29 sept. 2012

Les pâturages brassicoles de la Lituanie - sur le chemin de Panevėžys


Cet ancien bunker sert maintenant de salle de conditionnement et d'embouteillage pour l'excellente brasserie Kupiškio


Entre Vilnius au sud-est de la Lituanie et le nord-est campagnard du pays où la majorité des brasseurs fermiers évoluent se trouve la région de Panevėžys, cinquième ville du pays. Étonnament, même si c'est la bourgade de Biržai qui se voit nommée officieusement la capitale brassicole du pays, davantage de brasseries opèrent dans la région de Panevėžys. Voici premièrement celles en périphérie, toutes sur le chemin de cette ville énigmatique:


Kupiškio Alaus, à Kupiškis
Entrée de la petite boutique de la brasserie

Seulement disponible en bouteilles de 2 litres (en verre et non en plastique; quel luxe!), la Magaryčių Alus de Kupiškio a tout pour séduire. Imbue de subtiles notes rurales, elle étale ses malts toastés et ses noisettes rôties sur de surprenants houblons boisés et herbacés. Une grande bière. Même constat pour la Patulo Alus, plus citronnée et sèche et la Keptinis, recréation d'un vieux style de bière lituanien presque disparu.

Bien que l'on puisse trouver ces bières dans toute leur fraîcheur à Kupiškis même, soit à l'est de Panevėžys, les belles bouteilles de formes variées de cette brasserie se trouvent assez facilement à Vilnius, si vous savez où aller bien sûr... De plus, cette boutique de Kupiškio Alaus se veut un arrêt agréable pour faire le plein en direction de l'excentrique brasserie Čižo à Dusetos (par exemple).

Chose rare en Lituanie, le contenant est aussi agréable que le contenu chez Kupiškio


Taruškų Alaus Bravoras et Miežiškių Bravoras, à Trakiškis
Pichets de service traditionnels

Tout juste à l'est de Panevėžys, sur une route rurale comme toutes les autres, un bâtiment sans âme abrite non pas une, mais deux brasseries artisanales. Aucune enseigne ne communique ce fait cependant. Impossible de comprendre ce qui se trame donc derrière la grisaille industrielle. Question d'augmenter la confusion, les deux brasseries se retrouvent exactement côte-à-côte et appartiennent d'ailleurs aux mêmes propriétaires... Puis ils ont toutes deux leur propre système complet de brassage. Bref, ces entrepreneurs ont tout en double et ce, à relativement gros volume. Question de rendre les choses encore plus agréables pour ceux tentant de les découvrir, ces deux brasseries ont changé de nom récemment: une s'appelait Habilitas et l'autre Habiterus. De telles histoires ne s'inventent pas.

Ce qui importe pour nous tous, c'est que les bières sortant des nombreuses cuves de cette entreprise sont de grande qualité. La Taruškų Šviesus charme le plus avec ses modestes notes de foin adjointes à des céréales toastées et une finale de houblon épicé, le tout dans un corps relativement sec. La Kanapinis Tamsus est presque autant talentueuse, laissant dévaler des malts toastés et caramélisés sur un lit doucement fruité, construisant un example classique de la Tamsus lituanienne.


Des vestiges de l'ère soviétique toujours capables de produire des bières très agréables

Su Puta Alaus, à Paliūniškis
Enseigne au devant de la boutique de la brasserie

Dans un quartier résidentiel au nord de Panevėžys, la famille Gūrų concocte des bières somme toute mémorables. Chose pratique, Su Puta possède une minuscule boutique en face de la brasserie où tout passant peut faire remplir des bouteilles de bières fraîches à même le fût. Le même concept qu'un 'growler' en Amérique du Nord, finalement. Un vieil homme s'y attardait d'ailleurs, jasant avec la dame de la maison, pinte en main, lorsqu'il nous aperçut sur le point d'envahir son quotidien de notre étrangeté. Quelques secondes plus tard, nous étions seuls avec la dame... 

La brasserie offrait non moins de 5 bières différentes ce jour-là, en plus d'un gira (le kvass des lituaniens). La plus délectable à ce moment était l'étonnante Senolių, une ale passablement levurée non sans rappeler certains grands succès de l'ouest européen (belge forte ou Heller Weizenbock?) avec ses esters de bananes, ses flaveurs de pain, de blé et ses houblons épicés, le tout à 8% d'alcool. 

Contrairement à la majorité des brasseries dans notre guide brassicole de la Lituanie, il est très facile d'obtenir les bières de Su Puta. Un défi de moins une fois de temps en temps, ça fait du bien!


Maison-boutique devant la brasserie Su Puta


Piniava Alutis, à Piniavos
Il n'est pas rare qu'une brasserie en Lituanie soit située dans un bâtiment ayant des allures de bloc à appartements






Cette brasserie aux apparences anodines façonne pourtant des bières fascinantes, dont l'excellente Seklyčios, une bière aux céréales toastées munies d'angles miellés et saupoudrées de houblons boisés, amers. Une superbe bière de soif que l'on peut déguster au très chaleureux bar Prie Uosio, à Panevėžys même (on le présentera dans un futur article). 




La brasserie concocte aussi d'autres bières plus surprenantes, fermentées à 35 degrés Celsius(!!) avec de la levure à pain, filtrées soit à l'aide de branches de framboisiers, soit à l'aide de branches de trèfle violet. Une tradition de la région de Kupiškis, selon le maître-brasseur. Comme la majorité des brasseries de la campagne, impossible de tout simplement passer chez Piniava Alutis sans rendez-vous, mais au moins on peut se replier sur le Prie Uosio en ville!







Propriétaire et maître-brasseur de Piniava Alutis nous faisant visiter sa brasserie

Avant de passer au prochain article sur les bars et brasseries du centre de Panevėžys, nous devons vous confier qu'il nous reste encore du travail à faire en périphérie de la ville. Notamment, nous avons pris connaissance d'une autre brasserie rustique du nom Salamiescio Alus, supposément à Paliūniškis, tout près de Su Puta. Notre ami de Tikras Alus les a contacté récemment et la dame au bout du fil a presque essayé de le convaincre de ne pas passer les voir... Disant qu'ils vendent seulement aux gens locaux, mais qu'ils sont sur le point de fermer de toute façon, elle a renchéri en clamant qu'elle ne voulait pas qu'on parle d'elle. Désolé, madame, mais on peut retrouver l'adresse de votre entreprise dans les recueils locaux à cet effet... Une autre brasserie à déguster lors de notre prochain périple en Lituanie!

