31 oct. 2011

Des bocks, des bières sauvages et des Double IPAs... allemandes!

Les Importations Privées Bièropholie récidivent avec une surprise de taille… Des bières allemandes !! Puisque c’est la saison des Bocks qui commence à poindre à l’horizon - et que ces lagers charnues pourront survivre aux délais de la SAQ contrairement aux lagers de soif plus fragiles - nous aurons maintenant accès à une aguichante sélection pour faire taire ceux qui croient qu’il n’y a que de la Pils en terre germanique. Voici nos habituels commentaires afin d'éclairer vos choix:


Spezial Rauchbier Bock : Une lager fumée bien dodue, mettant en vedette les malts Munich autant que le malt d’orge fumé au bois de hêtre. Un des chefs d’œuvres de la brasserie Spezial, de Bamberg.

Fischer Bockbier : Cette minuscule brasserie de Greuth, dans la campagne au sud de Bamberg, nous offre leur saisonnière d’hiver, une Dunkler Bock. Si vous aimez la Bockbier de l’Amère à Boire, par exemple, celle-ci risque de vous séduire.

Andechser Bergbock Hell : Une Heller Bock, ou si vous préférez, une version dorée et forte de la lager phare du monastère d’Andechs, à l’ouest de Munich. Sophistication et richesse sont au rendez-vous.



Andechser Doppelbock : Une des rares Doppelbocks bavaroises à ne pas sombrer dans les sucres résiduels. Ici, les fruits confits s’adjoignent aux malts légèrement torréfiés, créant un exemple des plus complexes. Un chef d'oeuvre.

Hümmel Bräu Raucherator Doppelbock : Un de nos premiers coups de cœur de la Franconie. À tous les hivers, la petite brasserie Hümmel, du village de Merkendorf, fait une Doppelbock… fumée ! Jamais excessive, mais tout de même très généreuse d’elle-même, les saveurs de cette Doppelbock savent rallier les amateurs de bières fumées et ceux qui aiment la sagesse des malts Munich sveltes.

Braustelle Trippelbock : Une étrange créature, cette Heller Bock plus forte que la moyenne. Des malts miellés gargantuesques se fondent en une finale très fruitée et acidulée. Comme si cela ne suffisait pas, cette brasserie hèle de Cologne, là où toutes les brasseries s’affairent à brasser de la Kölsch, et que de la Kölsch. « Twilight Zone » en allemand, ça se dit comment ?

Opus Pontifikator, Opus Zwanzentinus et Opus Weltschmerz : Vous n’avez jamais entendu parler de ces bières ? Nous non plus ! C’est tout simplement parce que ces produits du brasseur de Braustelle, à Cologne, n’ont toujours pas vu le jour. Nous espérons que ces trois bières soient prêtes à temps pour notre commande, mais nous ne pouvons être garants de leur grande qualité puisque personne n’y a goûté à ce jour. La première est une Doppelbock vieillie en fût de chêne, la deuxième est une Weizenbock aux fruits(!?) et la troisième est une version glacée (Eisbock) de la deuxième. Intriguant, n’est-ce pas ?

Et ce n’est pas tout ! Imaginez-vous donc qu’il y existe certains brasseurs en Allemagne qui font fi de leurs traditions brassicoles et qui osent concocter des styles anglais et, surtout, américains. Oui, oui, des Double IPAs et Imperial Stouts allemandes ! 

Hopfenstopfer Citra Strong Ale : Des fruits tropicaux explosifs batifolant dans un corps longiligne, réchauffé par l’alcool. Un bel exemple de ce que le cultivar Citra peut offrir.



Hopfenstopfer Chinook Strong Ale : Croyez-le ou non, cette brasserie du Baden-Württemberg a brassé… une Imperial Black IPA !! Elle aussi est plutôt bien construite, présentant toutes les saveurs résineuses que l’on connaît au cultivar Chinook, aux côtés de chaleur d’alcool.

Hopfenstopfer Amarillo Strong Ale : Leur troisième bière d’inspiration américaine est une Double IPA dans les règles de l’art. Malts blonds construisant quelques saveurs miellées, capables de supporter les facettes résineuses et fruitées du cultivar Amarillo.

FritzAle Imperial IPA : Un autre brasseur allemand qui se lance dans l’aventure des houblons américains. Non mais, c’est à rien n’y comprendre. L’embouteillage de cette Double IPA est tout récent, alors nous n’avons toujours pas dégusté cette création. Si on se fie à la rigueur inhérente aux allemands, elle devrait être dans les règles de l’art.

