31 janv. 2012

Les brasseries Rogue et Brooklyn disponibles en importation privée


Eh oui, c’est le moment où Importations Privées Bièropholie nous dévoile ses commandes privées du mois. Cette fois-ci, deux brasseries américaines dont la réputation n’est plus à faire. Deux brasseries que l’on pourrait même aujourd’hui désigner de doyennes de la révolution microbrassicole, avec les Sierra Nevada, Pike, etc. Voici donc les bières que nous pouvons commander dès le 1er février, présentées cette fois-ci par catégories d’impact gustatif :

ROGUE BREWING, de Portland, Oregon

Les bières de soif :

Chatoe Rogue Dirtoir Black Lager
Techniquement, c’est une Schwarzbier, mais les sucres caramélisés et chocolatés de cette lager noire sont un tantinet plus riches que la très grande majorité des bières de ce type.

Chatoe Rogue Good Chit Pilsner
Une lager blonde conçue à partir d’orge cultivée sur une ferme appartenant à la brasserie, puis ensuite maltée par la brasserie même. Rogue n’est pas reconnue pour ses bières délicates, mais nous avouons que ce nouveau produit entièrement maison nous rend très curieux.

American Amber
Un classique de la brasserie, cette ale ambrée allie des houblons aux angles de pamplemousse à des céréales légèrement caramélisées.

John John Juniper
Les houblons floraux utilisés aux côtés de baies de genièvre amènent cette Pale Ale vers une finale épicée, très harmonieuse avec les barriques ayant contenu le gin d'épinette de la brasserie, dans lesquelles la bière a séjournée. Très originale, c'est le moins que l'on puisse dire.

Juniper Pale Ale
Une autre Pale Ale aux baies de genièvre?!? Pourquoi pas ! Celle-ci n’est pas vieillie dans les barriques mentionnées précédemment et se veut donc un peu plus subtile que sa cousine John John. Les houblons aux allures de pamplemousse la rende d’ailleurs encore plus rafraichissante.

Dry-Hopped St-Red
Un autre classique de la maison. Une rousse munie d’houblons développant des flaveurs d’agrumes aux côtés de malts légèrement toastés et caramélisés.

Mom Hefeweizen
Des graines de coriandre survolent des touches de blé, alors que les houblons épicés et les malts miellés dominent les saveurs de gingembre. Une variation bien intéressante sur les bières de blé belges et allemandes.

Irish Style Lager
Une lager croustillante mettant en valeur des céréales proéminentes et une amertume de houblon herbacée. Très agréable à boire lorsque nous ne sommes pas d’humeur à déguster sérieusement.



Des bières plus relevées, sans être lourdes:
Mocha Porter
Du chocolat amer et des malts rôtis s’agencent aux houblons fruités pour un beau Porter jamais ennuyant.

Hazelnut Brown Ale
Plus sucrée que la Brown Ale moyenne, celle-ci évoque la crème de noisette et les fruits séchés aux côtés de caramel et toasts. Elle n’a rien à voir avec les Brown Ales classiques à l’anglaise…

Chatoe Rogue OREgasmic Ale
Une ale forte (7%) qui met en valeur tous ces ingrédients poussant sur la ferme appartenant à la brasserie. Si vous voulez découvrir l’apport de ces ingrédients locaux et que la Pilsner décrite précédemment vous plait moins sur papier, celle-ci devrait vous satisfaire davantage.

Chatoe Rogue Single Malt Ale
Une autre bière brassée entièrement d’ingrédients de l’Oregon. Cette Single Malt n’a rien à voir avec le whisky, sauf pour le fait qu’elle met en valeur un type de malt spécifique. Ses saveurs caramélisées et miellées sont rehaussées par un houblon fruité et bien amer.

 

Les bières riches et chaleureuses :
Double Dead Guy Ale
Des céréales biscuitées et miellées sont enduites de résines de conifère dans cette ale forte soyeuse et longuement amère. Une version plus intense de la Dead Guy qui a fait la renommée de la brasserie.

XS Russian Imperial Stout
Facilement la plus riche et la plus intense du lot, la Russian Imperial Stout se démarque aussi par son malt rôti extraverti, rappelant le cacao 90%, et son alcool chaleureux. Les houblons poivrés ne se gênent pas non plus, ajoutant des touches fruitées ainsi qu’une amertume très résineuse. À siroter.


BROOKLYN BREWERY, de Brooklyn, New York
 1 Brewers Row, Brooklyn, USA

Les bières de soif :
Lager
La bière phare de la brasserie se veut croustillante et facile à boire, sans jamais se perdre dans l’insipidité. Ses houblons floraux et ses céréales délicatement toastées sont toujours agréables.

Pilsner
Une autre lager très avenante, cette Pils fait briller ses houblons floraux et herbacés sur une base rappelant la paille. Reste à voir si le délai occasionné par la SAQ nous permettra de profiter de cette bière délicate dans un état recommandable…

Pennant Ale 55
Une Pale Ale très intéressante afin de découvrir les flaveurs d’ingrédients britanniques phares, notamment le malt Marris Otter et le houblon Fuggles. Douce et bien équilibrée, elle s’apparente un peu à la Lager de la maison, tout en étant conçue en respectant les ingrédients et les traditions des anglais, évidemment.

Brooklyn Pennant Ale

Des bières plus relevées, sans être lourdes :
East India Pale Ale
Cette IPA est en quelque sorte la Pennant Ale, version moins subtile. Toutefois, ne vous attendez pas à une bombe de houblon, comme c’est souvent le cas avec les IPA américaines. Celle-ci est bel et bien brassée dans le respect de la tradition anglaise.

Brown Ale
Moins sucrée que la Brown Ale aux noisettes de Rogue, celle de Brooklyn se veut donc plus facile à boire à grandes gorgées. Cependant, elle est aussi moins mémorable. À vous de décider si vous préférez un dessert (celle de Rogue) ou un apéro (celle-ci).