20 sept. 2012

Les meilleures cuisines brassicoles du monde - le "Kura-Rin Ginza Lounge", à Tokyo



Ceci est le premier de plusieurs billets à venir mettant en vedette les meilleurs endroits sur la planète où une sélection judicieuse de bières de grande qualité est accompagnée d'une cuisine aussi relevée. Même si la révolution microbrassicole a donné naissance à des bières de plus en plus savoureuses et/ou complexes, force est d'admettre que l'expérience de dégustation de notre élixir préféré est rarement jointe à un menu gastronomique. Les endroits mis en valeur dans cette série de billets en sont, évidemment, de délicieuses exceptions:

Le Kura-Rin Ginza Lounge est le quartier-général tokyoïte de Swan Lake Beer, une microbrasserie à quelques heures au nord dans la préfecture de Niigata. Un vaste menu de spécialités endémiques à Niigata accompagne les bières de Swan Lake qui coulent des nombreux fûts du restaurant; une de ces bières est d'ailleurs servie en cask et certaines en bouteille (souvent les bières fortes, millésimées). Ces mêmes bières sont disponibles en formats de 180ml, 350ml et 500ml, parfait pour ceux désirant une dégustation minutieuse et ceux souhaitant plutôt apprendre à connaître une ou deux bières intimement... De celles-ci, nous vous recommandons leur Amber Ale, une création qui excède toutes attentes que vous pourriez avoir avec ce style souvent simplet.
 
新潟地ビール 『スワンレイクビール!!!』

En effet, si toutes les 'ales ambrées' étaient armées d'un flair semblable à celle de Swan Lake, l'appellation jouirait peut-être d'une meilleure réputation auprès des amateurs de bières de qualité. Ses houblons résineux et fruités percent des malts délicatement caramélisés avant que des saveurs terreuses et boisées prennent le contrôle jusqu'à une aguichante amertume. Pour vous donner une idée, elle possède davantage de saveurs et de complexité que leur Lake Bottom Barley Wine, qui lui se vend à un prix plusieurs fois plus cher (25$ environ la bouteille de 500ml!).

『旬鮮魚の盛合せ』

Pour une majorité de visiteurs, la raison principale d'essayer le Kura-Rin est bien entendu sa cuisine. Avec raison, les tranches de katsuo, pour ne nommer que celles-ci, fondent dans la bouche. Du grand sashimi. Même constat pour les poissons tempura et les légumes saisonniers légèrement salés: absolument délectables. Un souper complet revient à environ 75$ par personne avec une bière ou deux. Tout est merveilleusement frais et méticuleusement préparé et présenté; la quintessence de la cuisine japonaise, quoi. Les serveurs ne parlent que japonais et aucun menu n'existe pour les touristes (préparez-vous donc à pointer du doigt sur quelques images). Venez donc avec un sourire et un esprit affamé de découvertes!





Puisque ce restaurant pourrait être difficile à trouver pour un gaijin, voici quelques indications pour vous aider. Premièrement, débarquez à la station Higashi-Ginza. Trouvez le théâtre Kabuki-za et installez-vous face à son entrée. Au centre de cette façade, faites demi-tour et regardez de l'autre côté de la rue; vous y verrez la rue Kobikicho-dori. Allez-y! Marchez trois pâtés de maison vers le sud et vous devriez apercevoir le sujet de photo ci-dessous sur votre gauche. Un bureau de poste est en face, de l'autre côté de la rue.


Le Kura-Rin Ginza Lounge est en bas des marches derrière cette porte. La carte ci-dessous pourrait vous être utile également si vous désirez vous faire aider par un passant: http://www.swanlake.co.jp/main/kura/ginza/kura_rin_ginza_map.jpg



11 sept. 2012

La LaPatt Robuste Porter, de la Brasserie Dunham, à Dunham



La sortie de ce premier brassin embouteillé de la Robuste Porter suit celle d'un autre grand cru, leur Rye ESB, qui a atteint nos tablettes cet été. Ose-t-on rêver au dicton 'jamais deux sans trois'? La nouvelle équipe de la Brasserie Dunham est sur une si délicieuse lancée; pourquoi pas! Entre temps, voici la fiche Grand Cru de cette bière au nom qui évoque autant la Labatt Porter (ironiquement, bien sûr) qu'un des deux brasseurs de Dunham, Pat Roy:


Style : Robust Porter houblonné à l'américaine. On dirait presque une Black IPA plus charnue qu'à l'habitude.

Disponibilité : Le premier brassin embouteillé vient de paraître sur les étagères il y a quelques jours. Espérons que nous reverrons ce Robust Porter régulièrement!

Le coup d’œil : Une tranche de mousse s'installe sur la noirceur bordée de marron.

Le parfum : Ouf, quel arôme! Des malts toastés, caramélisés, rôtis et chocolatés sont chevauchés par des houblons résineux rappelant une forêt de conifères. L'harmonie des composantes est aussi percutante que le dosage est intelligent.

En bouche : Un corps crémeux et réconfortant sert d'assise pour la lancée impressionnante des malts chocolatés, sertie de saveurs de houblons résineux tissés serré.

La finale : L'amertume des malts rôtis est nivelée à celle des houblons résineux, le tout nappé de sucres chocolatés et légèrement caramélisés.

Accords : Une généreuse pièce de viande rouge sur le gril. En plus d'agir à titre de sauce un peu sucrée (grâce aux sucres résiduels des malts caramélisés et chocolatés) et de branches d'herbes perçantes (les houblons rappelant le pin et le romarin), la Robuste Porter se liera aux traces du gril sur le steak avec l'aide de ses malts rôtis.

Pourquoi est-ce un grand cru?: Souvent les bières d'un tel impact gustatif relevé se résument à l'intensité avec laquelle elles s'expriment. Ce n'est évidemment pas le cas ici. Ses flaveurs riches sont aussi complexes, en plus d'être bien définies et jamais lassantes, se laissant boire aisément; le meilleur de tous les mondes, quoi!

Si vous avez aimé, essayez aussi : La Gaspésienne, de Pit-Caribou (L'Anse-à-Beaufils; celle-ci est moins houblonnée, penchant donc vers le malt chocolat), la Strato, du Benelux (Montréal) et la Robust Porter de Smuttynose (au New Hampshire).

4 sept. 2012

Les pâturages brassicoles de la Lituanie - la région des lacs


Impossible de manquer la brasserie Čižo en arrivant dans le village de Dusetos par l'ouest


Avertissement de difficulté: Les deux brasseries décrites ci-dessous possèdent bien un salon de dégustation, ce qui est rare en Lituanie, mais dans les deux cas il est ouvert seulement en été ou lors d'occasions spéciales. Prière de vous informer avant de vous lancer sur la route.