FritzAle Imperial Stout : Une des premières Imperial Stouts allemandes. Toute jeune elle aussi, alors peu de gens l'ont dégustée. Nous ne pouvons rajouter nos commentaires puisque cette gamme de produit n’était toujours pas embouteillée à notre dernière visite au pays, l’été dernier.

FritzAle Barley Wine : Décidément, ce brasseur fait tout pour s’attirer les foudres des clients réguliers s’attendant à des lagers faciles à boire. Nous lui souhaitons beaucoup de succès… et de courage afin de   convertir certains buveurs de sa contrée.

Uerige Doppelsticke : Ah, une des plus grandes maisons de la bière en Allemagne cette Uerige ! Voici leur bière forte, créée pour le marché américain il y a quelques années. Si vous aimez les vins d’orge, cette bière vous offrira toutes les notes caramélisées que vous adorez, toujours équilibrées par des saveurs de houblons herbacés. Un Barley Wine, mais à partir d’ingrédients allemands? Pourquoi pas !

Vous en redemandez ? Ce que vous êtes gourmands ! Puisque Importations Privées Bièropholie, comme vous, aiment friser la décadence, voici un troisième volet à cette commande toute germanique. Cette fois-ci, on navigue dans les fermentations sauvages. Berliner Weisses, Lichtenhainers (version fumée de la Berliner Weisse), Porter avec brettanomyces et Gose sont au menu. Pour l’amateur d’acidité, de sècheresse et de saveurs animales… Amoureux de lambics belges aussi, voici des styles allemands qui s’apparentent à vos chères bières sûres du Payottenland :

Freigeist Abraxas : Ce brasseur a décidé de ressusciter un style éteint : la Lichtenhainer. Ce type de bière est en quelque sorte un cousin de la Berliner Weisse ; sauf qu’elle est conçue avec une généreuse portion de malts fumés. Sur papier, l’expérience peut paraître étrange. En bouche… aussi. Imaginez une limonade bien acide, très gazéifiée, avec des effluves de fumée ici et là. Vraiment. 



Freigeist Abraxxxas : Alors que la Abraxas avec un « x » titre 3,8% d’alcool, cette version « xxx » dépasse les 6%. Elle offre une palette de saveurs aussi particulière, sauf qu’elle se prête moins aux grandes soifs. Plus intense, elle évoque plus les Rauchbiers, mais elle se conclut tout de même avec des notes acidulées.

Freigeist Deutscher Porter : Un autre style disparu qui renait de ses cendres grâce à Freigeist. Une bière noire de l’ancienne Allemagne de l’est, brassée avec une touche de sel et fermentée avec des levures sauvages… Vous voulez tester les limites de vos papilles ? Cette bière risque de vous faire voir de toutes les couleurs. Nous avons accès à trois versions différentes : la version « régulière » (toussetousse), la version mûrie en barriques de bois ayant contenu du brandy de prunes, et la version vieillie en barriques de bois ayant contenu du brandy de cerises.

Bayerischer Bahnhof Gose : Un des styles les plus étranges de la planète-bière : la Gose. La base est une bière de blé ressemblant à la Berliner Weisse, mais bénéficiant d’un ajout de coriandre et de sel(!). Le résultat est très rafraichissant, dû à la sècheresse, l’effervescence et la finale acidulée. Un beau produit pour découvrir ce style en voie d'extinction.

Bayerischer Berliner Weisse : Cette même brasserie tente de raviver un autre style presque moribond : la Berliner Weisse. Nous avons accès à deux versions de la même bière. Une plus traditionnelle, qui n’a pas recourt à des levures sauvages rajoutées, et une version dont la fermentation est complétée à l’aide de brettanomyces. Une superbe façon de s’éduquer sur les effets des lactobacilles et des levures sauvages de type brettanomyces.

Bayerischer Leipziger Porticus : Un autre exemple de ce vieux type de Porter fort brassé jadis en Allemagne de l’est. L’addition de brettanomyces peut paraître surprenant suite aux saveurs rôties, surtout qu’une finale acidulée nettoie le tout en bouche.

Bayerischer Gose Doppelbock : Une toute nouvelle version forte de la Gose traditionnelle. Peu d’allemands y ont goûté encore. Nous aurons la chance de le faire avant la grande majorité d’entre eux !