Des bières fortes d’inspiration belge :
Sorachi Ace
Une belle Saison sèche et citronnée, un fruité surtout amené par l’utilisation du houblon japonais Sorachi Ace. Versatile en cuisine et très facile d’approche, elle est un excellent exemple de ce style effervescent de plus en plus prisé des nord-américains.

Local 1
Les houblons floraux de cette blonde forte se ramifient en notes poivrées et citronnées alors que des esters de banane et de poire rajoutent à la complexité déjà présente. Une autre bière d’inspiration belge très authentique signée Garrett Oliver (maître-brasseur ici et auteur reconnu).

Local 2
Le penchant marron de la Local 1, fruitée et épicée, équilibrée par des malts délicatement chocolatés. Sèche et encore une fois authentique ; on ne s’attend à rien de moins.

Brooklyn Local 1



Les bières riches et chaleureuses :
Black Chocolate Stout
Truffes chocolatées remplies d’alcool et céréales rôties recouvrent un fruité subtil rappelant les raisins secs et les fruits des champs. Un Stout Impérial crémeux et langoureux, moins amer que la XS de Rogue.

Monster Ale
Un vin d’orge brûlant d’alcool et réconfortant de fruits confits. Ce n’est pas un Barley Wine décadent à la Mea Magna Culpa de Brasseurs du Temps (par exemple), mais ses céréales passablement caramélisées réussissent tout de même à nous faire passer de beaux moments de dégustation.

Voici venu le moment difficile; il faut faire des choix... Bonne dégustation!


29 janv. 2012

L’Espace public – Hochelaga-Maisonneuve sur la carte



Nos vies modernes rendent vétustes l’adage « l’habit ne fait pas le moine ». Il serait sans doute plus approprié de moderniser et rendre plus positive cette expression en suggérant plutôt « le pub fait le quartier ».

Nous ne sommes pas les premiers (ni les derniers) à le dire, mais le monde dont rêve tout amateur de bière verrait chaque village enrichi par son brouepub local. Inévitablement, dans les grandes villes, chaque quartier devrait jouir du même privilège. Après Rosemont qui a bénéficié en 2011 de l’avènement de La Succursale, Hochelaga-Maisonneuve se joint à la modernité avec L’Espace Public. La modernité, dites-vous ? Oui, rien de moins ! En cette ère où les piétons n’osent plus se balader sans téléphone intelligent à la main, le pub de quartier représente l’ultime riposte des relations humaines contre les machines. Il existe peu d’endroits où nous entendons autant de vérités… ou de rumeurs… à la minute ! C’est un lieu vivant et évolutif, véritable reflet des habitués qui le fréquentent, ceux-ci habitant majoritairement à proximité. Un quartier comme Hochelaga-Maisonneuve avait besoin d’un tel repaire depuis belle lurette.

Le local choisi par les associés derrière le projet est au cœur même de la promenade Ontario, l’artère viscérale du coin. Moins de cinq minutes de marche suffisent pour atteindre le site à partir de la station de métro Joliette. Une fois rendus, nous sommes à la fois surpris et enthousiasmés par la taille des lieux. Le local, bien que relativement profond, demeure intime en raison de son étroitesse. On nous dit que plus de 90 personnes peuvent entrer dans les lieux, mais les places assises sont pour l’instant limitées à une soixantaine en incluant le bar. La décoration reste simple et conséquente à la mission : celle de promouvoir l’effervescence culturelle du quartier, entre autres en fournissant un vitrine aux artistes locaux. Dès l’ouverture, des œuvres d’actualité d’artistes du quartier étaient exposées, dénonçant entre autres l’abandon du protocole de Kyoto par le Canada. L’éclairage, chaleureux, encourage la conversation. Vraiment, c’est là un endroit simple et agréable comme nous les aimons, le genre d’atmosphère où nous avons envie de traîner durant quelques heures... Encore faut-il que la carte des bières suffise à nous exciter le poil de la barbe au cours de ces quelques heures !



Présentement, l’Espace Public ne possède que 2 bières-maison, mais toutes deux sont fort honnêtes. La plus légère est une Pale Ale d’inspiration britannique aux saveurs de malt franches et plus vives que la Pale Ale moyenne. Il en va de même pour l’effervescence, plus piquante que ce à quoi nous sommes habitués. L’autre est une India Pale Ale fière de ses arômes de Cascade qui ne sont peut-être pas les plus intenses de la Belle Province, mais, ma foi, contrairement à la plupart des IPA québécoises, on n’a pas affaire à une allégorie de malt crystal. Les saveurs caramélisées se trouvant ainsi modérées, cette bière amère devient facile et agréable à boire. Pour l’instant, le brasseur d’HOMA ne brasse pas à HOMA, délais d’obtention du permis obligeant. Le brasseur a choisi de se tourner vers le Bilboquet, à St-Hyacinthe, où il produit des brassins de 1 500 litres. On s’attend à voir le portefeuille de bières évoluer rapidement une fois le permis obtenu. Les installations de brassage au sous-sol seront alors grandement sollicitées.

Le partenariat avec le Bilboquet génère aussi d’autres retombées. On trouve en effet aux pompes de l’Espace Public deux bières de la brasserie maskoutaine alors qu’on croise rarement ces produits en fût ailleurs que sur les lieux de leur confection. Parmi les autres produits d’intérêt, notons tout de même les produits des microbrasseries du Lac-St-Jean et de Charlevoix, toutes deux relativement peu distribuées en fût. Ces deux dernières permettent à l’Espace Public d’offrir une palette plus variée, l’Espace ayant plus d’attraction naturelle pour les recettes d’inspiration britanno-américaine. Du Lac-St-Jean et Charlevoix se spécialisent en effet davantage dans les inspirations belges. Lors de notre visite, la Premium Lager de Charlevoix, autre bête parfois difficile à traquer, représentait même l’inspiration allemande, si bien que la dizaine de fûts proposait un bel éventail. Pour combler les trous, quelques bouteilles sont offertes, entre autres d’offrandes plus digestives, la Corps Mort d’À l’Abri de la Tempête, par exemple.