Ramūno Čižo Alaus Darykla, à Dusetos


À quelques kilomètres de la frontière lettone et bièlorusse travaille Ramūno Čižo. Jusqu'à ce que l'excellente brasserie Kupiškio aille récemment de l'avant avec sa propre version modernisée de la Keptinis, Čižo était à lui seul responsable de la survie de ce type de bière n'existant autrement que dans les livres brassicoles lituaniens. Comme d'autres brasseurs de Kaimiškas Alus (bières campagnardes traditionnelles), il ne bouille pas son moût et gazéifie parcimonieusement, de façon naturelle. La recette typique de la Keptinis requière aussi que le brasseur cuise un pain à partir des malts en phase d'empâtage avant de faciliter la conversion. Mais c'était surtout une façon économique, jadis, de faire augmenter la température du dit empâtage sans avoir à faire chauffer autre chose que le four à pain de la maison qui lui bénéficiait d'une chaleur constante.

Bien que Čižo soit généreux de détails mettant en valeur sa bière, pas question de partager sa souche de levure avec qui que ce soit. "Je partagerais ma femme avant de faire de même avec ma levure", nous a-t-il confié, répétant une blague que nous avions entendue plus tôt dans le voyage. Inutile de dire que ce brasseur campagnard ne sait pas qu'on aurait pu cultiver cette même levure à partir du cruchon rempli de 4 litres de bière qu'il nous a donné en guise de cadeau de départ... 

Monsieur Čižo lui-même, fière de partager son savoir-faire ancestral

La bière obtenue de ce processus des plus rustiques est imbue d'un terroir évident. Les malts lituaniens offrent déjà une personnalité distincte, mais les saveurs cuites obtenues dans le four à pain, le thé de houblon infusé dans l'empâtage et la levure campagnarde se joignent afin d'offrir un profil de saveurs qui respire la région environnante. Brune, opaque, coiffée d'une faible mousse, elle étale des saveurs boisées, terreuses et légèrement fumées dans un corps presque aqueux. On croit vraiment avoir voyagé dans le temps à chaque gorgée.

À noter que le deuxième étage de la brasserie abrite un petit musée brassicole et qu'il est possible de camper sur le site en saison. De plus, une chambre est à louer dans la maison de Monsieur et Madame Čižo. Mais nous ne vous conseillons pas d'y parler de levures...

Un dernier verre de Keptinis avant de passer au prochain paragraphe?


Vasaknu Dvaro, à Vasaknai

Jusqu'à tout récemment, un manoir en ruines refléchissant dans les eaux calmes d'un lac peignait un portrait désolant de la région. Racheté par des investisseurs de la ville, entièrement reconstruit et transformé en hôtel de luxe, le Vasaknu Dvaro accueille maintenant des touristes en moyen et des dignitaires étrangers en quête de quiétude. Et quoi de mieux qu'une brasserie sur place pour s'assurer du bien-être quotidien de ses clients! 

Au centre du manoir

Située dans un bâtiment à quelques centaines de mètres du manoir, la brasserie est terrée entre vieux murs de pierre d'une autre époque dans un autre édifice partiellement en ruines. C'est là que le brasseur concocte le classique duo lituanien de Šviesus et Tamsus. Toutefois, même si ces bières présentent de belles saveurs, équilibrées et agréables à boire, force est d'admettre qu'elles ne nous apparaissent pas comme étant 'lituaniennes' à proprement dit.  On aurait dit que tous les ingrédients proviennent de malteries et de houblonnières d'Europe de l'ouest. 

Porte de la brasserie avec la manoir en arrière-plan

Les levures et les méthodes de fermentation ne rappellent pas du tout ce que font les brasseurs campagnards du pays non plus. À en juger par l'équipement brassicole hautement sophistiqué (à l'ère digitale pour certains contrôles!), les investisseurs de Vasaknu ne veulent certainement pas avoir l'air de produire des bières au cachet rustique. N'empêche, si vous voulez déguster l'antithèse de la bière de Ramuno Čižo à quelques kilomètres de là, une visite - et une nuitée? - à Vasaknu s'impose.

Brasseur de Vasaknu Dvaro

La suite de notre guide de voyage brassicole sur la Lituanie se déroulera à Panevėžys, cinquième ville du pays, et ses alentours. On essaiera d'y aborder, oh, une dizaine de brasseries artisanales?

29 août 2012

Les bières importées de la fête Bières et Saveurs 2012

Encore une fois, Bières et Saveurs nous offrira, la fin de semaine prochaine, l’un des meilleurs éventails de grands crus québécois de l’année. Jetez un coup d’oeil à notre section Fiches grands crus pour nos plus récentes suggestions.

En parallèle, Bières et Saveurs récidive avec son kiosque de bières importées, piloté par des bénévoles d’Importations Privées Bièropholie qui sont toujours à même de prodiguer des conseils de qualité. Vous vous demandez ce qu’ils offriront cette année ? Eh bien voici !

Cantillon St-Lamvinus Sans conteste, voici LA bière que vous devez faire essayer à vos accompagnateurs qui n’en ont que pour le vin. Ils y retrouveront les flaveurs de raisins et tannins afférents qu’ils adorent, cette Cantillon ayant vieillie en unissons avec des cépages de Bordeaux à l’intérieur d’un fût de chêne provenant d’un vigneron de Bordeaux. L’acidité tant malique que lactique rejoindra tant l’amateur de Gueuze que celui de vin rouge. Non seulement elle est excellente en soi, cette bière constituera aussi une merveilleuse option pour régénérer les papilles fatiguées du festivalier moyen.


Brooklyn Local One Une nouveauté au kiosque des importations cette année, cette Triple du Nouveau Monde s’avère très bien réussie, plus en houblon que la norme, mais plus qu’honnête dans ses craquants malts pâles et son caractère fermentaire intelligemment fruité. Heureusement que le festival ne nous offre que des échantillons parce qu’il serait facile de se laisser emporter et d’en consommer beaucoup sans tenir compte de son contenu d’alcool élevé.


Amager Galanthus Nivalis Seules 1600 bouteilles de ce Barley Wine danois exclusif, ayant été vieilli dans des fûts ayant préalablement contenu du porto, ont été produites. Imaginez la chance de pouvoir y goûter à Chambly. Sans surprise, c’est dans le registre des fruits foncés, du chêne, du caramel et de l’alcool que cette rareté fait ses marques. Les amateurs de porto et de bières digestives auront avantage à ne pas manquer. Notez qu’il s’agit ici de restants de l’an dernier. Heureusement, cette bière possède tous les attributs (alcool et sucres résiduels abondants, effervescence peu importante, fraîcheur minimale, robe plutôt foncée, etc.) pour résister au test des années. Faites vite, il ne reste, nous dit-on, moins de 10 bouteilles !