Talschänke Wollnitzer Weissbier : Une autre des rares Berliner Weisses à être encore brassée régulièrement en Allemagne. Cette toute petite brasserie loin de tout centre urbain produit cette sublime bière de blé, peut-être plus satisfaisante que n’importe quelle autre du style produite en Allemagne (quoiqu’il y en a très peu de nos jours). Ne vous laissez pas avoir par le nom « Weissbier ». Elle est bel et bien blanche, mais c’est une Berliner Weisse acide et hyper rafraichissante.


Dollnitzer Ritterguts Gose : Voici un des derniers exemples de la Gose toujours brassé en Allemagne. Celui-ci est peut-être plus savoureux que la version de Bayerischer Bahnhof, tout en demeurant rafraichissant et intriguant. Ce style, comme tous les autres dans cette troisième section de la commande d’Importations Privées Bièropholie, est une merveilleuse façon de s’ouvrir l’esprit… tout en faisant voyager nos papilles vers une époque où la fermentation n’était pas entièrement comprise des brasseurs.

Prost!

25 oct. 2011

Les joyaux de la campagne franconienne - Forchheim


Forchheim est un des arrêts majeurs du train menant de Bamberg à Nuremberg. À environ 30 minutes de Bamberg, la petite ville devient un choix facile lors d’un premier séjour dans la région. En plus d’être munie d’un centre historique charmant, Forchheim compte sur 4 brasseries artisanales (Greif, Neder, Hebendanz et Eichhorn) pour ses 40000 habitants. Plusieurs banlieues québécoises devraient en prendre note… Voici donc nos coups de cœur de cette ville et de ses environs qui, vous l’aurez deviné, regorgent de lagers de haut calibre.

Croyez-le ou non, il y a 3 brouepubs dans cette photo

Brauerei Neder

Notre première visite ici, il y a plus de 5 ans, fût un choc. Du moins, c’est ce que raconte ma conjointe… Premièrement, l’endroit était bondé d’hommes. À part la serveuse risiblement prise dans les modes des années 80, la clientèle du pub semblait tout droit sortie d’un film Western mettant en vedette des hors-la-loi d’une hygiène douteuse. La fumée, aujourd’hui disparue due aux nouvelles lois anti-tabac en vigueur dans la région, flottait au-dessus de nos têtes et les regards cernés, aux sourires trop souvent édentés, nous fixaient comme si nous venions de nous attabler à une réunion secrète d’anciens braqueurs de diligence. Bref, peu de touristes fréquentent Brauerei Neder… Somme toute, le brasseur de l’endroit maitrise son art à la perfection. Sa Kellerbier est juteuse et bien houblonnée et sa Schwarze Anna ravit de ses saveurs rôties dans un corps svelte.

Brauerei Hebendanz

Il ne suffit que d’apercevoir une seule fois le brasseur moustachu dans sa minuscule voiturette de livraison afin de comprendre l’essence de cette brasserie sise en plein centre de Forchheim. Alors que la majorité des brasseurs de la région misent sur un respect des traditions et des ingrédients locaux, le propriétaire excentrique de cette Brauerei Hebendanz préfère inviter les gens de caractère dans son brouepub. Sa Festbier ne ressemble d’ailleurs à aucune autre bière disponible en Allemagne (saveurs de caramel brûlé et de pain toasté dans un corps digne d’une Dunkler Bock). Bien que sa Vollbier blonde, celle que tout le monde boit, n’ait rien de mémorable et que la cuisine du pub manque un tant soit peu de verve, une personnalité indéniable imprègne les lieux. Entouré de rats de taverne, un peu comme Brauerei Neder à quelques pas de là, on se sent témoins d’une autre époque et ce, autant socialement qu'esthétiquement. Messieurs, ne cherchez pas les urinoirs dans les toilettes des hommes. Visez plutôt… ses murs. Une rigole au plancher fera le reste du travail…

Nikl-Bräu

À Pretzfeld, village en banlieue de Forchheim, une toute nouvelle brasserie artisanale fait pignon sur rue, à la grande joie (et surprise) de tous dans la région. Il y a bel et bien 300 brasseries en Franconie, nombre des plus impressionnants pour une région des mêmes dimensions que la grande région métropolitaine de Montréal, mais il faut savoir que ce nombre est en baisse constante depuis quelques décennies. Qui plus est, cette Nikl-Bräu conçoit des lagers non filtrées de haut niveau, en plus d’offrir des bières saisonnières alléchantes, telle la Rauch Heller Bock qui est servie à l'automne. À noter que les schnitzels de la maison sont facilement parmi les meilleurs que nous ayons eu la chance de goûter. Amateurs d’alcools forts, sachez aussi qu’une micro-distillerie œuvre de l’autre côté de la rue. Plusieurs kirschs, entres autres, y sont fabriqués.