Dans le concept de l’Espace Public, trois facteurs nous plaisent particulièrement. Premièrement, les quatre associés et amis derrière le projet sont tout jeunes, encore loin de la trentaine. Qui plus est, d’informaticien à ingénieur mécanique, ils comptent sur des formations diverses et complémentaires. En cette ère où on reproche aux Québécois de manquer d’ambitions entrepreneuriales, leur prise de risque est admirable. Deuxièmement, nous apprécions beaucoup cet intérêt à exposer à la clientèle des produits québécois variés, qu’on trouve rarement ailleurs de surcroît. Étant eux-mêmes des bleuets, il était tout naturel pour les partenaires de développer un partenariat avec la micro du Lac-St-Jean. Troisièmement, au cœur même du projet est le désir de participer à la vie de quartier. L’Espace Public, brasseurs de quartier, le nom même du projet le confirme. On ne tente pas d’attirer les touristes avec du tape-à-l’œil, mais bien d’offrir un environnement familier, chaleureux et convivial où tous sont bienvenus, mais surtout, où les résidents du coin ont envie de venir et revenir. Une telle complicité entre une brasserie et sa clientèle devrait être l’essence même des nouveaux projets de broue-pubs qui n’ont pas nécessairement des moyens financiers outranciers, mais qui carburent toutefois à la passion, une passion contagieuse.


P.S.: Notre livre, La Route des Grands Crus de la Bière, a été publié à l'automne 2010. Ça ne fait donc pas encore 18 mois. Depuis, près d'une dizaine de nouvelles brasseries ont vu le jour au Québec! Loin de ralentir, l'apparition de nouveaux brasseurs semble de plus en plus fréquente. Même maniaques comme nous le sommes, nous avons pris un peu de retard, retard qui sera difficile à corriger alors que dans les derniers mois, nous avons entendu parler de pas moins d'une vingtaine de nouvelles brasseries qui ont fait leur apparition ou s'attendent à la faire au cours des prochains mois: Le Baril Roulant (Val-David), La Souche (Québec/Limoilou), Le Castor (Rigaud), Kruhnen (Blainville), Brasseurs Sans Gluten (Montréal), La Chasse-Pinte (Anse St-Jean), Aux Fous Brassants (Rivière-du-Loup), Les Beaux Prés (Ste-Anne-de-Beaupré), La Société (St-Georges-de-Beauce), Frampton Brasse (Frampton), Le Coureur des Bois (Dolbeau), La Gueule de Bois (Arvida), Les Soeurs Grises (Montréal), Brasseurs des Monts (St-Mathieu-de-Beloeil), en plus d'autres projets à Sept-Îles, St-Jean-sur-Richelieu, Chelsea, Montréal, etc. Ouf! Ce qui semblait être une utopie il y a quelques années est en train de se réaliser... et c'est agréablement grisant!

22 janv. 2012

Ce qui se brasse en Belgique (2e de 2 parties)

Voici la suite de notre inventaire des principaux termes utilisés pour décrire les bières belges. Rappelons que notre objectif est ici d’explorer de façon plus théorique l’horizon brassicole de Belgique avant de partir à la conquête des meilleurs endroits pour mettre cette théorie en pratique ! Pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de lire la première partie de cet article, cliquez ici.


La Belgique est un des pays offrant la plus grande diversité de bières




Double / Abdij Dubbel / Double d’abbaye / Dubbel / Abbey Double
Cette bière brune forte (6,5% à 9%) fait un excellent partenaire pour les viandes braisées ou grillées ainsi que les plats en sauce brune. Elle paraît plus sucrée qu’elle ne l’est réellement, certains la comparant à la Scotch Ale bien qu’elle soit habituellement plus sèche et surtout plus influencée par sa levure épicée et fruitée. Des saveurs fruitées sont habituelles, souvent complémentées par des notes caramélisées et de noisettes baignant parfois même dans le rôti léger. Les houblons demeurent discrets dans leur rôle de support. Exemples typiques : Westmalle Dubbel, Corsendonk Pater, St-Bernardus Pater 6.

Faro
Style presque éteint, le Faro est un jeune lambic auquel on a ajouté du sucre, typiquement du sucre candi belge, adoucissant ainsi l’ensemble et son acidité. Exemples typiques : Drie Fonteinen Faro, Girardin Faro, Mort Subite Faro


Un verre de l'excellent Faro de Drie Fonteinen





Geuze / Gueuze
La Gueuze est la fierté des brasseurs de lambics et considérée par plusieurs comme le Champagne de la bière grâce à son effervescence vigoureuse, sa grande complexité, ses saveurs de rancio, sa sécheresse relative et l’usage systématique du bouchon de liège à son embouteillage. Par définition, elle provient de l’assemblage de lambics jeune et vieux, lesquels sont ensuite embouteillés ensemble afin de mûrir et se gazéifier. L’âge exact, entre 1 et 4 ans, dépend des recettes. Le lambic vieux contribue complexité et acidité, mais serait, servi seul, un peu austère. Le lambic jeune apporte une vivacité et une fraîcheur équilibrantes en plus de fournir les sucres résiduels qui seront consommées par les ferments toujours vivants dans la bouteille afin de gazéifier la bière. Bref, les deux sont aussi complémentaires que les deux Coureurs des Boires dont un est passablement vieux par rapport à l’autre. Les arômes découlant de la fermentation spontanée sont, à l’image du fromage bleu ou des huîtres, un goût à développer. Boisée, à l’effervescence piquante et citronnée, la Gueuze présente aussi souvent des arômes fermiers de foin, de sueur, d’étable, de cuir, de cidre, de terre qui peuvent être perçus au travers de flaveurs rafraîchissantes et acides. L’équilibre est la clé d’une bonne gueuze, mais certains dégustateurs apprécient les interprétations les plus intenses. Exemples typiques : Drie Fonteinen Oude Gueuze, Girardin Gueuze 1882 (Black Label), Cantillon Gueuze Bio


La Gueuze est un des types de bières belges qui vieillit le mieux. Certains cafés, comme le Kulminator à Anvers, offrent d'ailleurs des bouteilles vieillies parfois de quelques décennies...




