31 mai 2011

La Succursale: un nouveau brouepub promis à un bel avenir

 Même le mur du fond de La Succursale séduit

Ne doutez surtout pas des casques de construction déambulant devant cette toute jeune brasserie artisanale. Persistez et pénétrez les portes vitrées. Certes, la façade du bâtiment hébergeant des lofts aux étages n'a toujours pas reçu ses derniers coups de marteaux, mais la brasserie artisanale au rez-de-chaussée est déjà outillée pour impressionner. Phénomène rare, nous pouvons vous affirmer d'emblée que les bières de La Succursale possèdent des fondations fermes, promises à un brillant avenir. Et l'espace aéré et convivial de la salle principale ne fait que rehausser le bien-être de tout assoiffé désirant y passer quelques heures.


La Succursale scintille déjà à l'ardoise des bières. C'est que ses premiers brassins sont d'une qualité rarement vue lors d'un baptême d'une brasserie. Habituellement, il est plutôt cruel de juger une toute nouvelle brasserie par ses premiers brassins. Le maitre-brasseur doit s'habituer à une multitude de conditions nouvelles créées par l'équipement reçu et le volume de production différent, sans compter les surprises occasionnées par le système de refroidissement, les lignes de fût, etc. Qu'à cela ne tienne, Jean-Philippe Lalonde, maître-brasseur ici, en a vu d'autres. Cette expérience, malgré son jeune âge, est apparent dans sa Petite Côte, par exemple. Cette Kölsch, bière de fermentation haute inspirée par les blondes de Cologne, représente le juste milieu parfait pour rejoindre le visiteur assoiffé non-connaisseur autant que le bièrophile aguerri. À part son service dans un stange, ces petits verres éprouvettes utilisés traditionnellement par les brasseries de Cologne, le dégustateur expérimenté retrouvera rapidement les saveurs de céréales croustillantes qui font partie de la signature du style. Équilibrée par des houblons herbacés légèrement amers, cette bière digeste ravira aussi le travailleur de passage en quête d'une bière facile à boire. Même constat pour la Radschläger, la Altbier de la maison. Au lieu de présenter des couleurs de bières génériques à sa clientèle peu informée, La Succursale a décidé de joindre l'utile à l'agréable. Preuve qu'un raffinement est possible même lorsqu'on veut rejoindre une plus grande clientèle.

Un verre de Petite Côte; déjà une des plus belles bières de soif de Montréal

Pour tout amateur en quête de saveurs plus intenses, sachez qu'une IPA aux houblons francs fera son apparition à l'ardoise sous peu. Mais avec ses Kölsch, Altbier, Bitter et Porter déjà aguichantes à souhait, La Succursale possède des atouts indispensables à un nouveau brouepub: des bières de soif d'une qualité impeccable qui sauront rallier une clientèle de provenance vaste. 

24 mai 2011

Le malt d'orge québécois (2e partie)


Suite au dernier article publié il y a quelques jours sur le sujet, quelques brasseurs professionnels et amateurs ont partagé leurs expériences avec le malt d'orge québécois de la malterie Frontenac, ainsi que celui produit par Canada Malting. Les flaveurs de raisin et de grains verts ne semblent pas avoir été identifiées au même degré d'intensité chez La Québécoise, ce malt d'orge québécois fabriqué par Canada Malting. Certains soutiennent que le malt Frontenac partage peu des caractéristiques mentionnées ci-dessus lorsqu'il est utilisé en petite quantité. Pour l'instant, plusieurs hypothèses circulent, sans toutefois pouvoir identifier la source des dites saveurs peut-être endémiques à l'orge québécois (ou au malt Frontenac).

Nous croyons fermement que ces saveurs vives, parfois fruitées, parfois vertes et astringentes, ont leur place dans le monde de la bière. Ces caractéristiques ne sont d'ailleurs pas étrangères à notre boisson chérie, étant parfois produites, par exemple, par des fermentations de certaines levures à haute température ou même par le houblon choisi. Cependant, l'intensité de cette personnalité nécessite, à notre avis, un peu de discernement de la part des créateurs de recettes. Nous ne comprenons pas, surtout, l'insistance à inclure ce malt d'orge très typé en quantité significative dans toutes les bières d'une brasserie. Mis à part la variabilité apparente de ces saveurs de brassin en brassin, ce choix d'utiliser un ingrédient si volubile semble plutôt provenir d'une forte volonté d'encourager des gens de notre belle province. Idéalement, nous aimerions que le choix de cet ingrédient de chez nous provienne d'un désir de créer un produit qui sera savoureux ET harmonieux à tout coup.

