exemplaire Buteuse Brassin Spéciale du Trou du Diable. Vous risquez de l’amadouer en mentionnant son mûrissement en barils de chêne ayant préalablement contenu le brandy de pommes de Michel Jodoin. Et vous risquez carrément de lui créer une dépendance lorsqu’elle collera ses lèvres aux doucereux sucres résiduels à la fois profondément fruités et miellés que recèle toujours cette joufflue Buteuse. Matante ne s’ennuiera même pas de son Sauternes fétiche.



Bonne année!

23 déc. 2010

Où vont les prix de la bière (dernière partie: la segmentation du marché)

La dernière fois, nous avons couvert les facteurs influençant l’offre de bière et conclut qu’il y avait un biais dans l’offre dans le milieu de la bière artisanale. Si vous avez manquez ces interventions, il n'est pas trop tard pour remédier à cette lacune:
Où vont les prix de la bière? (partie 1)
Où vont les prix de la bière? (partie 2)


Voyons maintenant comment nous pouvons arriver néanmoins à une conclusion quant à nos anticipations des prix futurs.

Le marché de la bière est fortement segmenté. En particulier sur le plan géographique. Plusieurs des nouvelles microbrasseries ne tirent qu’une faible portion de leurs revenus de la vente de bouteilles. Les broue-pubs survivent davantage grâce à leur pub et souvent grâce au restaurant qui y est intégré. Les broue-pubs sont donc à la fois dans l’industrie de la bière artisanale, dans celle de la restauration et dans celle des bars. Ça fait plusieurs chapeaux à porter! Une des particularités communes de ces industries est qu’on ne vend pas seulement une saveur et une image à un certain prix comme dans l’industrie de la bière embouteillée. On vend aussi une atmosphère, un décor, une qualité de service à la clientèle…

Une autre forme de segmentation du marché de la bière est liée aux brassins spéciaux versus la gamme régulière. Plusieurs brasseries ajoutent à leur éventail régulier des crus spéciaux qui sont commercialisés comme tel, par exemple une fois l’an et dans une bouteille particulièrement spectaculaire.

Nous pouvons séparer l’industrie de la bière artisanale en plusieurs secteurs :

1- Les broue-pubs

2- Les bouteilles régulières

3- Les brassins spéciaux


1- Les broue-pubs


Portrait : Le marché des broue-pubs n’est pas encore saturé. Plusieurs villes québécoises de taille considérable n’ont pas encore de broue-pub et pourrait très bien en supporter un. La taverne de billard du coin pourrait acheter l’équipement et brasser sa propre bière avec un peu de planification. Elle devrait investir d’importantes sommes au départ, mais pourrait les récupérer à l’aide des marges de profit supérieures sur la bière-maison.


Le prix de la bière dans les broue-pubs dépend de plusieurs facteurs au-delà de la bière elle-même. Plus le broue-pub se distingue positivement de l’offre locale aux yeux des consommateurs, plus il peut hausser ses prix sans que son achalandage ne diminue de façon marquée. Il est donc difficile de généraliser quant à l’évolution future des prix de la bière dans les broue-pubs, mais nous pouvons supposer que la hausse devrait être proportionnelle aux coûts des matières premières.

Conclusion : hausse des prix excessive peu probable


2- Les bouteilles régulières


Portrait : Les bouteilles régulières se trouvent maintenant par centaine sur les tablettes des dépanneurs spécialisés. Comparativement aux broue-pubs, on se rapproche davantage d’une concurrence parfaite où le prix serait le seul facteur dictant les préférences des acheteurs. Néanmoins, les produits sont très différents tant par leur goût que par leur présentation. Nous affairons donc plutôt à une concurrence monopolistique. Les microbrasseurs développent une image à laquelle ils tentent de fidéliser les buveurs afin de se créer un mini-monopole auprès de ces fidèles. Ensuite, ils peuvent jouer davantage sur le prix.

photo: labarik.com


Dans ce contexte, les prix afficheraient une tendance haussière certaine. Néanmoins, la hausse rapide et soutenue du nombre de concurrents rend les produits autrefois uniques de moins en moins distinctifs. Les brasseurs ne peuvent donc pas se permettre d’afficher le prix qu’ils désirent sur leurs produits réguliers. Les substituts étant de plus en plus rapprochés, la facilité pour le consommateur de changer de marque devrait freiner la hausse des prix. Les brasseurs sont aussi devenus trop nombreux pour qu’il y ait collusion sur une hausse des prix. Un brasseur rebelle viendrait certainement briser de telles unions en voulant profiter de ventes accrues par ses coûts moins élevés.

Conclusion : hausse des prix excessive peu probable


3- Les brassins spéciaux

photo: ratebeer.com


Les bières spéciales, presque toujours vendues plus de 10$, souvent en emballages cadeaux, s’apparentent davantage à des produits de luxe qu’à des bières de tous les jours. Les amateurs ont tendance à les essayer une fois et à n’y revenir qu’exceptionnellement.

Ici, le Québec est pour l’instant encore au stade d’oligopole. Ces produits sont encore distinctifs principalement à cause de leur rareté. Les recettes se différencient beaucoup moins qu’elles ne le faisaient auparavant, alors que les bouteilles régulières offraient une variété inférieure. On mise sur la rareté en ne produisant qu’une petite quantité et en commercialisant le tout sous un emballage spectaculaire.


Pour l’instant, ça fonctionne et ce créneau a vu ses prix croître de façon très rapide. Auparavant, la petite quantité jumelée au profit intéressant ne justifiait pas un intérêt particulier à ce secteur d’activité de la part des brasseurs. Maintenant, les quantités demeurent petites (les gens ne font pas plus de cadeaux qu’avant) tandis que les profits sont plus élevés, rendant le créneau plus attrayant. On peut donc s’attendre à ce que plus de brasseurs s’attaquent à ce marché et la conséquence directe est qu’ils ne pourront plus se permettre de hausser les prix spectaculairement à moins d’avoir un produit réellement unique.


Sur une note plus personnelle, j’implore aux brasseurs de s’assurer que leurs brassins spéciaux vendus à des prix stratosphériques soient des recettes qui résistent bien au passage du temps puisque ces produits tendent à demeurer longtemps sur les tablettes et risquent alors de décevoir.

Conclusion : Les prix croîtront encore, mais devraient se stabiliser avec l’arrivée d’une véritable concurrence.


Voilà, je ne m’attendais pas à ce que la sauce s’étire autant, mais il est difficile de généraliser sur une industrie qui est si tentaculaire.


Et vous, dans quelle direction croyez-vous que les prix vont évoluer?