La "Kellerwald"

Tout juste en périphérie du centre de Forchheim, cette colline boisée est un haut-lieu de la lager franconienne. La « forêt des kellers » propose exactement ce que son nom suggère. Une panoplie de kellers, ces petites cabanes entourées de tables de pique-nique ancrées sur une butte de terre sous laquelle on entrepose la bière au frais, se succèdent dans toutes les directions. Chaque keller est mandaté par une brasserie afin de servir ses bières. Certaines brasseries, comme Wölfshöher, en possèdent plus qu’un. En tout cas, l’été particulièrement, il est possible de visiter les kellers de 10 brasseries différentes sans marcher plus d’un kilomètre dans les bois. C’est ici aussi qu’a lieu le Annafest ; une fête foraine qui ressemble grandement à ce que l’Oktoberfest était avant de devenir la gigantesque foire commerciale qu’elle est maintenant. Nous vous en parlions dans une édition précédente du journal Bières et Plaisirs.


La semaine prochaine, nous nous dirigeons vers Munich afin de conclure ce tour de l'Allemagne brassicole. Snif!

18 oct. 2011

Une India Pale Ale historique à la brasserie Albion, de Joliette

Photo gracieuseté de la brasserie Albion

Décidément, le Québec foisonne de brasseurs inspirés. Vous voulez un autre exemple? D'ici quelques semaines, à Joliette, une E.I.P.A. 1839 fera son apparition à la brasserie Albion.  C'est suite à la lecture du bouquin de Pete Brown "Hops and Glory", que Steven Bussières, maître-brasseur du Albion, a décidé de recréer une India Pale Ale de 1839, une bière telle que les anglais envoyaient à leurs compatriotes stationnés en Inde. Aucune autre brasserie sur la planète a, à ce jour, soumis une bière à de telles conditions dans le but de comprendre ce que les buveurs de l'époque pouvait déguster. 

Rigoureux à toutes les étapes de son aventure, Steven a su aller au-delà de la recette originale du 19e siècle (que vous pouvez admirer ci-dessous) afin que l'expérience soit des plus pédagogiques. Puisque ces bières étaient mises sur des bateaux pendant près de 4 mois avant d'arriver à bon port et d'être bues goulûment, il a dû aussi, par souci scientifique, recréer les conditions dans lesquelles ces barils séjournaient. Donc, la température de conditionnement, comme celle sur les bateaux en direction de l'Inde, a oscillé entre 30 et 45 degrés Celsius pendant 4 mois. De plus, un système a été confectionné dans le but d'imiter les mouvements constants d'un bateau en mer; parfois doux et parfois violents.

La recette originale de cette India Pale Ale de 1839


Les barils utilisés pour la bière étaient en chêne; des barils desquels le plus de tannins possibles avaient été enlevés au préalable. Après ce périple mythique, la E.I.P.A. 1839 a reposé une semaine au frais, pour ensuite être embouteillée et refermentée en bouteille. 

Deux autres versions de la même bière ont aussi été conçues en même temps, rehaussant l'aspect pédagogique. Une des deux a subi les mêmes conditions extrêmes, mais à partir d'un cask en métal. Celle-ci sera servie au bar directement du baril, par une pompe manuelle. La troisième et dernière version de cette bière n'aura pas vécu les mêmes soubresauts de conditionnement. Celle-ci sera servie en fût standard et servira donc de bière "témoin". 

Le résultat? Les chanceux qui pourront se déplacer à Joliette pour le dévoilement de cette expérience le 26 novembre sauront en témoigner. Pour l'instant, Steven nous a confié que la version embouteillée, après le traitement houleux, avait fermenté davantage dans le baril de chêne. Nous goûterons donc à une version plus sèche et peut-être même sauvage de cette IPA. Il ne faut pas s'attendre à un arôme houblonné explosif, même si une quantité astronomique de houblons en cônes a été utilisée. Vos humbles serviteurs ont d'ailleurs bien hâte de percevoir le niveau d'oxydation présent dans la version d'origine et surtout de faire la dégustation comparative. Un gros merci à Steven et son équipe de contribuer ainsi à l'éducation de l'amateur de bières québécois!