Traquair Jacobite Un grand classique que cette Écossaise à l’arôme d’une complexité monumentale. Véritable dessert liquide (pouding, gâteau au chocolat, fruits confits…) parfumé d’une touche de coriandre qui y trouve son compte. Sensuelle et fruitée, un deuxième échantillon s’avérera sans doute nécessaire pour y percer ne serait-ce que la moitié de ses mystères. Il existe bien peu de comparables, mais si le mariage inusité entre une Dieu du Ciel Solstice d’Hiver, une Dominus Vobiscum Hibernus de Charlevoix et une coupe de chocolat grand cru de Juliette et Chocolat représente pour vous un fantasme, visez ici l’orgasme.

Brooklyn Monster Ale Le grand digestif de la maison Brooklyn regorge de profondes flaveurs sucrées : source inépuisable de caramel aux intonations bien biscuitées, il s’appuie sur une charpente bien huileuse, mais sans être excessivement épaisse ni collante. Un panier de fruits s’échappe de ses soubassements tout en malt et même si les houblons sont bien présents, ils demeurent humblement à l’arrière-plan. Peut-être pas la bière idéale pour commencer la journée, mais si le début de soirée s’avère le moindrement frisquet, voilà une complice qui saura vous réchauffer l’âme.

Uerige Doppel Sticke
Vous connaissez probablement la Doppelbock, cette bock plus grande que nature ? Sachez que la même remouture existe aussi chez l’Altbier, la réponse de l’Allemagne à la Pale Ale anglaise, dont la Sticke est déjà une version légèrement plus forte. En somme, d’une Doppel Sticke, il faut s’attendre plus ou moins au barley wine de l’Allemagne – la grâce des céréales et houblons d’Allemagne, mais avec une levure sachant se faire discrète et laissant les ingrédients de base prendre un maximum de place plutôt que de les substituer par un caractère fermentaire exagérément fruité ou épicé. Et comme il est ici question de la brasserie Uerige, le houblon est utilisé généreusement, pour notre plus grand plaisir considérant son héritage noble.

Andechs Doppelbock Dunkel Une des plus merveilleuses odes au malt munich au monde, cette délicieuse Doppelbock presque introuvable en Amérique du Nord déploie un caractère de pain grillé incomparable. Des houblons feuillus subtils assèchent timidement ce toast à peine caramélisé, mais abondamment pourvu de nuances de noisettes et de céréales. Les amateurs de malt doivent impérativement se laisser tenter par cette superbe opportunité.

Rogue Double Dead Guy Vous connaissez peut-être la Dead Guy de Rogue que nous avons eu la chance de croiser sur les tablettes de la SAQ ? Voici une version survoltée de cet hybride entre une Maibock et une India Pale Ale américaine – plus intense à tout point de vue. C’est donc dire qu’elle est plus miellée, plus biscuitée, plus florale et plus amère.

Rogue Mom Hefeweizen La toujours très créative brasserie Rogue récidive dans le domaine de l’hybride avec cette blanche aux levures de Weizen, mais épicée telle une Witbier. Les amateurs de bière de blé bien ronde et céréalière feraient probablement mieux de chercher ailleurs, nous avons ici affaire à une bière croustillante, plutôt mince et d’une facilité déconcertante à boire, des traits de personnalité amplifiés par un houblon Saaz épicé à souhait et de rafraîchissantes notes de gingembre.

Traquair House Ale Un festival de malts tout écossais vous attend chez cette spécialité de la maison vaquant entre le plum pudding et le massepain sans nous écoeurer de ses sucres, peut-être à cause de ses soupçons d’acidité et de tourbe. Fruitée et chocolatée à souhait, son alcool demeure mitigé. Les amoureux de Scotch Ale, Barley Wine anglais et autres Old Ale y découvriront une nouvelle flamme.

Het Anker Gouden Carolus Grand Cru de l’Empereur Bien que peu subtile, cette ale belge cochonne comme on les aime nous étouffe de sa décadente complexité. C’est simple, pensez à un fruit ou une nuance maltée, concentrez-vous et vous avez toutes les chances de l’y retrouver dans cette bière digestive. Une proie de choix pour les fervents de Trois-Pistoles et Rigor Mortis ABT.

De Dolle Stille Nacht Cette bière de Noël belge des De Dolle Brouwers, les brasseurs fous, ne recherche pas non plus la subtilité. Sa ribambelle de fruits, son alcool assumé et sa complexité indéniable nous font immanquablement penser à un Barley Wine anglais sertie d’une puissante levure caractérielle. Il faut disposer d’une bonne tolérance au sucre toutefois, surtout si vous enchaînez avec la Gouden Carolus ci-dessus.

Malheur Bière Brut Réserve Imaginez une Saison extra forte dont la levure sait se comporter en public. Une effervescence champagnesque soutient les malts aux notes de foin et un fruité tant posé que complexe. Florale et abondamment amère, elle évolue rapidement vers une sécheresse presque rafraîchissante. Les chanceux ayant goûté à la Brut de Charlevoix resteront béats devant cette spectaculaire offrande de De Landtsheer. Les amateurs d’Avec les Bons Vœux de Dupont seront aussi en mesure de collecter leur moment de bonheur.

Port Brewing Old Viscosity Cette inclassable flirte avec le Barley Wine et l’Imperial Stout, si bien que ses malts sont d’une redoutable complexité, jouant dans le royaume du rôti/chocolat ainsi que dans les douceurs caramélisées. La vaste gamme de nuances fruitées apporte une profondeur captivante alors que les houblons américains abondants laissent toutefois la vedette aux céréales.

Lost Abbey Devotion Nous vous pardonnerions facilement de méprendre cette ale américaine comme sortie tout droit de Belgique. Rafraîchissante blonde délicatement levurée et élégamment houblonnée, l’épice de la bière lui procurant de charmants tannins en accompagnement à ces notes florales et terreuses. Tout zélateur des blondes de Charlevoix saura s’y plaire.

Cantillon Kriek Une autre qui ne fait pas de quartier, la Kriek de Cantillon se distingue par son acidité décapante, sciant pratiquement la langue en deux. Franche et directe, elle se montre tannique, d’une sécheresse remarquable et généreuses de ses notes de griottes, de bois et d’acide lactique. Pour les sourheads.

