24 janv. 2011

Le Trou du Diable: une célébration du savoir-faire sur fond de créativité

 La Tongka, une des nombreuses bières du Trou du Diable aussi goûteuse qu'inspirée

Il y a cinq ans déjà, un des projets brassicoles québécois les plus inspirés a vu le jour. Fruit de la vision de cinq entrepreneurs aux talents complémentaires, ce Trou du Diable fêtait en effet samedi dernier l'aboutissement d'une phase importante de leur existence. Aujourd'hui, nous sommes forcés d'admettre que la microbrasserie shawiniganaise est plus mature et énergique que jamais.  La qualité de tout ce qu'elle a à offrir - cuisine, bières, service, décor, ambiance - n'est égalée que par une poignée de brasseries artisanales des quelques centaines du nord-est de l'Amérique. Nous avons donc maintenant affaire à une brasserie d'exception.

Tartare de saumon avec pinte de Mactavish et magnifique bouteille de V en arrière-plan

Cette célébration était une occasion pour l'amateur de bières débridées de se pourvoir de bouteilles de quelques-unes des créations les plus accomplies d'André Trudel, maître-brasseur de l'endroit. La Buteuse Brassin Spécial, cette Triple de type belge vieillie en barriques de chêne mouillées de brandy de pommes de Michel Jodoin et ensemencées de levures sauvages, faisait bien évidemment partie du lot. À ses côtés, Dulcis Succubus, une Saison de type belge, elle vieillie en barriques de chêne ayant préalablement contenu un Sauternes californien. Cette nouvelle ale aussi fermentée en partie à l'aide de levures sauvages de type brettanomyces est d'ailleurs une des toutes premières bières au monde à marier l'apport d'un vin de pourriture noble (botrytisé, si vous préférez) à une bière dite "sauvage"; le seul autre exemple disponible sur la planète bière présentement est la Korty, de la brasserie hongroise Serforras (les deux produits sont cependant très différents). Finalement, tout dégustateur présent aux premières heures de la fête a aussi pu acheter des bouteilles de V, une Scotch Ale vieillie en fûts mouillés de bourbon américain, spécialement conçue pour la journée.

 André Trudel jouant les serveurs, expliquant son menu du jour avec fierté

Comme si cela ne suffisait pas, le menu des bières à la pompe était tout aussi exquis. De la Petite Buteuse, une ale de type belge aux houblons bien herbacés, à la Vipérine, une ale sûre aux cerises vieillie plus de trois ans, tout était empreint de talent. Rares sont les brasseries de l'Amérique aussi à offrir des ales bien sèches en bouche. On ne se vautre pas dans les sucres résiduels collants au Trou du Diable. Même les India Pale Ales les plus parfumées (Pénurie et Dubaï Pillée en fin de semaine) demeurent élégantes et faciles à boire; une signature que peu de brasseurs savent apposer à leurs bières.

 Le pire dans tout ça, c'est qu'on se prépare pour fêter encore longtemps...

En sachant mettre à profit des artistes locaux pour de nombreux projets (bouteilles, logos, t-shirts, art mural, etc.), en choisissant toujours des ingrédients de qualité irréprochable et en faisant preuve de maturité et de vision dans l'épanouissement de leur projet, les cinq tenanciers du Trou du Diable peuvent se vanter d'avoir créé une brasserie artisanale digne de mention. Décidément, on ne peut faire autrement que d'aimer se faire gâter ainsi.






9 commentaires:

Pirotts a dit…

J'apprécie énormément votre blogue messieurs, j'espère seulement que vous appliquez autant de rigueur dans votre étude des autres breuvages que la bière.

Sauternes est un vin spécifique, issu d'une région spécifique, la région de Sauternes, et qui porte ce nom de façon contrôlée. Il n'y a pas et il n'y aura jamais de Sauternes californien, comme il n'y aura jamais de trappistes en Oregon. J'adore boire des vins issus de raisins botrytisés, qu'ils viennent de Californie où d'ailleurs, comme j'adore boire des bières, mais il faut faire attention de ne pas escamoter les appellations d'origine puisqu'elle sont garante d'une qualité spécifique à un terroir.