En d'autres mots, nous croyons qu'un brasseur doit travailler comme un chef cuisinier; toujours en recherche d'une harmonie intrinsèque peu importe les autres objectifs de la recette.

Voici une analogie toute simple: un nouveau houblon vient d'arriver sur le marché. Appelons-le... FullFrontalFuggle (FFF, si vous préférez). Son parfum est explosif et son potentiel d'amertume fait sourire les extrémistes de la papille. Oseriez-vous l'utiliser dans toutes vos bières? Certes, il serait sûrement plaisant de l'essayer dans une Double IPA, une Stout bien charnue ou une Tripel version nouveau monde. Or, il serait potentiellement catastrophique de l'inclure en grande quantité dans une Helles, une Ordinary Bitter ou une Amber Ale toutes menues. À moins, bien sûr, que vous vouliez que toutes vos bières goûtent, de façon prédominante, le FFF...

Pour que ce malt soit pris au sérieux par les amateurs et les brasseurs d'ici et d'ailleurs, nous croyons qu'il doit être utilisé judicieusement, dans une recette qui mettra en valeur des arômes et des saveurs harmonieuses à celles produites par ce malt d'orge. Le côté jus de raisin se juxtapose bien, par exemple, aux malts caramélisés et noisettés d'une Brown Ale anglaise ou d'une Quadrupel belge. Il pourrait même aller de pair avec un houblon aux notes tropicales, tel le Citra ou le Nelson Sauvin. Les propriétés de grains verts légèrement astringents se fonderaient sûrement dans un houblonnage résineux persistent en saveur et en amertume. Encore faut-il que l'intensité de ces saveurs soient contrôlables par le brasseur... 

La sublime St.Bernardus Abt 12 possède quelques subtiles notes de raisins noirs bien juteux...

Nous aimerions d'ailleurs voir quelques brasseurs se mouiller quant aux méthodes employées afin d'enrayer, ou du moins de doser, le grain vert, l'astringence et/ou le jus de raisin produit par l'orge québécois... ou le malt Frontenac. Merci, entre autres, à Benoit Mercier du Benelux, Francis Foley d'À La Fût, René Huard de Brasseurs Illimités, Alexandre Bernard du Bilboquet et Alex Ganivet-Boileau des Trois Mousquetaires pour leur contribution professionnelle constructive à ce débat. C'est en discutant de vos expériences que nous allons pouvoir parler, un jour, des malts d'orge québécois sans avoir peur d'offusquer qui que ce soit. Et c'est aussi en jasant tous ensembles, donc avec nous humbles dégustateurs,  que le monde de la bière québécois se munira d'outils pour mieux communiquer et croître.

17 mai 2011

Une première visite au Saint-Graal


Samedi dernier, une belle visite au Saint-Graal, ouvert depuis maintenant plus de six mois à proximité du Cégep Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse, qui propose une carte des bières qui est vraisemblablement la plus intéressante de la Rive-Nord de Montréal. Avec des brasseries invitées comme Dieu du Ciel! et Hopfenstark, il ne faut guère s’en surprendre. L’estaminet d’une cinquantaine de places est propre et accueillant, misant avec efficacité abondamment sur le bois et doté d’éléments de décoration attrayants, par exemple ce vitrail à l’effigie de la brasserie qui nous accueille à l’entrée. Un endroit fort sympathique où la carte des bières pourrait facilement nous retenir durant plusieurs heures, en particulier lorsque davantage de bières brassées sur place y figureront. Pour les insulaires du centre-ville purs et durs, sachez que le trajet ne requière qu’une trentaine de minutes, en l’absence de trafic.


Aujourd’hui encore, le Saint-Graal n’a malheureusement toujours pas reçu son permis de brasseur. C’est bien dommage, car les deux offrandes de la maison, présentement brassées à l’extérieur, sont de plus qu’honorables interprétations de leurs styles respectifs. La Prima Nocte, une Brown Ale, est l’une des bonnes ales brunes à l'anglaise de la province, un tantinet sucrée, mais délivrant un agréable étalage de noisettes, de fruits et de chocolat, ce dernier étant dérivé de ses pointes rôties. La Jarret Noir, un Stout relativement doux, se montre fortement malté et d’une bonne corpulence, en gardant ce qu’il faut d’accent sur ses flaveurs rôties pour équilibrer les sucres résiduels.

