24 mai 2011

Le malt d'orge québécois (2e partie)


Suite au dernier article publié il y a quelques jours sur le sujet, quelques brasseurs professionnels et amateurs ont partagé leurs expériences avec le malt d'orge québécois de la malterie Frontenac, ainsi que celui produit par Canada Malting. Les flaveurs de raisin et de grains verts ne semblent pas avoir été identifiées au même degré d'intensité chez La Québécoise, ce malt d'orge québécois fabriqué par Canada Malting. Certains soutiennent que le malt Frontenac partage peu des caractéristiques mentionnées ci-dessus lorsqu'il est utilisé en petite quantité. Pour l'instant, plusieurs hypothèses circulent, sans toutefois pouvoir identifier la source des dites saveurs peut-être endémiques à l'orge québécois (ou au malt Frontenac).

Nous croyons fermement que ces saveurs vives, parfois fruitées, parfois vertes et astringentes, ont leur place dans le monde de la bière. Ces caractéristiques ne sont d'ailleurs pas étrangères à notre boisson chérie, étant parfois produites, par exemple, par des fermentations de certaines levures à haute température ou même par le houblon choisi. Cependant, l'intensité de cette personnalité nécessite, à notre avis, un peu de discernement de la part des créateurs de recettes. Nous ne comprenons pas, surtout, l'insistance à inclure ce malt d'orge très typé en quantité significative dans toutes les bières d'une brasserie. Mis à part la variabilité apparente de ces saveurs de brassin en brassin, ce choix d'utiliser un ingrédient si volubile semble plutôt provenir d'une forte volonté d'encourager des gens de notre belle province. Idéalement, nous aimerions que le choix de cet ingrédient de chez nous provienne d'un désir de créer un produit qui sera savoureux ET harmonieux à tout coup.

En d'autres mots, nous croyons qu'un brasseur doit travailler comme un chef cuisinier; toujours en recherche d'une harmonie intrinsèque peu importe les autres objectifs de la recette.

Voici une analogie toute simple: un nouveau houblon vient d'arriver sur le marché. Appelons-le... FullFrontalFuggle (FFF, si vous préférez). Son parfum est explosif et son potentiel d'amertume fait sourire les extrémistes de la papille. Oseriez-vous l'utiliser dans toutes vos bières? Certes, il serait sûrement plaisant de l'essayer dans une Double IPA, une Stout bien charnue ou une Tripel version nouveau monde. Or, il serait potentiellement catastrophique de l'inclure en grande quantité dans une Helles, une Ordinary Bitter ou une Amber Ale toutes menues. À moins, bien sûr, que vous vouliez que toutes vos bières goûtent, de façon prédominante, le FFF...

Pour que ce malt soit pris au sérieux par les amateurs et les brasseurs d'ici et d'ailleurs, nous croyons qu'il doit être utilisé judicieusement, dans une recette qui mettra en valeur des arômes et des saveurs harmonieuses à celles produites par ce malt d'orge. Le côté jus de raisin se juxtapose bien, par exemple, aux malts caramélisés et noisettés d'une Brown Ale anglaise ou d'une Quadrupel belge. Il pourrait même aller de pair avec un houblon aux notes tropicales, tel le Citra ou le Nelson Sauvin. Les propriétés de grains verts légèrement astringents se fonderaient sûrement dans un houblonnage résineux persistent en saveur et en amertume. Encore faut-il que l'intensité de ces saveurs soient contrôlables par le brasseur... 

La sublime St.Bernardus Abt 12 possède quelques subtiles notes de raisins noirs bien juteux...

Nous aimerions d'ailleurs voir quelques brasseurs se mouiller quant aux méthodes employées afin d'enrayer, ou du moins de doser, le grain vert, l'astringence et/ou le jus de raisin produit par l'orge québécois... ou le malt Frontenac. Merci, entre autres, à Benoit Mercier du Benelux, Francis Foley d'À La Fût, René Huard de Brasseurs Illimités, Alexandre Bernard du Bilboquet et Alex Ganivet-Boileau des Trois Mousquetaires pour leur contribution professionnelle constructive à ce débat. C'est en discutant de vos expériences que nous allons pouvoir parler, un jour, des malts d'orge québécois sans avoir peur d'offusquer qui que ce soit. Et c'est aussi en jasant tous ensembles, donc avec nous humbles dégustateurs,  que le monde de la bière québécois se munira d'outils pour mieux communiquer et croître.

3 commentaires:

Jasmin a dit…

Tous connaissent l’importance de l’eau dans le brassage. Le profil d’une eau affecte le résultat sur la bière fini.

Est-ce qu’il y a quelqu’un qui a penser à l’influance de l’eau sur le maltage ? Montréal, Thetford Mines, Cabano et les Iles-de-la-Madeleine ont des profils d’eau très différents.

Une hypothèse à vérifier, scientifiques à vos laboratoires...

Goldorak a dit…

Maudit bon point Jasmin. Le maltage a aussi besoin d'une quantité appréciable d'eau, et des profils différents peuvent avoir une influence sur le goût. Ca pourrait expliquer la différence entre le malt Frontenac et celui de Canada Maltage...

Éric Michaud a dit…

Effectivement. Dans le nord de l'Angleterre, plusieurs brasseries basent leur eau sur la qualité de l'eau de Burton upon Trent. Ils utilisent donc de l'eau distillée à laquelle ils rajoutent des minéraux pour arriver à ce standard. C'est une pratique un peu douteuse à mon avis mais le marché de l'Angleterre est bien différent de ce que l'on trouve au Québec.