Comme nous l’avons indiqué précédemment, le prochain guide brassicole traitera de la Belgique. Il y a fort à dire sur ce pays dont la superficie limitée n’a aucune commune mesure avec l’immense influence de son héritage brassicole sur les microbrasseries modernes. C’est particulièrement vrai au Québec où plus qu’ailleurs, des pionniers comme Unibroue et Charlevoix ont suivi davantage les sentiers battus par la Belgique que ceux des contrées britanniques et germaniques. Nous aurons l’occasion de discuter plus en profondeur de la scène brassicole de Belgique, mais un des aspects qui la distingue de presque toutes les autres est la survie de la plus naturelle des bières : le lambic. Le moût des exemples les plus authentiques est ensemencé uniquement par des ferments sauvages. Voilà un vestige d’une autre époque qui jouit présentement d’un regain d’intérêt dans la manne de la révolution microbrassicole. La variante de lambic la plus célébrée et répandue est la Gueuze, un assemblage de lambics d’âges variés qu’on désigne souvent comme champagne de la bière.
Les Coureurs des Boires ont récemment invité quelques amis pour prendre part à une dégustation de Gueuzes et produits semblables à l’aveugle. Lors de ce longuet après-midi, nos papilles ont vécu les hauts et les bas de l’acidité à travers 18 produits, presque tous belges. Pour plus de variété et surtout de surprise, nous avons aussi intégré des intrus sauvages du Danemark, des États-Unis et même une bière-maison d’un des participants.
Pour les curieux, le service a été effectué par un des participants. Ce dernier séparait les bouteilles de 750 ml (ou 2X 375 ml) en 9, soit le nombre de victimes. Tout ce beau monde buvait dans un verre de format INAO et devait remplir une fiche de dégustation semblable à la fiche des résultats ci-dessous. Inutile de le préciser, la dégustation s’est étirée sur plusieurs heures.
Voici les résultats :
Au niveau de l’interprétation, il y a certes un je ne sais quoi de réconfortant à voir que la Girardin Black Label ait triomphé alors que nous la vous recommandions chaudement il y a quelques jours ! Elle l’emporte au total, mais aussi dans toutes les catégories, quoique la course soit fort serrée dans le peloton de tête. Fait intéressant, la même Girardin, dans sa version six ans plus vieille (conservée dans un cellier) a fait figure beaucoup moins honorable, finissant en milieu de classe. Ce constat en a surpris plus d’un. En effet, la Gueuze jouit d’une réputation inégalée quant à son potentiel de vieillissement. Un échantillon ne suffit toutefois pas à tirer des conclusions générales.
Une agréable surprise est la Russian River Temptation qui termine en deuxième position. Ce classique moderne se démarquait des Gueuzes traditionnelles par son accent plus marqué sur les Brettanomyces de même que son caractère céréalier plus défini et peut-être surtout par son corps à la fois plus arrondi et plus aérien, ses grosses bulles s’approchant de la rusticité d’une Saison plus que de la finesse d’une Gueuze. Dans la colonne de l’authenticité, qui n’était pas considérée dans l’établissement du score total, cette Russian River a moins bien performé, plusieurs participants l’ayant même identifiée.
La troisième place sur le podium a finalement été partagée par deux grands produits : Tilquin vieille Gueuze à l’ancienne et Cantillon St-Gilloise, tous deux aux antipodes. En effet, Tilquin est le nouveau venu du monde du lambic, existant depuis moins d’un an et le premier nouvel assembleur des dernières années. Déjà, cette étoile montante livre une Gueuze capable de rivaliser avec les plus grandes. Au chapitre de l’authenticité, elle était même sur un pied d’égalité avec la grande championne qu’est la Girardin. De son côté, la Cantillon St-Gilloise faisait aussi office d’imposture. En effet, si le lambic traditionnel est conçu de manière à n’afficher aucun arôme de houblon, la St-Gilloise est au contraire houblonnée à froid (une technique maximisant l’impact aromatique) avec le cultivar allemand Hallertau. Comme la Russian River, c’est un produit que plusieurs dégustateurs ont identifié et son houblon lui a coûté de nombreux points en ce qui a trait à l’authenticité.
Vous vous demandez ce qui est advenu de la bière maison ? Elle a terminé sa course en milieu de peloton, s’étant, à la manière d’une Russian River, démarquée par son emphase accrue sur les Brettanomyces et ayant du coup perdu quelques points d’authenticité. Il s’agissait sans doute de l’aubaine du lot !
En fond de cave, nous retrouvons 3 produits qui n’étaient pas dans leur assiette ou pas à leur place dans une dégustation à l’aveugle. La grande perdante, la 3 Fonteinen Straffe Winter avait l’air d’avoir plus de 10 ans malgré son jeune âge. Sous son papier d’aluminium, le bouchon de liège était complètement en ruines, ressemblant davantage à de la terre qu’à du liège. La bière en-dessous était malheureusement hautement éventée.