Glükriek
Une rare bière aux cerises brune opaque et vineuse bourrée d’épices réconfortantes comme la cannelle, le clou de girofle et la muscade. Très parfumée et inspirée des Glühwein des Alpes. Sa grande particularité : on suggère de la boire chauffée comme un thé. Exemple typique : Liefmans Glühkriek.

Grand Cru
Un terme qui ne donne pas beaucoup d’indices au niveau du goût si ce n’est que c’est un produit que la brasserie juge supérieur.

Lambik / Lambic/ Lambiek
C’est triste, mais à peine une dizaine de brasseurs et d’assembleurs préservent le précieux héritage du lambic. La production totale est inférieure à celle des plus grandes microbrasseries québécoises. Néanmoins, le lambic représente une bière mythique, une vraie gorgée d’histoire !
Le lambic servi brut est rare, offert dans quelques cafés spécialisés et à la brasserie. Il porte alors la mention Jonge, qui signifie « jeune » en Flamand, ou Oude, qui signifie « vieux ». Le lambic brut est une bière évolutive, relativement sage, polie, doucement rafraîchissante et fraîche dans son jeune âge, soit au cours de sa première année. Il s’acidifie, s’assèche et développe son caractère en vieillissant, les lambics servis comme Oude ayant majoritairement 2 à 3 ans. Il devient alors boisé, acide et très complexe. Il dégage des arômes fermiers pouvant rappeler le cuir, les fleurs sauvages, la transpiration, le foin, le cheval, le citron. Dans tous les cas, le houblon n’est utilisé que pour ses qualités préservatives. Exemples typiques : Girardin Jonge Lambik, Girardin Oude Lambik, De Cam Oude Lambiek, Cantillon Bruocsella (les deux derniers étant embouteillés)

Lambic aux fruits / Kriekenlambik / Kriek / Framboos / Framboise / Frambozenlambik / Druivenlambik, etc.
Les lambics aux fruits sont produits de façon analogue à la Gueuze. Des lambics âgés sont assemblés et on y laisse macérer des fruits durant de nombreux mois. Le fruit prête alors sa couleur, ses saveurs et son acidité au Lambic, alors que ses sucres sont entièrement consommés par la flore bactérienne. En pratique, de nombreux fruits peuvent être utilisés, mais la griotte, la framboise et dans une moindre mesure, le raisin, sont les seuls qu’on considère authentiques. Exemples typiques : Cantillon Vigneronne, Drie Fonteinen Oude Kriek, Cantillon Foufoune
Il est à noter que de nombreux brasseurs produisent des exemples de Lambics aux fruits sucrés afin de plaire à un public plus vaste, certaines interprétations poussées à l’extrême n’ayant plus grand-chose à voir avec le Lambic traditionnel. Exemples : Timmermans Kriek, De Troch Chapeau Pêche, St-Louis Kriek

Oud Bruin / Brune des Flandres / Flanders Brown
Le pendant foncé de la Rouge des Flandres tire son origine de la portion plus orientale des Flandres. Les principales différences entre les deux styles ont trait aux céréales utilisées (base de malt Pilsner et beaucoup de malt Crystal foncé) et mûrissement, qui se fait dans des cuves d’acier inoxydable plutôt que dans des fûts de chêne. La flore bactérienne diffère aussi et produit beaucoup moins d’acide acétique / flaveurs de vinaigre que chez la Rouge des Flandres. En parallèle, ses assises de malt Crystal la rendent nettement plus ronde en bouche. Au nez, la Brune des Flandres présente souvent un bel étalement de fruits noirs, de chocolat ainsi que des évocations oxydatives de cuir. C’est aussi une base fréquente pour des bières aux fruits. Exemples typiques : Liefmans Goudenband, Ichtegem’s Oud Bruin, Liefmans Odnar

Pale Ale / Belgian Pale Ale / Spéciale
Une ale généralement ambrée qui présente somme toute peu de caractère fermentaire (outre des notes fruitées et épicées/poivrées) pour une bière belge. Elle se veut facile à boire, basée sur des malts toastés, voire biscuités. Elle paraît relativement sucrée, entre autres à cause des houblons modérés, atteignant néanmoins leur zénith lors d’une finale feuillue. Exemples typiques : De Koninck, De Koninck Ambrée, Palm Spéciale.

Saison
Style rural par excellence, la Saison a beaucoup évolué au cours des dernières années si bien que les définitions varient beaucoup selon la source. Historiquement, elle accomplissait la noble besogne d’alimenter et rafraîchir les travailleurs des champs. Elle était donc légère. Les méthodes de production fermières impliquaient un refroidissement du moût à l’air libre qui, comme chez les producteurs de Lambic, rimait avec l’infestation du moût par des ferments sauvages et bactéries qui pourvoyaient le produit final d’une acidité certaine. Au fil des années, les techniques ont évolué et la Saison moderne ressemble à une Triple plus légère (de 5 à 7%, mais de nombreuses exceptions existent), plus sèche, encore plus effervescente et qui résulte d’une souche de levure bien différente, moins en esters et plus en phénols. La Saison est fréquemment épicée, mais les puristes préfèrent majoritairement l’abstinence à cet égard et s’attendent à ce que les arômes épicés et typiquement poivrés proviennent de la fermentation. Le caractère de houblon diffère beaucoup d’un exemple à l’autre, mais on a plus de chance de percevoir des arômes de houblon citronné dans une Saison que dans tout autre style belge et les faibles sucres résiduels en rendent l’amertume plus percutante. C’est là un excellent digestif et véritable passe-partout pour accompagner la boustifaille. Exemples typiques : Saison Dupont Vieille Provision, De Ranke Saison de Dottignies, Glazen Toren Saison d’Erpe-Mere. Exemples atypiques : Dupont Avec les Bons Voeux

Trappiste
Appellation réservée aux bières produites sous supervision des moines d’une des sept abbayes accréditées : De Koningshoeven aux Pays-Bas et Achel, Chimay, Orval, Rochefort, Westmalle ou Westvleteren en Belgique. L’appellation ne fait pas référence à un cadre de flaveurs identifiable, mais outre l’idiosyncrasique Orval, les produits tendent à être une Blonde Belge, une Double, une Triple ou une Bière Belge Forte Foncée.