Une belle pinte de Prima Nocte

Au plaisir d’en essayer davantage!

13 mai 2011

Le malt d'orge québécois : un sujet dans le vent


Le raffinement des divers malts de Weyermann, à Bamberg, ne suscite aucun débat

Ses supporteurs aiment bien son caractère franc. Ses saveurs fraiches, vertes, croquantes. Certains de ses détracteurs cependant disent qu’il sent la gourgane. D’autres, le jus de raisins fait d’essences artificielles. Peu importe de quel côté du débat ils se retrouvent, tous peuvent s’accorder sur un point : aucun malt commercialisé au monde n’y ressemble.

De discussion en discussion, avec professionnels et amateurs, nous avons remarqué qu’un ton vif est emprunté par la majorité des interlocuteurs lorsque le terme « Frontenac » est utilisé. Cette malterie de Thetford-Mines semble porter le fardeau de tout ce qui peut être perçu comme bon ou mauvais du malt d’orge québécois. Certains amateurs de bières semblent même vouer un culte de hantise envers le malt Frontenac. Plusieurs brasseurs, d’excellents même, refusent de l’utiliser après avoir eu des résultats décevants lors d’un brassin. Mais à qui la faute ? Le brasseur ? La malterie ? Et si c’était l’orge en soi…

De l'orge de brassage 2-rangs

Récemment la malterie Canada Malting, dont la réputation n'est plus à faire, a acheté un lot d’orge de brassage issu du terroir québécois. Leur but : créer un malt québécois, un peu comme la malterie Frontenac réussi à le faire. Le résultat de cette expérience porte le nom « La Québécoise ». Ce malt 2-rangs est disponible depuis quelques temps aux brasseurs qui veulent bien l’essayer. 

Il vous sera difficile de trouver des brasseurs ou des dégustateurs qui doutent de la capacité de Canada Malting à produire un malt de qualité. Pourtant, en bouche, certains ont fait un constat gustatif semblable à ceux énumérés ci-dessus… « La Québécoise » porterait l’insigne d’un terroir bien particulier. Si on se fit à ses perceptions, et au fait que Canada Malting produit habituellement des malts techniquement irréprochables, la personnalité distinctive verte et fruitée du malt québécois ne viendrait pas nécessairement, ou entièrement, de la malterie Frontenac à proprement dit.

Or, nous sommes forcés d'admettre qu'il est fort difficile de débattre de façon constructive un sujet aux fondations si subjectives. Après tout, nous oeuvrons dans le domaine du goût, n'est-ce pas? Et les goûts ne se discutent pas, apparemment. 


Question de se rebeller immédiatement contre ce dicton ennuyant, nous aimerions vous poser une question goûteuse: aimez-vous l’apport du malt Frontenac, euh… du malt d’orge québécois dans une bière? Pourquoi?


La semaine prochaine : notre prise de position sur le sujet, une analogie et des recommandations…



4 mai 2011

Le 5e anniversaire du Benelux, ou la révélation d'un trésor



Dans le temps de crier brettanomyces, la terrasse installée sur le coin des rues Sherbrooke et Jeanne-Mance s'est vue remplie samedi dernier d'assoiffés de bières de qualité. La raison? L'équipe du Benelux, brasserie artisanale montréalaise, s'était encore une fois surpassée en dressant le menu qui célébrait son cinquième anniversaire. 

La carte des bières, d'une variété rarissime dans les brouepubs d'Amérique du Nord, coupait le souffle. D'ales expérimentales - comme un succulent Barley Wine vieilli en fût de Merlot et fermenté avec des levures sauvages - à des lagers de soif impeccables (quelle belle Cigogne!), en passant par des Pale Ales et India Pale Ales houblonnés de cultivars du nouveau monde (Nelson Sauvin, Citra, Amarillo, Riwaka), on ne savait plus où donner du palais. Quelques-unes provenaient de casks - servis par gravité - d'autres de bouteilles, d'autres de fûts traditionnels. Décidément, tout amateur y ressortait comblé, même ceux qui s'avouaient incapables de prononcer brettanomyces