Rochefort 10 Encore un grand classique! La bière la plus forte de la gamme Rochefort trône tout en haut de la liste des favorites de plusieurs amateurs. Cette brune belge presque noire se montre étonnamment rôtie, rappelant le cacao en plus de toutes sortes de nuances vanillées, boisées, fruitées. Le haut degré d’alcool s’intègre agréablement à l’ensemble et la texture est incomparablement ronde, soyeuse, sensuelle dont l’effervescence vigoureuse allége les sucres tout en donnant l’impression trompeuse de caresser la langue. Laissez tomber les comparables et commandez-vous un verre !

20 août 2012

Mieux déguster les boires


On nous demande souvent si nous avons des trucs afin de parfaire nos talents de dégustateur. Nous pourrions tergiverser longtemps à ce sujet, en faisant appel notamment à des qualités comme la curiosité intellectuelle, l’humilité et l’ouverture d’esprit. Ces considérations philosophiques paraîtront toutefois insuffisantes à nos lecteurs qui apprécient davantage une bonne dose de pragmatisme et qui ne demandent qu’à mettre les mains à la pâte… ou dans ce cas-ci, le nez dans le verre. Depuis quelque temps déjà, Siebel Institute of Technology offre au grand public un ensemble de fioles permettant de reproduire certains des arômes les plus caractéristiques du monde brassicole. Précisons que Siebel est une organisation qui, entre autres activités, a formé nombre de brasseurs du Québec et d’ailleurs. Pensons à Alexandre Groulx (Trèfle Noir) ou à Dominic Charbonneau (Brasseurs du Monde). Cette vénérable institution permet donc maintenant aux amateurs de s’entraîner à identifier moult arômes agréables ou non et ainsi de se transformer en véritables professionnels le temps d’une session de dégustation.


Vingt-quatre fioles offrant des molécules aromatiques responsables d’arômes comme l’acétaldéhyde (pomme verte), le diacétyle (beurre, caramel écossais) ou encore l’acide acétique (vinaigre) sont disponibles. Simplement, on mélange le contenu d’une fiole à l’intérieur de trois bières de format standard et relativement neutres. Profitez-en, nous ne vous recommanderons pas souvent de vous acheter de la bière légère à la caisse de 24! Heureusement peut-être, l’intérêt de l’exercice se trouve davantage au niveau olfactif que dans la bouche. Lorsque ces flaveurs se retrouvent dans une bière, on devrait effectivement les percevoir avant même que le liquide ne franchisse nos lèvres. Se pratiquer à déguster est ainsi surtout se pratiquer à sentir. Malheureusement, les fioles ne sont pas gratuites à 190$ pour le kit de 24, mais puisque chaque fiole est plutôt concentrée, le coût peut facilement être amorti parmi une dizaine d’amis pourvus d’une bonne dose d’ouverture d’esprit.


Pour plus d’information sur le Sensory Training Kit de Siebel, suivez le lien : http://www.siebelinstitute.com/products-a-books/sensory-training-kits?page=shop.product_details&flypage=flypage.tpl&product_id=18&category_id=6

Alternativement, ceux qui préfèrent expérimenter sans dépenser une somme significative peuvent quand même obtenir des arômes de base en utilisant un peu d’imagination. Ainsi, on pourrait insuffler à une bière relativement neutre un grand trait d’oxydation en la laissant croupir dans le coffre d’une voiture exposée au soleil plusieurs jours en plein été. On pourrait encore ouvrir une bouteille et y insérer quelques morceaux de pomme Granny Smith durant quelques heures, refermer le goulot et patienter quelques heures avant de découvrir l’acétaldéhyde. Laisser une bouteille verte ou claire sous les rayons du soleil ne serait-ce que quelques heures suffira amplement à nous faire découvrir l’odeur de mouffette. Qui sait, votre beau-frère découvrira peut-être sa Heineken sous un autre jour?

13 août 2012

Les pâturages brassicoles de la Lituanie - Biržai et les environs



Le restaurant de la brasserie Rinkuškiai, 
bien plus en moyens que les autres brasseurs de la région de Biržai 


Avertissement de difficulté: cette portion du guide de voyage n'est pas pour le voyageur exigeant la spontanéité à tout coup. Sans préparation, vous risquez fort bien de vous buter à des portes closes et à des regards peu invitants. Ce que nous avons vécu à Pasvalys d'ailleurs même si nous avions deux guides et profitions d'une période de recherche de plusieurs mois. Cependant, avec un peu de chance et de préparation, vous pourrez peut-être visiter des manoirs centenaires autrefois utilisés par les Soviets pour festoyer, ou même vous faire inviter dans un sauna forestier! Qui a dit les Lituaniens n'étaient pas accueillants...

La ville de Biržai est connue par plusieurs comme étant la capitale brassicole de la Lituanie. Le nombre de brasseries n'y est pas plus grand que celui des autres villes et villages du nord-est, mais il faut avouer que la portée commerciale de certaines de celles-ci impressionne. Un représentant d'une de ces brasseries nous a même confié qu'ils commençaient à exporter leur bière au Soudan du Sud; disons que Madame Udriene de Jovaru Alus à Pakruojis n'a certainement jamais envisagé d'infiltrer le marché est-africain.

En plus des brasseries possédant un permis afin de vendre leurs produits, il y existe toujours une communauté de brasseurs-maison à Biržai. Un des premiers commerces que nous avons croisé en arrivant au village s'appelait 'Apyniai, Salyklas' (Houblon, Malt). Une raison sociale toute simple qui sait faire scintiller les yeux de tout brasseur passionné. Grâce à notre interprète, nous avons pu recevoir une invitation personnelle d'un des brasseurs faisant ses emplettes ce matin-là. Un homme fier de nous présenter les bières qu'il brasse depuis des décennies pour sa consommation personnelle et familiale. C'est donc dans sa cuisine que nous avons pu découvrir sa bière principale et sa Trečiokas, une bière conçue avec le troisième(!) jus de son empâtage. Cette dernière, titrant près de 1% d'alcool, étalait des saveurs terreuses et herbacées tout autant que la bière-mère. Gazéifiée naturellement, équilibrée et très agréable à boire; du même calibre que les meilleures bières fermières de la région.

Notre généreux hôte à la capacité de production quelques millions de fois 
plus petite que la brasserie ci-dessous... 