12 oct. 2011

Les joyaux de la campagne franconienne - 3e partie



Une telle concentration de brasseries artisanales de qualité n’existe nulle part ailleurs sur la planète. Si vous avez manqué les deux premières parties de notre survol de la campagne franconienne, cette région du nord de la Bavière garnie de non moins de 300 brasseries, vous pouvez les lire ici et ici. Le billet actuel se concentre sur les brasseries aux abords du village d'Aufsess, un fier bled qui fait partie du livre des records Guinness. Bien qu’elle ait profité d’une entourloupette législative pour paraitre dans ce livre (les fusions municipales sont importantes ici également...), cette bourgade peut se vanter d'avoir non moins de 4(!) brasseries afin d’abreuver ces quelques 4000 citoyens.  Voici donc nos coups de cœur de cette région environnante qui, bien sûr, comporte bien plus que 4 brasseries artisanales.

Kathi-Bräu, à Heckenhof, tout juste à l’extérieur du centre d’Aufsess


Ce repaire grouille de motards lorsque Mère Nature est clémente. Phénomène inexplicable, puisque la petite maison fleurie et son emplacement au fin fond de la campagne franconienne ressemblent beaucoup plus à une carte postale pour retraite du « bel âge ».  La clé du succès ici réside peut-être dans la bière maison, brassée jusqu’à tout récemment dans un équipement centenaire avec courroies en cuir et cuves chauffées au bois. La lager noire de Kathi-Bräu est houblonnée comme peu de bières le sont en Allemagne; un nord-américain n’oserait jamais utiliser le mot « intense » afin de la décrire, mais les allemands la trouvent tout de même très racée. Une lager rustique qui ne se gêne pas pour exhiber ses forces...

Brauerei Reichold, à Hochstahl, aussi tout juste à l’extérieur du centre d’Aufsess


Des effluves de purin rejoignent fréquemment les tables de pique-nique et les véhicules récréatifs stationnés derrière la maison de cette brasserie familiale donnant sur l’unique rang du village. Les visiteurs ici semblent moins imposants que la foule ayant adopté Kathi-Bräu et la bière reflète cette recherche de tranquillité. La Zwickl rafraichit de sa délicatesse, étalant des notes toastées dans un corps presque sec équilibré par une finale herbacée. La bière phare de la maison, la Reichold Lager, répète la même formule, rajoutant quelques saveurs de houblon poivré dans un corps des plus douillets qui semble miser un peu plus sur des malts Pilsener. On s'imagine facilement en train d'installer un hamac sur les lieux.

Held-Bräu, à Oberrailsfeld


Une autre maison familiale possédant un petit restaurant et un pub au premier étage, en plein centre d’un village des plus paisibles. Le chat de la famille vous passera entre les jambes dès votre première gorgée ; c’est le seul service aux tables dont vous bénéficierez l’été. C'est qu'il faut aller chercher sa bière à l’intérieur où la maman lave les verres et soutirent les pintes derrière son petit comptoir. La Helles ici est le théâtre d’une symbiose parfaite entre malts Pilseners savoureux, houblons épicés, sucres résiduels maigres et gazéification douillette. Elle donne sérieusement le goût d’aller se recueillir dans la chapelle faisant face à la brasserie. La Dunkel jouit d'autant de raffinement, partageant des saveurs de malts rôtis et de fumée sur des notes fruitées et des sucres toastés. Un des bijoux les plus séduisants de toute la campagne franconienne cette Held-Bräu.

Le four antique de la maison Held 

Si vous avez lu les articles précédents sur le sujet, vous vous doutez sûrement qu’il y a plusieurs autres brasseries aux alentours qui méritent aussi d’être visitées. Effectivement, à quelques kilomètres de là, vous trouverez la Brauerei Krug à Breitenlesau, et ses lagers brunes mémorables, la Brauerei Stadter à Sachsendorf, faisant partie de l’arrondissement d’Aufsess et contribuant donc à ce record Guinness, la Brauerei Hetzel à Waischenfeld et son sombre bar peu retouché depuis le 19e siècle, la Brauerei Rothenbach, à Aufsess même, et sa cuisine saisonnière riche, et la Brauerei Schroll, à Nankendorf. Encore une fois, le vélo est presque trop rapide pour se rendre d'une brasserie à une autre...