Une tulipe de Zoot, l'élégante Tripel du Benelux


Depuis quelques années déjà, toute papille curieuse remarquait que la qualité générale des bières de Benoit Mercier côtoyait souvent l'excellence. Mais aujourd'hui, nous sommes forcés de louanger davantage. Une tendance à l'assèchement de certains styles, produisant par exemple des textures belges de plus en plus authentiques, ainsi qu'une utilisation juste de levures sauvages et un raffinement dans la clarté des saveurs des bières plus douces, nous poussent à affirmer que le Benelux devient un incontournable dans le nord-est de l'Amérique. 

Suite à la dégustation du menu de bouteilles spécialement conçues pour l'évènement, nous voulons maintenant, avec l'aval de plusieurs attablés autour de nous samedi dernier, défier les acteurs principaux de cette brasserie artisanale. Nous voulons un grand cru du Benelux en bouteille, pour la maison. L'Ergot, tiens? Ou la Sabotage? La Strato peut-être? Plusieurs au menu seraient enchanteresses. Le Benelux est exactement le genre de brasserie exceptionnelle qui pourrait faire rayonner davantage le Québec sur la scène internationale, aux côtés des Dieu du Ciel!, Trou du Diable, Microbrasserie Charlevoix, pour ne nommer que celles-là. Allez, on ne peut pas garder un trésor chez nous si longtemps; il faut partager...

À la santé du Benelux, qui mérite de briller encore longtemps!

30 avr. 2011

Anchor Brewing maintenant disponible en importation privée

Ce mois-ci, le toujours très actuel Hughes Gauthier, monarque absolu velu des Importations Privées Bièropholie, nous offre la possibilité de commander les produits de la toujours très fiable brasserie Anchor, icône de la révolution microbrassicole américaine. Ce n’est pas la première fois que les Importations Privées Bièropholie nous permettent de mettre la main sur quelques crus de cette brasserie de San Francisco. Nous ne nous en plaignons pas, car plusieurs des produits sont de véritables porte-étendards de leurs styles respectifs. Voici ceux que nous avons la chance de commander prochainement.



Steam Beer : Cette California Common, style hybride que l’on peut résumer comme une lager blonde fermentée à haute température et donc plus fruitée, s’avère rafraîchissante et très souple au palais. Une bière agréablement maltée, presque caramélisée qui s’assèche progressivement alors que ses houblons lui procurent un baiser d’au revoir feuillu.



Liberty Ale : Grand classique, cette Pale Ale légendaire fut l’une des premières ambassadrices du houblon Cascade, étant une véritable démonstration de l’influence enchanteresse de ce cultivar dégageant de puissants arômes de pamplemousse et de fleurs. Les malts s’avèrent d’une rare efficacité en fonction de support, ne tâchant jamais de s’enrober de la vedette avec une envolée sucrée. Sèche et amère en finale. La mère de toutes ces IPA que vous adorez.



Porter : Un agréable Porter, ample et généreux de ses malts qui s’illustrent tantôt par leurs notes fruitées rappelant les dates ou la réglisse et tantôt par ses angles rôtis aux impressions de chocolat noir. Agréablement digeste et équilibré.



Old Foghorn : Un des premiers Barley Wines en provenance des États-Unis, l’Old Foghorn s’amuse principalement sur le terrain du malt. Un pudding au caramel langoureux s’étale doucement sur une sirupeuse salade de fruits éclaboussée de jets d’alcool bien dosés. Sans être particulièrement complexe, voilà une légende du style qui remplit à merveille ses ambitions de digestif.



Humming : Nous n’avons jamais eu la chance d’essayer cette dernière création, mais il semble s’agir d’une bière semblable à la Liberty Ale où le houblon Cascade aurait été substitué par le néo-zélandais Nelson Sauvin, houblon très tendance qui fait fureur par les temps qui courent grâce à sa vaste complexité aromatique qui arpentent des chemins de fruits tropicaux, de fleurs sauvages, de Sauvignon Blanc et d’agrumes.

29 avr. 2011

Braise et Houblon: une première visite

Avis au lecteur : ce message abrite de nombreux sarcasmes qui pourraient être interprétés comme les préjugés d’un citadin fermé d’esprit. Détrompez-vous, l’auteur a été élevé en banlieue et n’aime rien autant que les grands espaces fraîchement asphaltés. Fin de l’avis au lecteur.