Triple / Triple d’abbaye / Abdij Tripel / Trippel / Abbey Triple
Cette bière blonde forte (7,5 à 10%) fait un excellent apéritif. La levure lui apporte un arôme généralement fruité. Elle est l’archétype de la bière forte qui parvient tout de même à être rafraîchissante. Ses fondations sont souvent miellées, voire biscuités dans les exemples plus denses. Pour une bière belge, elle présente une amertume relativement élevée, ses houblons contribuant des notes florales et épicés notamment. Ce n’est pas la norme, mais quelques interprétations contiennent des épices. Très polyvalentes à table. Exemples typiques : Westmalle Tripel, Chimay Blanche, St-Feuillien Triple.

Vlamse Rood / Flanders Red / Rouge des Flandres / Bière sure des Flandres
Cette spécialité de l’ouest des Flandres doit son caractère unique à son mûrissement en fût de chêne prolongé sur plusieurs mois. Chacun de ces fûts possède sa propre flore de bactéries et levures sauvages qui envahissent la bière. Pour assurer la stabilité du produit, des assemblages entre les différents barils sont réalisés au gré de l’expérience du brasseur. Les saveurs sauvages des brettanomyces sont perceptibles, mais fréquemment dominées par les notes de vinaigre générées par les bactéries productrices d’acide acétique. Des bactéries productrices d’acide lactique (comme dans le lambic) font souvent partie de la faune en présence, mais leur subtilité est éclipsée par l’intensité des saveurs de bois vanillé et de vinaigre. Au niveau des autres ingrédients, le houblon s’avère très discret et la fondation céréalière est constituée de malt Vienna rendant de douces flaveurs toastées, mais aussi d’une portion considérable d’adjuvants pour alléger le corps. Lorsque bien mûrie, elle est très sèche. La Rouge des Flandres se montre toujours plutôt vineuse, déployant souvent une belle palette d’arômes fruités, de cerise par exemple, occasionnellement accompagnés de nuances chocolatées. Pas surprenant qu’on s’en serve souvent comme base de bières aux fruits. Remarquable comme base d’une carbonnade flamande ou en vinaigrette. Exemples typiques : Rodenbach Grand Cru, Verhaeghe Vichtenaar, Duchesse de Bourgogne



Cette Rodenbach Vintage est une interprétation plus forte du "style" de la brasserie qui produit les Rouges les plus célèbres des Flandres





Witbier / Blanche Belge / Bière de Froment / Tarwebier
La fameuse Blanche Belge, si populaire au Québec, est produite un peu partout à travers le plat pays. Ses principales particularités sont qu’elle comprend environ 50% de blé non malté qui confère une texture légèrement crémeuse et qu’elle contient systématiquement des épices. Traditionnellement, il s’agit de coriandre et d’écorce d’orange amère (curaçao), mais plusieurs variantes sont commercialisées, que ce soit avec du gingembre, de la cannelle, de la camomille ou toute autre préférence du brasseur. Sa sécheresse et son caractère lactique acidulé et citronné font d’elle une bière d’été par excellence, merveilleuse à table avec les poissons, fruits de mer et salades. Exemples typiques : Blanche de Bruxelles, Blanche de Bruges, Hoegaarden

Voilà qui met fin à notre survol des principaux types de bières que le voyageur est susceptible de croiser sur les arpents belges. Très prochainement, nous mettrons le cap sur Bruxelles où nous nous promettons de découvrir les meilleurs endroits pour découvrir les grandes bières belges.

15 janv. 2012

L’histoire miraculeuse de deux bières à 3% d’alcool qui ont tenu la route pendant… 30 ans !


Pourtant les capsules, elles, semblaient avoir souffert...


Aussi farfelu qu’il puisse paraître, le titre de ce billet n’a rien de si surprenant lorsqu’on connaît le type de bière en question : la Berliner Weisse. Ce "champagne du Nord", tel que l’avait surnommé Napoléon lors de son passage à Berlin, est en effet habité par des bactéries acidifiantes, de type lactobacillus delbruckii ou lactobacillus Brevis. En français, vous dites ? Voici : ce sont des bières qui contiendront de l’acide lactique; semblable à ce qui se passe pour certains yogourts et pour la choucroute. Ceux qui connaissent les lambics belges peuvent imaginer le résultat en bouche (quoique l’acidité des Berliner Weisse est généralement plus douce que celle d’un Lambic traditionnel).



Des bactéries telles les lactobacillus étant inhibées par la présence d'alcool, il est normal que ce type de bière soit très peu alcoolisé; entre 2,5% et 3% d’alcool, habituellement. De cette façon, l’acidité se présente sans gêne dans le profil de saveurs ; c’est ce que les brasseurs de Berliner Weisse veulent. Une telle acidité peut être très rafraîchissante !




Les deux vedettes du moment



Traditionnellement, certains brasseurs réussissaient à obtenir une fermentation à l’acide lactique en ne bouillant pas leurs grains. Les grains contiennent déjà les bactéries acidifiantes pour fermenter leurs propres sucres, si le brasseur a la patience, et le courage, de laisser le tout évoluer sans y toucher. C’est que ça sent mauvais un moût de céréales qui s’acidifie par lui-même... Demandez aux brasseurs de Dieu du Ciel!, qui brassent quelques bières sures à partir de cette technique d’empâtage. Ils nous en présenteront d’ailleurs une toute nouvelle à L’Hivernale des Brasseurs de Montréal à la fin février.



Aujourd’hui, il ne reste qu’une seule brasserie à Berlin produisant ce style moribond : Berliner Kindl. En achetant une multitude de petites brasseries productrices du style, ils ont protégé leur marque… et presque tué ce type de bière du même coup.