La semaine prochaine, on revient vers l’ouest, direction Forchheim, petite ville franconienne de 40000 habitants, avec 4 brasseries et non moins de 19 kellers représentant plus de 10 brasseries!

7 oct. 2011

La Hildegard - Rouge des Cantons, du Boquébière, à Sherbrooke



Sherbrooke s’établit tranquillement mais sûrement comme ville brassicole de choix dans le nord-est de l’Amérique. En quelques années seulement, le Boquébière et le Siboire ont su alimenter leur région en produits de plus en plus inspirés, et inspirants. Nous avons primé le Siboire d’une fiche grand cru l’hiver dernier. Cette fois-ci, Boquébière, c’est à ton tour. Cette ale sauvage, la Hildegard - Rouge des Cantons, création de Michaël Parent, mérite définitivement sa place dans la panthéon de la bière québécoise. Nous espérons qu’elle garnisse nos tablettes régulièrement et ce, pour plusieurs années à venir.

Style : L’inspiration de cette bière est une Rouge des Flandres, ces bières belges vineuses, fruitées et acidulées qui sont malheureusement de plus en plus rare sur la planète-bière. La version du Boquébière est entres autres conçue de malt d’orge québécois, est fermentée avec l’aide de levures sauvages de type brettanomyces et est vieillie dans des barriques de chêne ayant préalablement contenu un vin rouge, aussi québécois. Vous comprendrez donc que c’est une interprétation libre de ce style d’origine belge.

Disponibilité : Le deuxième brassin se retrouve maintenant sur les tablettes ! Les plus perspicaces d’entres vous sauront aussi où trouver des bouteilles du tout premier brassin… vous pourrez les identifier au numéro de lot 1108-042. Les levures sauvages aidant grandement à la survie d’une bière sur de longues périodes de temps, vous aurez entre vos mains une bière parfaite pour le cellier, peu importe le brassin que vous trouverez.

Le coup d’œil : Une couronne de mousse décore la robe rouge voilée.

Le parfum : Un bouquet évocateur confirme rapidement les liens de ce style avec le vin rouge. Le fruité est généreux, les tannins sont habilement suggérés et la fermentation mixte rajoute des accents de cuir. Envoûtant et, surtout, déroutant pour ceux qui n’ont jamais eu la chance de déguster une Rouge des Flandres.

En bouche : Les levures sauvages dominent, étalant des saveurs d’aiguilles de conifères et de poussière. Ce profil de saveurs est peut-être plus linéaire que l’arôme, mais il est tout aussi séduisant. Le fruité est multiple, passant allègrement de canneberges à raisins noirs.

La finale : La sècheresse (ces levures sauvages ont tendance à s’empiffrer de tous les sucres résiduels sur leur passage) et les angles acidulés s’assurent que l’on veuille récidiver rapidement. De plus, le niveau d’acidité est plus bas que la moyenne du style, ce qui rend la Rouge des Cantons plus facile à boire. Des touches de verdure apparaissent ici et là, résultat de l’union idiosyncrasique du malt d’orge québécois et du baril de chêne.

Accords : D'une salade fraîche du jardin agrémentée d'une touche de vinaigre balsamique à une pièce de viande rouge saignante, cette Rouge des Cantons saura rehausser plusieurs plats déjà expressifs.

Pourquoi est-ce un grand cru? : À part le côté créatif de cette recette, c’est la maitrise des nombreuses facettes de son exécution qui peut étonner. Avec de telles variables difficiles à contrôler (séjour en barils de chêne et levures sauvages), il peut être ardu d’obtenir une bière juste et équilibrée. La Rouge des Cantons nous propose aussi une des plus belles utilisations du malt d’orge québécois que nous ayons eu la chance de déguster. L’harmonie des ingrédients est enivrante.

Si vous avez aimé, essayez aussi : Très peu de brasseries ont tenté l’expérience Rouge des Flandres au Québec à ce jour (quoiqu’à notre connaissance, quatre brasseries de renom ont un projet dans ce sens déjà amorcé… ;D). Pour l’instant, tentez de dénicher l’étalon du style, la Rodenbach Grand Cru (Belgique) ou des exemples presqu’aussi notoires tels la Duchesse de Bourgogne (Belgique, SAQ), ou La Folie (Colorado, É.U.).