En plus de ses trésors architecturaux, ses centres d’achat futuristes et sa tenue de route exemplaire, le boulevard Curé-Labelle abrite maintenant une microbrasserie. Voilà un signe encourageant pour les microbrasseries du Québec. Plus besoin d’acheter une maison historique ayant appartenu à un ancien premier ministre, quand ce n’est pas Louis-Joseph Papineau, au cœur d’une ville sympathique et dynamique afin de se lancer en affaires dans l’industrie ! Un local en bordure d’un des quelques millions de centres d’achat du coin, quitte à avoir le plus grand Super C du monde comme voisin, convient tout à fait. Mieux, ça attire le monde, monde qui n’aurait peut-être jamais été confronté, dans leurs vies entières, à la triste réalité : il existe des gens assez capotés pour tenter de vivre de bière artisanale.

Tout ça pour dire que tout est possible et aussi un peu pour dire que nous avons visité la nouvelle microbrasserie lavalloise Braise et Houblon, premier broue-pub de Laval ; il était temps ! L’ambition des propriétaires est de fournir un quartier général aux amateurs de sports, de grillades et, qui l’eût cru, de bonne bière ! Un projet à l’américaine, quoi. Franchement, un tel projet manquait à Laval, une des plus grandes villes de la province et peut-être celle s’étant développée le plus selon l’approche américaine de l’étalement urbain. Effectivement, si développée soit la scène brassicole américaine, les banlieues de plusieurs grandes villes abritent souvent plus de brasseries de qualité que la ville elle-même. C’est le cas à Détroit, à San Diego, à Los Angeles, à New York, à Philadelphie et bien d’autres. Enfin, les lavallois n’auront plus besoin de franchir les ponts à la recherche d’un bon cru du fût.

À ce chapitre, Braise et Houblon présente un menu exceptionnel. En douze fûts, il offre un parcours étonnamment complet à travers plusieurs des bons produits de la province. Il n’existe qu’une poignée de bars québécois qui peuvent rivaliser avec le menu en termes de variété et de qualité de l’offre des bières offertes. Entre la rarissime Mea Magna Culpa des Brasseurs du Temps et l’indescriptible Boson de Higgs d’Hopfenstark, lors de notre visite, nous trouvions aussi quelques bières de soif fiables comme la Rosée d’Hibiscus de Dieu du Ciel ! En parallèle, seule la Faussbock est produite par la maison pour l’instant. Cette offrande est ainsi nommée en raison de la variante de l’utilisation de levure de fermentation haute qui transgresse la recette classique d’une Bock. Pour l’instant, cette bière jouant sur les saveurs caramélisées et de noix du malt Munich ainsi que de subtiles touches fruitées a paru perfectible, arborant une touche levurée virevoltant sur le caramel écossais beurré qui semblait déplacée. Au risque de passer pour un ennemi de la créativité, il aurait été intéressant de goûter une version « lager », plus en fraîcheur et en netteté. Néanmoins, il est ici question de goûts personnels et il serait déloyal de juger un nouvel établissement sur la base d’une seule bière. En attendant le prochain brassin ou une nouveauté, les fûts invités ont de quoi tenir Laval occupée.

Alors, attaquons maintenant quelques questions clés d’intérêt pour le lecteur.

- Est-ce que cet endroit vaut le détour pour les Montréalais ? Pas avant qu’ils aient quelques-unes de leurs propres bières aux pompes. Le menu de fûts invités serait le meilleur en ville dans presque toutes les cités du Québec, mais pas Montréal, comptant entre autres sur les excellents Brouhaha, Vices et Versa et St-Bock. Vous risquez aussi d’être dépaysés par les dizaines d’écrans géants affichant les derniers exploits sportifs d’athlètes qui ne sont probablement même pas des amateurs de bière artisanale !

- Est-ce que cet endroit vaut le détour pour les Lavallois et les gens de la Couronne Nord ? Absolument et immédiatement !

- Est-ce que cet endroit représente une bonne alternative à la Cage aux Sports pour quiconque se montre plus aventureux au niveau gustatif que Mononcle Léon? Et comment !