Rinkuškiai

La géante Rinkuškiai se trouve en bordure de la ville et gère un des seuls restaurants à thématique brassicole dans la région. Bien que ce restaurant mette en valeur les traditions brassicoles du nord de la Lituanie (avec vieil équipement à l'appui sur la mezzanine), les bières de la brasserie répondent plutôt aux attentes des consommateurs de bières au caractère 'international'; peu de saveurs locales, donc. Il n'en demeure pas moins que les lagers de cette macrobrasserie étanchent la soif, surtout lorsqu'on ingurgite la généreuse cuisine de l'établissement, friande d'ail. 

Širvėnos Dundulio
Bannière du Gira de la brasserie sur la façade du Snekutis Uzupio, à Vilnius

Cette jeune brasserie artisanale distribue ses bières et son Gira (version lituanienne du Kvass russe)  jusque dans les villes du sud (Vilnius, entres autres) et utilise le bois pour chauffer ses cuves. Sa Dundulio Dounkelis Tamsusis (la bière brune de la maison) démontre les mêmes prouesses toastées communes aux Tamsus du pays, sur un lit fruité rappelant de petites baies. Sa Dundulio Grynas quant à elle offre quelques résines de houblon équilibrant des malts subtilement toastés et miellés. Une autre belle bière de campagne. Nous n'avons pas pu visiter la brasserie dû à un horaire conflictuel avec celui des propriétaires mais, lorsque nous les avons croisés plus tard dans notre périple à Panevėžys, ils nous ont tout de même invités dans un sauna en forêt... 

Butautu Dvaro Bravoras

Camouflé sur une route rurale au nord de Biržai, à quelques pas de la frontière lettone, l'ancien manoir de Butautu abrite aujourd'hui une microbrasserie de grande qualité. "Confisqué" par les Soviets lors de l'occupation, le manoir était un lieu de prédilection pour des fêtes mondaines et comprenait également une brasserie au service des occupants. Aujourd'hui propriété de l'excellent groupe microbrassicole Aukštaitijos Bravorai, le manoir de Butautu concocte deux bières à l'aide de malts lituaniens et fermentées à aire ouverte. Les deux (Šviesus et Tamsus) sont d'élégantes et savoureuses interprétations du savoir-faire lituanien; plus subtiles en saveurs toastées que la moyenne campagnarde, mais toutes aussi empreintes du caractère rustique local. À noter que la brasserie n'a pas de salon de dégustation sur place, mais leurs bières sont relativement faciles à trouver lorsqu'on connait les bonnes adresses de Vilnius.

Biržų Alus 

Un vieil équipement rouillé, rapiécé à l'extérieur à l'aide de rubans adhésifs, souillé d'odeurs prenantes de poubelles humides: cela résume la salle de brassage de cette microbrasserie d'envergure qui semble toujours prise dans l'ère soviétique. Malgré tout, Biržų Alus conçoit des bières impeccables au niveau technique, même si elles sont très timides au niveau gustatif. Leurs bières de base sous les 5% d'alcool sont 100% malt, puis le reste de la gamme est créée en rajoutant de plus en plus de sucre afin de faire augmenter le taux d'alcool tel que désiré. Un chouette salon de dégustation est disponible sur réservation dans les voûtes de la brasserie (exempt d'arômes nauséabonds, heureusement) et une petite boutique à l'entrée du complexe nous permet d'acheter les bières spéciales du moment. 


Notre prochain article sur la Lituanie brassicole nous transportera vers l'est, près de la frontière biélorusse, là où deux brasseurs étonnants évoluent. Un de ceux-ci d'ailleurs était jusqu'à tout récemment le dernier brasseur sur la planète à faire une Keptinis; un style de bière n'existant autrement que dans quelques livres lituaniens!

6 août 2012

La Rye ESB, de la Brasserie Dunham, à Dunham


  Avec l'ajout tout récemment d'Éloi Déit, longtemps maître-brasseur du Cheval Blanc à Montréal, la brasserie Dunham se dote d'une corde majeure à son arc déjà bien garni. Avec les rutilantes Black IPA, Imperial Black IPA et Imperial Brown Ale qu'Éloi et Pat Roy, autre brasseur de la maison, ont conçues ensemble dans les derniers mois, nous devons admettre que le duo sera à surveiller. Et pour cause: leurs styles anglais remodelés à la façon 'nouveau monde' n'ont que rarement été si bien exécutés au Québec. Voici donc sans plus tarder la fiche Grand Cru pour cette Extra Special Bitter de seigle des plus méritoires!


Style : Une Extra Special Bitter, comme l'étiquette l'indique, mais conçue à l'aide de malts canadiens et allemands, des malteries Gambrinus et Weyermann respectivement. Les malts de seigle proviennent d'ailleurs de cette légendaire malterie de Bamberg. Le houblon également est entièrement allemand: une variété locale de Nugget. Surprenant pour une ESB, n'est-ce pas?

Disponibilité : Embouteillée pour la première fois le printemps dernier, elle vient tout juste de refaire son apparition sur les tablettes de nos marchands spécialisés. On peut également la déguster en fût à l'occasion au Vices et Versa, de Montréal.

Le coup d’œil : La mousse crémeuse laisse quelques traces de dentelle au haut de la profonde robe ambrée à peine voilée au fur et à mesure que l'on s'approche du fond du verre.

Le parfum : Une superbe effusion de malts toastés et caramélisés aux accents de noisette évoluent en parfaite harmonie avec les houblons feuillus, boisés et terreux. La richesse des saveurs à venir est presque palpable, comme la clarté avec laquelle elles s'exprimeront d'ailleurs.

En bouche : La rondeur maltée est lascive, se détaillant en caramel et miel légers, toujours rehaussée par la personnalité épicée du seigle. Le houblon prend autant de place que ces malts, mais il préfère se fondre dans un tout savoureux plutôt que de tenter de voler la vedette aux céréales. De plus, la gazéification est parfaitement calculée pour le taux modéré de sucres résiduels, rendant cette ESB facile à boire malgré ses 6% d'alcool. Très impressionnant.

La finale : Une langoureuse amertume de houblon épicé et boisé se voit accompagnée de quelques notes maltées; décidément, l'équilibre de cette bière charnue captive de l'arôme jusqu'à l'arrière-goût!

Accords : Des brochettes de poulet badigeonnées de sauce BBQ à un brie en croûte (au four avec un soupçon de sirop d'érable et garni de noisettes, afin d'aller chercher davantage d'harmonies), cette Extra Special Bitter s'amourachera de plusieurs plats riches en douceurs.

Pourquoi est-ce un grand cru? : Le seigle est élégamment intégré au reste du profil de saveurs, sans jamais ajouter de lourdeur exagérée (ce qui est souvent le cas pour cette céréale). De plus, très peu de bières de ce gabarit offrent des saveurs maltées aussi claires et généreuses sans sombrer dans des sucres résiduels lassants.