Les quelques brasseries hors-Berlin qui concoctent un exemple de ce style aujourd’hui peuvent tout simplement, si elles le désirent, rajouter de l’acide lactique afin d’acidifier le tout. Certaines utilisent même des levures sauvages comme les brettanomyces, quoique leur utilisation ne semble pas être traditionnelle. Difficile donc de trouver une Berliner Weisse dans les règles de l’art.



Quant aux bouteilles dégustées après plus de 30 ans de sommeil forcé? Très peu d’information existe de nos jours sur les entrepreneurs Landré et Groter Jan qui ont fait brasser ces Berliner Weisse chez Schultheiss dans les années ’70. Les nombreuses brasseries productrices de Berliner Weisses ayant été consolidées par Schultheiss, puis par Berliner Kindl, il est difficile de trouver de la documentation sur l’origine de ces deux brasseurs. Grâce au travail de Ron Pattinson, nous savons que Groter Jan a commencé à brasser une Berliner Weisse en 1932. On sait aussi que Landré a eu beaucoup de succès dans les bars de Berlin se spécialisant dans les bières de blé.




Et puis, qu'est-ce qu'elles goûtaient ces bières légères de 30 ans ? Étaient-elles buvables ? Bien... Pour ce qui est de la Landré, l’effervescence habituellement intense des Berliner Weisses (près de celle du champagne!) n’était pas au rendez-vous; ce qui n’est pas surprenant après tout ce temps. Ces bières n’ont pas été embouteillées afin d’être vieillies, après tout. Ses saveurs fruitées et son corps plat rappelaient une eau très citronnée. Un léger souffle d'oxydation rendait la bière moins rafraîchissante qu'elle ne l'était sûrement quelques mois après sa sortie. Mais les lactobacillus avaient effectivement fait leur travail.



La Groter Jan, de son côté, était remarquablement bien préservée. Gazéification presque intense, saveurs citronnées et acidulées définies surplombant un soupçon d'oxydation; un très bel exemple du style, à peine fatigué par sa trentaine d'années.




La Groter Jan, exhibant une belle tuile de mousse malgré ses 30 ans!




Comment est-ce possible qu’une bière légère d’une trentaine d’années puisse survivre en bonne condition si longtemps ? Peu d’études ont été faites sur le sujet dans le monde de la bière. Cependant, il a été prouvé depuis longtemps en alimentation que la présence d’acide lactique est responsable d’une amélioration de la stabilité microbiologique d’un produit. C’est ce qui se passe pour la choucroute, par exemple. Il semblerait qu'un effet semblable se soit produit dans le cas de ces Berliner Weisses.




Et qu'est-ce qu'un Québécois peut faire pour déguster une Berliner Weisse sans se payer un vol direct pour Berlin? Eh bien... Dieu du Ciel! à Montréal en fait plusieurs versions plus fortes en alcool et additionnées de vrais fruits, sous le nom de Solstice d'Été. Des interprétations créatives et délicieuses, plus corpulentes et plus intenses en bouche, et munies d'une gazéification moins débridée que le veut la coutume berlinoise. La version sans fruits, plus rare, se nomme Été Indien. Sinon, Hopfenstark, à L'Assomption, brasse à l'occasion la Berliner Alexanderplatz. Plus près des Berliner Weisses traditionnelles, elle titre 3,2%-3,5% d'alcool et est très rafraîchissante. Elle aussi est moins gazéifiée que les versions authentiques. Finalement, ceux qui ont commandé une Berliner Weisse lors de la commande allemande d’Importations Privées Bièropholie de l'automne dernier pourront aussi écrire leur propre histoire, d’apparence, miraculeuse. Suffit de patienter, oh... quelques décennies?

10 janv. 2012

La Hildegard - Ambrée d'Épeautre, du Boquébière, à Sherbrooke


Cette bière existe depuis l'ouverture du Boquébière. Et quelle évolution elle a subit depuis près de 3 ans! Michaël Parent, son concepteur, peaufine toujours ses recettes de brassin en brassin - cette bière en est une preuve. Maintenant raffinée, équilibrée et remplie de nuances, cette bière d'épeautre semble avoir trouvé son identité propre; il faut dire que le conditionnement en bouteille et les levures à Saison s'adorent lorsque traités aux petits soins, comme c'est le cas ici. Voici donc sa fiche 'grand cru':







Style : C'est une bière d'épeautre québécois fermentée à l'aide de levures typiques aux Saisons belges. Donc... une Saison d'épeautre?




Disponibilité : En fût depuis les débuts du brouepub de Sherbrooke, cette bière est depuis peu vendue aussi en bouteilles de 500ml dans les magasins spécialisés. Au risque de le répéter, c'est cette version conditionnée en bouteille, à la gazéification ample mais douillette, qui nous a révélé le plein potentiel de cette recette.





Le coup d’œil : Une tour de mousse ivoire protège la robe ambrée brillante (lorsqu'on prend le soin de ne pas verser les levures du premier coup, bien sûr).





Le parfum : Les levures à Saison exhibent de réconfortantes arômes de pâte à pain qui soulèvent la lancée herbacée et presque mentholée du houblon Hallertauer. Des phénols poivrés annoncent autant de complexité que de rafraîchissement.





En bouche : Un fruité floral prend le contrôle du corps sec à l'effervescence expansive. L'authenticité de ce corps nous transporte littéralement dans la campagne wallonne, ce qui n'est pas souvent le cas avec les bières de cette famille conçues en Amérique du Nord. Des effluves de terre et d'agrumes se joignent à cette pastorale, ma foi, hypnotisante.





La finale : Les houblons herbacés installent une amertume bien dosée qui réussit à équilibrer le profil de saveurs tout en rehaussant l'impression de rafraîchissement. Les levures participent à la fermeture du bal en rappelant leur apport principal (pain, poivre, terre).