Telle une montée du NPD qui s’empare des sondages, les microbrasseries s’affairent maintenant à conquérir les macros dans leurs circonscriptions les plus sûres. Et c’est tant mieux. Allez Braise et Houblon !

24 avr. 2011

La Boson de Higgs, d'Hopfenstark, à L'Assomption


La brasserie Hopfenstark compte déjà plusieurs grands crus à son actif, mais son maître-brasseur ne s'enlisera jamais dans la complaisance. Preuve à l'appui, cette nouvelle création est une de ses recettes les plus imaginatives, voire osées, à avoir été enfûtée. Du même coup, cette Boson de Higgs ne fera pas l'unanimité; nous préférons vous en avertir d'emblée. Elle saura cependant écarquiller les papilles de ceux en recherche de qualité qui demeurent ouverts à la présence d'une saine dose d'excentricité.



Style : Ha! Bonne question. Cette ale contient de généreuses portions de blé et de malts fumés au bois de hêtre et est fermentée à l'aide d'une levure pour Saison belge. De plus, cette fermentation adjoint des notes d'acide lactique en finale. Style? Qui a dit qu'une bière devait être d'un "style" spécifique? Mise en garde: cette bière vous donnera peut-être le goût de brûler votre guide des styles du BJCP...

Disponibilité : Le deuxième brassin vient tout juste d'atteindre les pompes du salon de dégustation d'Hopfenstark. Des bouteilles devraient apparaître sur les étagères de vos détaillants spécialisés sous peu. Frédéric Cormier, maître-brasseur d'Hopfenstark, envisage brasser la Boson de Higgs quelques fois par année étant donné son succès.


Le coup d’œil : Le premier verre issu de la bouteille de 750ml étale une couche de mousse blanche durable sur une robe blonde voilée. Lorsque la lie est rajoutée, lors du deuxième verre, la bière devient aussi trouble qu'une Weizen allemande (par exemple). À vous de décider si vous la préférez avec ou sans la lie.

Le parfum : Une riche fumée de hêtre enrobe les voies nasales dès la première approche. De toute évidence, si vous n'aimez pas la fumée dans une bière, cette Boson n'est pas conçue pour vous. Si vous persistez à y dénicher autre chose, l'arôme vous présentera aussi quelques notes de blé bien grasses, ainsi qu'une touche laiteuse.

En bouche : Des esters de bananes s'immiscent dans la fumée robuste, diversifiant le profil de saveurs. Pendant ce temps, une subtile acidité lactique s'installe, accentuée par des passages citronnés. Le corps est plaisamment svelte, laissant une impression de légèreté malgré la grandiloquence des saveurs.

La finale : On assiste à un lent affadissement du profil de saveurs, dans lequel la fumée et l'acidité lactique coexistent paisiblement, nettoyées par des bulles bien actives.

Accords : Étant à la fois rafraîchissante et pleine de saveurs fumées, cette ale accompagne vaillamment un repas costaud, telle une choucroute garnie ou des saucisses de votre saucissier préféré.

Pourquoi est-ce un grand cru? : En plus d'être le théâtre de saveurs on ne peut plus harmonieuses, cette ale se distingue par son côté digeste. Rares sont les bières sous la barre des 5% d'alcool (celle-ci titre seulement 3,8%!) qui se montrent si généreuses.

Si vous avez aimé, essayez aussi :
Dieu du Ciel! Caserne 30 (Québec), Le Trou du Diable Weizgripp Rauchweizen (Québec), Aecht Schlenkerla Märzen (Allemagne; SAQ).

Frédéric Cormier, dégustant sa Boson de Higgs à la dernière Journée des Grands Crus,
au Siboire, à Sherbrooke

20 avr. 2011

Des grands crus et des grands accords



Lors de la soirée des grands crus du 16 avril, rappelons qu’il y avait aussi un volet cocktail dînatoire. Ne se contentant jamais de faire appel à des collaborateurs de second ordre (exception faite des Coureurs des Boires), les cerveaux derrière le Siboire ont cru bon d’inviter le chef Danny St-Pierre, chevalier émérite de l’ordre des Bons Vivants depuis 1927, date qui, selon nos recherchistes, précède sa naissance.

Muni de la carte des bières, St-Pierre a concocté six bouchées ayant pour objectif de rendre une bonne bière et une bonne bouchée supérieures à la somme de leurs composantes, grâce à une harmonie digne des plus beaux couples de ce monde : une osmose Brangelinesque.