Si vous avez aimé, essayez aussi : L'Amère Veilleuse, de Bedondaine et Bedons Ronds (à Chambly), la Voyageur des Brumes, de Dieu du Ciel! (à Montréal) et la Villiers Extra Special Bitter, du American Flatbread (à Burlington, Vermont).

27 juil. 2012

Les pâturages brassicoles de la Lituanie - Pasvalys et les environs


Avertissement de difficulté: cette portion du guide de voyage n'est pas pour le voyageur exigeant la spontanéité à tout coup. Sans préparation, vous risquez fort bien de vous buter à des portes closes et à des regards peu accueillants. Et même si, comme nous, vous avez un guide et conducteur qui peut contacter tous les brasseurs à l'avance, ainsi qu'un interprète et brasseur-maison qui peut traduire des simples salutations aux détails plus techniques de brassage, des péripéties comme celles décrites ci-dessous pourraient survenir... 

Pasvalys est situé entre Pakruojis, où oeuvrent des brasseurs aux bières -- et aux histoires -- assez particulières, et Biržai, officieusement connue comme la capitale brassicole de la région, là où quelques multinationales brassent aux côtés d'artisans aux méthodes rustiques. Les brasseurs présentés ci-dessous travaillent tous soit à Pasvalys même, soit dans un village tout près.


J. Morkūno 
Photo de Jonas Morkūno lui-même, gracieuseté de Martynas Savickis

Dans un bâtiment sans inscription commerciale, aux allures de bloc à appartements, vit et travaille depuis quelques décennies Jonas Morkūno, brasseur campagnard. Il concocte une seule bière, la Morkūno Alus. Lors de notre passage en mars dernier, il nous a convaincu qu'il n'avait plus de bière à vendre ou à nous faire goûter. Qu'il avait brassé pour la dernière fois il y a quelques semaines et qu'il attendait le retour de l'été parce que les ventes étaient très calmes à l'hiver et au printemps. Pourtant, une fois revenu à Vilnius quelques jours plus tard, nous avons trouvé sa bière toute fraîche servie au Šnekutis du quartier Užupis... Cette bière portait l'insigne levurée terreuse commune aux Kaimiškas Alus (bières de la campagne lituanienne), en plus d'être sertie d'angles citronnés et herbacés, le tout dans un corps légèrement gazéifié, très facile à boire. Tellement bon qu'on ose espérer un jour déguster à grandes lampées cette bière rafraichissante lors de températures plus clémentes, près de son lieu de confection. Si Monsieur Morkūno veut bien nous en vendre, évidemment...

Joalda 

Tard le soir, dans la noirceur presque complète d'une petite rue non éclairée aux abords du village de Joniškėlis (à quelques kilomètres à l'ouest de Pasvalys), nous sommes arrivés chez ce brasseur qui, de toute évidence, produisait de la bière pour une autre clientèle que les brasseurs traditionnels de la campagne. Nous avions adoré sa Pasvaliečių Lengvas lorsque nous l'avions bue en fût à Vilnius. Une bière blonde très propre livrant des malts subtilement miellés aux connotations de foin, construisant un corps soyeux. Entre d'autres mots, une bière facile d'accès mais construite avec énormément de soin à partir d'ingrédients de qualité. Nous étions évidemment bien curieux du reste de sa production, quoique nous aurions été bien heureux de s'abreuver toute la soirée de cette Lengvas à même la source. 

Après une visite dans la zone de production, nous avons remarqué que différentes bières étaient brassées sur place, pour la consommation locale. Des bières fortes, titrant toutes au-dessus de 8% d'alcool. Notre interprète nous avoua que ces types de bière sont très populaires dans la région; certains hommes du coin disent même qu'une 'vraie bière' doit titrer au moins 8% d'alcool. Évidemment, ces bières viriles se vendent en rien de moins qu'un litre et sont parfois dans des contenants en plastique de deux(!) litres... C'est en s'attendant à une version lituanienne d'une Wildcat Strong donc que nous avons approché notre dégustation des Galutinis Tiklas, Soprano et Vulkano. Dans les trois cas, la blondeur immaculée impressionnait autant que celle de la Lengvas à 5% et les céréales étaient légèrement miellées entrelacés d'un fruité herbacé très doux. À part les pourcentages d'alcool sur les étiquettes (8,1%, 8,3% et 8,7%), rien ne semblait distinguer une bière de l'autre... Mais elles étaient toutes agréables à boire, sans aucun défaut ou note d'éthanol exagérée.

Mais pourquoi donc faire trois produits 'différents' avec les mêmes ingrédients et les mêmes saveurs?! Sachant que le gouvernement lituanien perçoit des taxes à chaque brassin selon le pourcentage d'alcool de la bière produite et que, n'ayant pas de laboratoire bien équipé, les brasseurs ne peuvent prévoir exactement quel pourcentage d'alcool les techniciens du gouvernement découvriront, il nous apparaît plausible que certains brasseurs comme Joalda, Biržų Alus et Rinkuškiai, pour ne nommer que ceux-là évoluant dans la région, produisent des étiquettes démontrant des noms et des taux d'alcool différents afin de ne pas se faire prendre en faute par le gouvernement. Ce ne serait donc pas des bières réellement différentes, mais plutôt la même bière ayant fermentée un tout petit peu plus ou un peu moins. Pour l'instant, c'est ce que vos humbles détectives de la broue tirent comme conclusion sur ce sujet.


Dvareliškiu Alus 

Voilà un autre brasseur campagnard qui nous a marqué, mais pour des raisons insoupçonnées. Blotti au fond d'un chemin boueux non sans rappeler certaines cabanes à sucre traditionnelles du Québec, cette brasserie concocte des Kaimiškas Alus, ces bières de la campagne du nord-est qui, selon ce que nous avions appris au préalable, étaient parfois non bouillies et fermentées à l'aide de souches de levures ancestrales mutées par le temps et, sûrement, le surmenage. 

Notre guide l'avait contacté à l'avance; nous étions attendus. À notre arrivée en face de la modeste brasserie, aucun signe de vie. Le silence... et quelques bouteilles de plastique, remplies, sur les dalles de béton en face de la porte d'entrée. Après quelques minutes d'attente, un homme rabougri en salopettes de travail sort d'une porte en haut de l'escalier extérieur (photographié ci-dessus) puis, sourcils froncés et d'un ton direct, nous dit une ou deux phrases de toute évidence peu accueillantes, pointant vers les bouteilles. Avec l'approbation de nos deux accompagnateurs lituaniens, nous avons finalement pu prendre ces bouteilles afin de les déguster plus tard dans la journée.