Accords : Cette bière nous force presque à pique-niquer sous un arbre (ou sur le plancher du salon, à ce temps-ci de l'année!). Apportez baguette, pâtés, terrines, petits fruits et un fromage à pâte semi-ferme relativement doux pour accompagner votre pinte d'Ambrée d'Épeautre. Vous aurez peut-être même le goût d'installer un hamac par la suite...





Pourquoi est-ce un grand cru? : Contrairement à plusieurs bières d'inspiration belge brassées sur notre continent, le profil de saveurs de cette bière possède une ruralité et une franchise qui nous font voyager au pays d'origine de ce type de bière. De plus, elle réussit avec brio à ne pas sombrer dans les sucres résiduels et dans la surdose d'épices, tout en étalant autant de saveurs que de nuances, surtout au niveau des levures et du houblon. Chapeau!





Si vous avez aimé, essayez aussi : Dernière Volonté, de Dieu du Ciel! (QC), Saison Station 16, d'Hopfenstark (QC), et Clara, de Hill Farmstead (VT) (quoique toutes les Saisons de Hill Farmstead méritent d'être dégustées si vous aimez l'Ambrée d'Épeautre).

4 janv. 2012

Ce qui se brasse en Belgique (1ère de 2 parties)


L'utilisation du bouchon de liège est typique de Belgique



Voici la suite de notre guide brassicole belge entamé il y a une dizaine de jours. Pour retrouver la première partie, cliquez ici: PREMIÈRE PARTIE

La tendance à catégoriser toutes les bières, particulièrement prisée en Amérique de Nord, fait moins partie de la culture européenne. C’est encore plus vrai en Belgique où toute tentative de regroupement se solderait par une foule d’exceptions. Certains auteurs suggèrent de grouper la majorité des bières belges simplement comme pâles/blondes ou foncées, avec la nuance additionnelle potentielle « forte » pour les plus fortes d’entre elles. C’est certes une approche louable, mais les travaux de feu Michael Jackson et de ses successeurs ont néanmoins permis de faire reconnaître certains termes qui sont maintenant généralement acceptés pour décrire un ensemble de caractéristiques communes aux bières dont l’étiquette comporte le terme en question. En ce sens, l’exercice d’exploration de ce qui ce brasse en Belgique que nous proposons comporte quand même une valeur. Nous suggérons de faire l’inventaire des principaux termes rencontrés bien plus que d’un catalogue exhaustif de styles brassés en Belgique.


Chez Yves Streekbieren à Roeselare, qui sait chercher croise beaucoup de tels magasins en Belgique



Pourquoi ? Parce que même si la variété des bières belges n’est rien de moins que remarquable, plusieurs se rejoignent dans leurs intentions. Il n’est pas rare de croiser un commerce qui propose plus de 100 bières différentes en Belgique. En parallèle, les termes descriptifs utilisés sont relativement limités. Par conséquent, nous pouvons nous pencher brièvement sur ces termes afin de mieux s’outiller pour interpréter les étiquettes. La Belgique n’étant pas exclusivement un pays francophone, il est pertinent de connaître les termes dans les deux langues principales : le français et le flamand (ou néerlandais, mais il semble que les habitants des Flandres préfèrent se distancier de leurs cousins des Pays-Bas à cet égard). C’est d’autant plus vrai alors que des tensions linguistiques continuent de hanter ce pays autrement pacifique. Ça vous rappelle quelque chose, les Québécois ? En Wallonie (le sud de la Belgique, où l’on parle français) comme en Flandres (le nord, où l’on parle Flamand), si on ne connaît pas la langue locale, il est généralement préférable de se présenter en anglais que dans l’autre langue officielle.

Avant d’entrer dans l’antre de la terminologie la plus commune des bières artisanales belges, notons quelques observations généralement vérifiables sur les bières belges :


- Elles sont souvent très effervescentes et produisent une mousse spectaculaire, dense et uniforme, si bien qu’on fait parfois référence poétiquement à la dentelle belge, le pays étant aussi un important producteur de dentelle.

- C’est la contrée de la bière refermentée en bouteille. Elle contient alors toujours de la levure, ce qui prolonge sa durée de vie et est généralement voilée, voire opaque et pleine de sédiments au service. Les bières en fût sont peut-être populaires en Belgique, il n’en demeure pas moins qu’une majorité de bières artisanales ne sont offertes qu’à la bouteille. On n’y perd pas au change puisque la Belgique est probablement le seul pays du monde où les bières embouteillées nous semblent souvent meilleures que la même bière du fût 
– ce serait vraisemblablement une question de finesse de l’effervescence combinée avec un potentiel de conservation accru, deux caractéristiques propres aux bouteilles refermentées.

- Le concept de brouepub est peu répandu en Belgique. Pour découvrir les bières artisanales, on pourra certainement visiter quelques brasseries, mais c’est surtout la route des cafés et bars à bières qu’il faut prendre.



Gruut est l'un des rares brouepubs belges et le seul de Gand



- Bien que le pays soit un important producteur de bières fortes, celles-ci ne sont pas nécessairement très lourdes. Pour arriver à ce résultat, une portion souvent significative des sucres fermentescibles provient d’adjuvants, c’est-à-dire d’autres sources que les céréales. Ces adjuvants contiennent généralement moins de sucres non fermentescibles que le malt et sont convertis en alcool et autres produits dérivés dans une grande proportion. La bière est donc plus forte, mais moins lourde.

- L’utilisation libérale du houblon est rare en Belgique. Les demandes d’importateurs américains changent tranquillement la donne pour des produits spécifiquement destinés à l’exportation, mais généralement, les bières belges sont peu amères, ce qui donne la fausse impression qu’elles sont sucrées. En réalité, elles sont plutôt atténuées.

- Les bières blondes sont majoritairement brassées avec 100% ou presque de malt de type Pilsner, ce qui contribue à l’impression rafraîchissante, sèche et légère qu’elles dégagent.