Parcourons ensemble les sentiers gustatifs qu’a élaborés pour nous le chef.

1er service : Bière – La Capricieuse, une bière de blé du Siboire | Bouchée – Sandwich « pas d’croûte » à la truite marinée




Les élégantes présentations du Siboire servaient d'aide-mémoire tout au long de la soirée

D’emblée, on sent le désir d’entamer la soirée sous le thème de la fraîcheur. La Capricieuse, citronnée et fraîche justement, dont le malt rappelle le pain, répond aux pulsions aussi citronnées de la truite servie façon tartare et du simplissime pain blanc. La table est mise.

2e service : Bière – Galaxy, une IPA de Hill Farmstead | Bouchée – Homard façon Marie-Louise





Cette bière monohoublon jouit d’un arôme explosif de fruits tropicaux et d’agrumes. Comment assurer l’équilibre ? En intégrant la chaleur du wasabi de même que l’amertume et l’acidité de véritables pamplemousses au homard. Original et bougrement efficace au point où nous aurions été curieux d'essayer différents dosages de wasabi.

3e service : Trip d’Automne III – une Triple du Siboire | Bouchée – Ailes de poulet glacées au miel avec ranch au bleu





À table, la Triple représente une bière presque passe-partout, capable d’accompagner plaisamment la plupart des plats. Peu de danger ici donc, mais la connexion s’établit principalement via l’aspect miellé commun aux deux participants. Le lien étant fait, la bière emprunte son propre chemin de levure fruitée et de malts rappelant le pain frais alors que l’exquise sauce au bleu apporte le penchant salé à l’approche sucrée initiale.

4e service : IABA – une Brown Ale forte et très houblonnée du Siboire | Bouchée – Tartelette à l’oignon et cheddar vieilli





Le houblon et le cheddar se rejoignent par leurs aspects épicés, voire salés alors que les malts toastés s’amourachent du soupçon caramélisé des oignons. Un impeccable accord multidimensionnel où aucun élément ne domine les autres.

5e service : Impériale Express – un Imperial Stout du Siboire | Bouchée – Rouleau de tartare de bœuf et purée de betterave et café





Le Stout représente toujours un choix gagnant avec un bœuf bien cuit pour relever le rôti des deux parties, mais avec un tartare ? C’est néanmoins concluant puisque l’Imperial Stout dégage de convaincants arômes de café, lesquels sont réfléchis par l’étonnante purée. Auriez-vous eu l'idée de combiner café et betteraves, vous? Sans doute existe-il un lien moléculaire entre ces deux aliments. Le sel du tartare vient encore enquiquiner les houblons du Stout.

6e service : McEis – Scotch ale du Siboire, version gelée | Bouchée – Rice Crispies au chocolat et sucre à la crème





Cette fois, c’étaient deux bouchées auxquelles les convives avaient droit. Bien que très sucrée, la McEis, comme aucune autre bière d’ailleurs, ne peut simplement pas rivaliser avec le sucre à la crème. En revanche, la douce effervescence atténue l’impact du sucre à la crème tandis que des envolées caramélisées et d’érable surgissent de part et d’autre . La Scotch Ale étant complexe, elle aborde aussi le thème du chocolat, à l’image des Rice Crispies. Peut-être si on essayait les 3 en même temps ? Ou serait-ce de la gourmandise ? Sans doute, raison de plus d’essayer !





Globalement, l’événement a été mené avec grand professionnalisme, tant au niveau des délais du service et du support visuel qu’au niveau de l’abondance des bouchées dont plusieurs convives ont profité à de multiples reprises.

Danny St-Pierre s’est avéré performant dans l’exécution et créatif dans la conception. Avant tout, il tente de produire des bouchées de grande qualité, dont les ingrédients sont irréprochables. Les bouchées, tout comme les bières, seraient toutes parfaitement agréables prises seules. Une fois cette fondation solide bien établie, son approche pour l’agencement semble être basée sur le modèle d’un système nerveux. Il établit d’abord certains points de connexion, des liens qui uniront le liquide au solide. Ensuite, il laisse la magie opérer, chaque embranchement suivant son propre chemin, les échos des saveurs communes tissant le tout ensemble et s’établissent comme le point central d’un système solaire autour duquel gravite des échappées de différences, la différence étant, comme on le sait, la source des plus grands bonheurs.