Je suis persuadé que la bière se dotera plus tôt que tard d'un système d'appellations qui, sans sous-entendus, permettra de ne pas coller n'importe quel nom sur n'importe quelle bière (voir Gueuze et autres acabit). D'ici là, faisons en sorte de ne pas massacrer le système de classification d'un autre bon breuvage, le vin.

Au plaisir

Simon Perrotte

Martin Thibault a dit…

Merci de nous tenir rigueur, Simon. En effet, nous aurions dû écrire "vin californien inspiré des Sauternes", par respect pour l'appellation d'origine contrôlée et des saveurs que son terroir implique.

Le vin botrytisé en question est aussi un assemblage de Semillion et de Sauvignon Blanc, et la maison californienne avoue s'être largement inspirée de ce qui se fait en Sauternes, alors en langage courant (autour d'une bonne bière au Trou du Diable, par exemple :P), nous sommes un peu trop habitués à parler de leur vin comme étant un "Sauternes californien", puisqu'il serait onéreux de toujours dire "vin californien inspiré des Sauternes". Nos conversations de la fin de semaine déteignent sur nous, semble-t-il...

Goldorak a dit…

Désolé de 'caller bullshit', mais c'est tout à fait possible de faire une bière Trappiste en Oregon. Suffit de convaincre un monastère trappiste déjà implanté dans l'état de brasser une bière! D'ailleurs, y'en a un au coin de ma rue à Vardun, j'attends toujours réponse à mes prières. Les moines sonts lents, mais le saoulon est patient.

Et c'est pas parce qu'un produit porte une AOC que le produit est garant de qualité.

Moi personellement, je trouve que massacrer/changer/adapter le système de classification de la bière - et sourtout du vin - est une bonne chose.

Mario D'Eer a dit…

Oseriez-vous aller jusqu'à affirmer que Le Trou du Diable pourrait maintenant faire partie des Brasseries d'exceptions ? ;-) Pour mon humble part, elle trône depuis longtemps au top de mon palmarès d'expérience orgasmoleptique totale (yeux, nez, bouche, oreille...)
CHEERS!

Pirotts a dit…

Cher Goldorak,

Une appellation garantie une qualité parce qu'elle est produite selon une charte stricte d'encépagement, de taux d'alcool minimal, d'élevage minimal, etc... On ne pose pas la question si c'est à ton goût ou pas, mais au moins on sait exactement ce qui se trouve dans la bouteille parce qu'une instance législative s'y est penchée et en a vérifié la qualité.

C'est ce que je déplore du côté de la bière, on peut littéralement servir n'importe quoi et appeller ça une triple ou une même une gueuze. Je ne vais pas jusqu'à dire que c'est plus souvent qu'autrement problématique, vivement les métissages si c'est bien fait, mais disons que je suis parcimonieux dans mon choix de microbrasseries. Alors pour ce qui est de massacrer le système de classification des bières, on devrait peut-être s'en doter d'un avant d'essayer de le déconstruire.

Bien à vous!

Simon Perrotte

Martin Thibault a dit…

Eh bien oui, Mario, j'ai osé affirmer que le TDD est une brasserie d'exception. :) J'oserais même dire que des 200 brasseries du Québec et de la Nouvelle-Angleterre, elle fait partie des 10 plus impressionnantes pour tous les sens. Souvent dans le monde de la bière, la qualité des cervoises, mais la cuisine ne suit pas. Des fois, le décor y est, mais la bière est peu mémorable. Au TDD, tout est excellent. Et depuis quelques temps, les bières sont "world-class" d'un bout à l'autre de la carte géographique d'inspirations et de styles. Ça aussi, c'est rare dans le nord-est!

Martin Thibault a dit…

Je voulais dire "la qualité des cervoises y est"...

Goldorak a dit…

Je crois mon cher Simon qu'on va être d'accord de ne pas être d'accord. Je veux pas trop en déblatérer parce que ca sort du cadre de l'article et du blogue, mais on se reprendra devant une bonne bière!

Santé!
Martin

Anonyme a dit…

La barlew wine que le TDD a servi au Winter Warmer était très, très bof. Ils n'ont pas atteint la constance du DDC encore à mon avis...