- Plus que dans tout autre pays, les Belges ne se laissent pas imposer de limite quant à la définition de bière. Il n’y a pas de listes d’ingrédients proscrits. Ceci expliquant cela, l’utilisation d’épices, d’herbes et autres aromates est répandue. La coriandre est particulièrement prisée, tellement qu’elle est parfois un caractère dominant des produits qui la contiennent, ce qui est rare dans un autre pays.

Pour poursuivre notre exploration de la scène brassicole belge, voyons les principaux termes que nous sommes susceptibles de retrouver sur une étiquette et leurs significations.

Abbaye
Référence très commune sur les bouteilles de bières belges qui attribue au produit une origine monastique. La référence est surtout utilisée à des fins commerciales, bien que dans plusieurs cas, une entente existe effectivement entre une abbaye et une brasserie. La mention Abbaye ne laisse pas envisager des caractéristiques gustatives précises. Par contre, on tend à l’utiliser surtout sur la Blonde Belge, la Double, la Triple ou la Bière Belge Forte Foncée, soit des produits semblables à ceux commercialisés sous le vocable Trappiste.

Belgian IPA / IPA belge
Bien que certaines bières belges faisaient déjà exception à la tendance locale de produire des bières peu houblonnées il y a plus de cinq ans (Hommelbier, XX Bitter), l’avènement des houblons américains dans les brasseries belges est tout récent. C’est encore une fois l’influence des importateurs américains qui est à l’origine de ce changement de cap, les bières ainsi produites étant surtout destinées à l’exportation. La bière de base est habituellement une blonde belge relativement simple (ici encore, le taux d’alcool varie énormément, de 4 à 10% !), mais on lui insuffle le souffle du dragon houblon avec des cultivars du Nouveau-Monde par exemple le Simcoe, le Cascade et l’Amarillo, tous bien pourvus en arômes de résine, de fleurs et d’agrumes. La technique du houblonnage à cru, peu utilisée en Belgique, sert ici à maximiser l’extraction d’arômes. Exemples typiques : Chouffe Houblon Dobbelen IPA Tripel, De la Senne Taras Boulba, De Ranke Hop Flower Power


L'excellente Liene constitue un bon exemple d'une IPA belge



Belgian Stout / Stout Belge / Noire
Type de bière relativement récent en terres belges, le Stout belge tend à être assez relevé quoiqu’il existe des exemples titrant 5% alors que d’autres dépassent les 10%. Tandis que les grains et houblons sont en ligne avec une recette de stout conventionnelle, une levure belge est utilisée, ce qui coiffe l’habit de déclarations fruitées, épicées et parfois d’une légère acidité accentuée par la vigoureuse gazéification. Exemples typiques : De Dolle Extra Export Stout, Ellezelloise Hercule Stout, De Ranke Noir de Dottignies.

Bière Brune Extra Forte / Bière Belge Forte Foncée / Quad / Quadrupel / Quadruple / ABT / Belgian Strong Dark Ale
Certains de ces termes sont souvent utilisés distinctement, mais les frontières entre eux sont floues. Dans tous les cas, nous avons affaire à une bière fruitée et à l’alcool notable (plus de 8%) si bien qu’on la qualifie souvent de vineuse malgré sa vigoureuse effervescence. De couleur brune, cuivrée ou ambrée foncée, elle contient souvent des traces caramélisées de sucre candi. Complexe, elle décline fréquemment des subtilités de miel ou de chocolat, de noix grillées, de pain toasté. Comme chez la Double, les houblons demeurent discrets. Excellente bière pour finir la soirée, accompagner un feu de foyer ou digérer un repas. On pourrait la considérer comme une Double plus concentrée, mais de grâce, évitons de l’appeler Double Double ! Exemples typiques : Abbaye des Rocs, Rochefort 8 & 10, Gouden Carolus Cuvée Van de Keizer. Exemple atypique: Het Kapittel Abt.


Elle est peut-être plus rare que la Rochefort, mais plusieurs considèrent que la Westvleteren est encore meilleure



Bière de Noël / Christmas Ale / Kerstbier
En comparaison avec les autres bières belges, les brassins spéciaux de Noël paraissent habituellement épicés avec des aromates qui rappellent les Fêtes : la cannelle, la muscade et le clou de girofle. Plus souvent qu’autrement, ce sont des bières brunes et très fortes, mais les exceptions sont trop nombreuses pour établir la moindre règle à cet effet. À tout coup par contre, c’est un brassin festif ! Un spécial annuel que la brasserie commercialise distinctement. Exemples typiques : Het Anker Gouden Carolus Noël, La Rulles Noël, Abbaye des Rocs Noël. Exemples atypiques : Dupont Avec les Bons Vœux, Slaghmuylder Kerstbier

Blonde Belge / Singel / Abbey Single
La bière blonde belge sert d’entrée de gamme pour plusieurs brasseurs. Au royaume de Belgique, les bières foncées belges plus légères que la Double sont étonnamment rares, si bien qu’il est peu utile de discuter d’une simple Brune Belge. La Blonde oscille généralement entre 5 et 7,5% et ressemble à une petite Triple, ou encore à une saison fermentée avec une souche de levure différente. Au niveau des ingrédients, elle s’apparente aussi à une lager blonde allemande en ce sens où elle contient presque uniquement du malt de type Pilsner et des houblons continentaux relativement herbaux, floraux, mais somme toute discrets. Par contre, la levure belge la rend fruitée et épicée tout en résultant souvent en des bulles plus grosses sur le palais. Exemples typiques : Rulles Blonde, St-Feuillien Blonde, Bink Blonde.

Brut / Champenoise
Bière refermentée en bouteille à laquelle on a appliqué la technique du dégorgement qui fait une partie du romantisme des champagnes afin d’expulser le dépôt de levures. Les rares bières auxquelles on applique ce traitement sont généralement des produits de luxe, dans des bouteilles spectaculaires. Très bonnes, mais très chères. Exemples typiques : Malheur Brut Réserve, Malheur Dark Brut, Deus Brut des Flandres

Ouf, gardons-en un peu pour la semaine prochaine où nous nous réserverons les termes qui ne commencent pas par « A » ou « B » !