Vivement une prochaine édition !

18 avr. 2011

Des grands crus et des grands brasseurs


Dès la première heure de l’après-midi, samedi dernier, la table était mise au Siboire pour une journée de dégustation et de rencontres inoubliables. Alors que visiteurs et invités remplissaient rapidement l’enceinte d’une des plus belles brasseries artisanales du nord-est de l’Amérique, le menu prenait forme sur l’ardoise et les casks se voyaient percés sur le comptoir. Sherbrooke n’avait jamais vu autant de grands crus, et de grands brasseurs, fouler le sol d’une de ses brasseries.


Nicolas Marrant, brasseur de la Microbrasserie Charlevoix, était un des premiers sur les lieux. Sorti de son terroir, il nous fit l’honneur de venir nous présenter sa Roggenbier, une ale allemande confectionnée à partir d’une levure de Weizen et de seigle. Luc Lafontaine, de Dieu du Ciel!, nous offrait quant à lui sa Pionnière, une Impériale Black IPA résineuse et chaleureuse. André Trudel et Dany Payette, du Trou du Diable, partageaient de leur côté leur Dulcis Succubus et leur Buteuse Brassin Spécial, deux bières issues de fermentation mixte vieillies en barriques de chêne. Ils avaient aussi apporté le Nez de Poivrot, un vin d’orge au sirop d’érable, servi par gravité (sans bonbonne de gaz). Teklad Pavisian, du Benelux à Montréal, nous livrait l’Ergot et la Yakima, en plus de nous faire une démonstration de sa grande générosité en s’occupant du perçage des casks. Frédéric Cormier, l’homme derrière le succès de la brasserie Hopfenstark, nous offrait sa Boson de Higgs, une délicieuse création fumée et lactique, impossible à classifier. Alex Ganivet-Boileau, des Trois Mousquetaires, a choisi de nous intriguer de sa version gelée(!) de la populaire Sticke Alt des 3M.


Évidemment, Jonathan Gaudreault, maître-brasseur du Siboire, profitait de l’occasion pour faire une éclatante démonstration de son propre savoir-faire. De la désaltérante Capricieuse, une ale de blé houblonnée de cultivars américains, à la McEis, une version gelée de sa scotch ale à l’érable, le calibre des dégustations était très relevé. Nous croyons fermement que cette vitrine l’a établi, aux yeux des dégustateurs comme des brasseurs, comme une des vedettes émergentes de la scène microbrassicole québécoise.


Pour une partie des voyageurs ayant franchi plusieurs kilomètres pour l’évènement, le clou de la journée était la toute première québécoise de la brasserie Hill Farmstead. Sortie de son bled au beau milieu de la campagne du nord-est du Vermont, elle nous dévoilait pas moins de 4 de ses nouvelles créations; deux Saisons d’inspiration belges, une India Pale Ale et une Double India Pale Ale. Shaun Hill, maître-brasseur louangé de toutes parts depuis l’ouverture de sa brasserie l’an dernier, nous gâtait aussi de trois de ses chefs d’œuvres éprouvés : Edward, une Pale Ale aussi complexe que rafraîchissante, Ephraim, une Double India Pale Ale dont la réputation n’est plus à faire, puis Everett, que vos humbles serviteurs osent toujours, après maintes vérifications, nommer comme étant le meilleur Porter à s’être prélassé sur nos papilles.


Comme si cela ne suffisait pas, nous avons pu aussi discuter avec le toujours sympathique Michaël Parent, maître-brasseur du Boquébière, ainsi qu’avec une des fondatrices de Frampton Brasse, une microbrasserie beauceronne en devenir. Une mention spéciale se doit d’être faite pour souligner la présence des gars de la Microbrasserie Le Naufrageur, de Carleton-sur-mer, qui ont conduit plus de huit heures dans la journée pour venir trinquer avec leurs confrères des brasseries invitées. 16 heures de route en 32 heures… personne ne pourra accuser ces gaspésiens de manquer de passion!

Pour un compte-rendu des succulents accords mets et bières de la soirée, signés Danny St-Pierre, chef du Restaurant Auguste, cliquez ici. Eh oui, la journée des grands crus s’est dotée d’un nouveau volet cette fois-ci! Et c’était ma foi, divinement concluant…