Leurs trois bières, une Šviesus (blonde), une Tamsus (brune) et une Su Medumi (au miel) étaient toutes empreintes des notes terreuses communes à ces Kaimiškas Alus, enduites de sucres miellés et d'angles minéraux, le tout dans un corps à peine gazéifié. Elles ne possédaient pas la cohésion des excellentes Jovaru Alus ou Morkūno Alus, par exemple, mais leur origine était claire: ce sont des bières de la campagne lituanienne. Rien d'autre au monde ne leur ressemblent.

Linkuvos Alus (E. Mozūro) 

Dans le hameau de Linkuva, un autre brasseur de Kaimiškas Alus s'affaire à offrir sa bière à son voisinage. Faute de temps, nous n'avons pu le visiter en personne, mais nous avons tout de même fait preuve de chance. Notre arrivée à Vilnius, la capitale, coïncidait avec la gigantesque foire artisanale Kaziuko Mugė, foire qui domine de nombreuses rues et places publiques de la ville pendant trois jours. Et un kiosque parmi les quelques centaines représentait, vous l'aurez deviné, la brasserie de M. Mozūro. Nous avons donc pu découvrir sa bière qui nous fascinait avant même de l'avoir bue. 

Elle nous fascinant tout simplement parce que nous avions entendu dire qu'il était possible que ce brasseur ne rajoute pas de levures pour fermenter sa bière... Des rumeurs couraient à l'effet que 'le mur' de sa brasserie contienne tous les micro-organismes nécessaires à la transformation fermentaire. Malheureusement, vos détectives de la broue doivent s'avouer vaincus n'ayant pu élucider ce mystère lors de ce premier voyage en Lituanie. Cependant, la piste gustative laissée par la bière de Mozūro est profonde. L'intense rusticité de son caractère fermentaire (rappelant la terre mouillée et la poussière) rendait la dégustation difficile, ce qui est chose rare dans ces contrées. Les céréales miellées et les houblons herbacés avaient beau tenter d'insuffler une personnalité accueillante à cette bière, mais... disons pour l'instant qu'elle nous rappelait vaguement le caractère de l'ouvrier rabougri rencontré chez Dvareliškiu Alus.

Raginelis

Raginelis est un autre brasseur campagnard du coin de Pasvalys brassant une bière captivante par son terroir évident. Celle-ci s'appelle la Kaimynu Sventinis. Subtile et équilibrée, elle propose des céréales miellées et bien toastées, signature des malts d'orge de Lituanie, agrémentées de délicats esters de banane et d'une touche terreuse aussi commune aux Kaimiškas Alus. Nous avons également pu découvrir sa bière grâce à la foire du Kaziuko Mugė à Vilnius. En se promenant à Pasvalys, notre guide nous a confié que ce brasseur ne voulait tout simplement pas accueillir d'étrangers. Avec les histoires que nous avions vécues et entendues depuis le début du périple, il n'y avait rien de surprenant dans cette révélation. Un autre cas à reléguer au dossier 'Second voyage d'exploration brassicole en Lituanie'...

La suite de ce guide de voyage brassicole nous amènera à Biržai, tout juste à l'est de Pasvalys. Dans cette petite ville oeuvre une multinationale, une microbrasserie d'envergure, deux autres plus modestes et des brasseurs-maison ne pouvant vendre leurs bières commercialement. Mais rien ne les empêche de nous inviter chez eux pour échanger quelques sourires, croyez-nous! 

13 juil. 2012

La St-Joachim, de la Microbrasserie des Beaux Prés, à Ste-Anne-de-Beaupré



Attablés sur la terrasse du brouepub, hypnotisés par le fleuve qui coule à quelques mètres, difficile de ne pas tomber sous le charme de la jeune Microbrasserie des Beaux Prés. Mais comment se fait-il, dites-vous, qu'une toute nouvelle brasserie produise des bières de ce calibre? La réponse est simple: Luc Boivin a un des parcours professionnels les plus étoffés de la scène brassicole québécoise. Il gagnait des concours de brasseurs maison avant même que le Québec ne connaisse sa révolution microbrassicole. Certains disent qu'il peut remonter une boîte électrique plus vite que Chuck Norris... Préparez-vous à une salve de grands crus de sa part au cours des prochaines années!

Style : Dunkler Weizenbock. Si vous préférez, une bière de blé d'inspiration allemande, forte en alcool et de couleur foncée (dunkler).

Disponibilité : Ceci est le tout premier brassin commercial de St-Joachim, alors nous espérons bien motiver Luc Boivin à en rebrasser afin d'en faire un classique de la maison. Elle est disponible en fût seulement sur place.

Le coup d’œil : Un voile de mousse s'installe pour la durée de la dégustation sur la robe acajou aux reflets marrons et pourpres.

Le parfum : Clou de girofle, confiture de fraises, bananes flambées et raisins secs se fondent les uns dans les autres, construisant un arôme d'intensité modérée.

En bouche : Un corps des plus soyeux accueille des saveurs de blé et des esters de banane aux côtés des arômes notés précédemment, déjà bien installés. La texture est riche, certes, mais n'abuse pas des sucres résiduels.

La finale : Les mêmes saveurs s'expriment, ne perdant jamais d'ampleur. Une légère amertume de houblon feuillu se fraie un chemin créant un arrière-goût complexe.

Accords : Bien que le menu du brouepub possède quelques éléments qui peuvent accompagner cette Weizenbock avec aplomb (l'assiette de 2 terrines et 2 fromages avec pain, gelée, fruits séchés et noix, entre autres), rien ne peut surclasser l'effet  de la terrasse jouxtant le fleuve. Aaaaahhh... qu'il fait bon s'y perdre en pensées!

Pourquoi est-ce un grand cru? : L'équilibre et l'expression claire de chaque saveur et de chaque ingrédient impressionne grandement. Cette Weizenbock est un tantinet plus sucrée que la Aventinus de Schneider (demandez-la à la SAQ) et elle est moins effervescente puisque servie d'un fût, mais elle nous apparaît aussi bien construite et savoureuse.

Si vous avez aimé, essayez aussi : La DumDuminator, de Brasseurs du Temps (à Gatineau), la Weizenbock, des Trois Mousquetaires (version plus liquoreuse, de Brossard) et la Dubbel Reserve, d'Allagash (une double d'inspiration belge, de Portland, au Maine, munie de similaires notes de clou de girofle et de malts subtilement fruités).