Sa rivale pour la dernière place était l’étonnante Vandenstocke, une relique dénichée au Musée de la Bière Belge de Lustin, près de Namur. Vandenstocke est le nom de famille d’un producteur de lambics défunt ayant depuis été acheté pour aboutir dans le portfolio d’Inbev sous la marque Belle-Vue. Personne n’a trouvé cette Gueuze réellement bonne, mais tous l’ont trouvé fort intéressante pour une bouteille âgé d’un vénérable 30 ans !
La Hanssens 2004 avait sans doute connu de meilleurs jours. À l’âge de sept ans, elle avait développé un côté vinaigré hors style, ce que plusieurs ont peu apprécié. Au chapitre de l’intensité, elle a terminé en deuxième place, l’acide acétique étant moins doux que l’acide lactique typique de la Gueuze.
La Timmermans Oude Gueuze, une nouvelle venue relative de ce brasseur mieux connu pour ses soi-disant lambics aux fruits industriels, a étonnamment remporté la palme de l’intensité. L’effort d’authenticité de Timmermans était louable, mais le produit est axé exagérément vers l’acidité citrique et comporte peu de profondeur. On croirait boire du jus de citron.
Malheureusement, quelques absents de marque auraient pu chambarder le palmarès de cette dégustation. Des produits comme la Lindemans Cuvée René Gueuze et la Cantillon Gueuze Bio font souvent bonne impression, sans oublier les cuvées spéciales de 3 Fonteinen. N’empêche, après 18 gueuzes, tous étaient contents de prendre une pause d’acidité.
Et vous, quelle est votre gueuze favorite ?
Les Coureurs des Boires ont récemment invité quelques amis pour prendre part à une dégustation de Gueuzes et produits semblables à l’aveugle. Lors de ce longuet après-midi, nos papilles ont vécu les hauts et les bas de l’acidité à travers 18 produits, presque tous belges. Pour plus de variété et surtout de surprise, nous avons aussi intégré des intrus sauvages du Danemark, des États-Unis et même une bière-maison d’un des participants.
Pour les curieux, le service a été effectué par un des participants. Ce dernier séparait les bouteilles de 750 ml (ou 2X 375 ml) en 9, soit le nombre de victimes. Tout ce beau monde buvait dans un verre de format INAO et devait remplir une fiche de dégustation semblable à la fiche des résultats ci-dessous. Inutile de le préciser, la dégustation s’est étirée sur plusieurs heures.
Voici les résultats :
Ordre de service | Identité | Arôme (/10) | Apparence (/5) | Goût (/10) | Texture (/5) | Appréciation (/20) | Total (/50) | Équilibre (/10) | Intensité (/10) | Authenticité (/10) | Écart-type du total (/10) |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
12 | Girardin Black Label 2009 | 9 | 5 | 9 | 5 | 18 | 45 | 9 | 8 | 9 | 2,4 |
7 | Russian River Temptation | 9 | 5 | 8 | 4 | 17 | 43 | 9 | 7 | 6 | 1,7 |
5 | Cantillon St-Gilloise | 8 | 5 | 8 | 4 | 17 | 42 | 8 | 8 | 5 | 2,0 |
2 | Tilquin Oude Gueuze | 8 | 4 | 8 | 4 | 17 | 42 | 8 | 8 | 9 | 1,8 |
11 | Boon Oude Geuze | 7 | 4 | 8 | 4 | 16 | 39 | 8 | 7 | 8 | 3,3 |
3 | Cantillon Lou Pepe Gueuze 2006 | 7 | 4 | 8 | 4 | 16 | 38 | 8 | 7 | 8 | 3,3 |
16 | De Cam Oude Lambiek | 7 | 4 | 7 | 4 | 16 | 38 | 8 | 7 | 8 | 2,8 |
10 | 3 Fonteinen Oude Gueuze | 7 | 4 | 8 | 4 | 16 | 38 | 8 | 7 | 8 | 2,5 |
1 | Horal’s Mega Blend | 7 | 4 | 7 | 3 | 15 | 36 | 7 | 7 | 7 | 2,8 |
4 | Girardin Black Label 2004 | 7 | 4 | 7 | 3 | 15 | 36 | 7 | 7 | 6 | 1,9 |
15 | Bière sure maison | 7 | 4 | 7 | 3 | 14 | 35 | 7 | 7 | 6 | 2,0 |
17 | Mikkeller Spontanale | 7 | 5 | 7 | 3 | 14 | 35 | 7 | 6 | 6 | 2,8 |
13 | Boon Mariage Parfait Geuze | 7 | 3 | 7 | 3 | 14 | 34 | 6 | 7 | 7 | 2,3 |
18 | Cantillon Bruocsella | 6 | 3 | 7 | 3 | 13 | 32 | 6 | 6 | 7 | 3,5 |
14 | Timmermans Oude Gueuze | 6 | 3 | 6 | 3 | 12 | 30 | 4 | 10 | 5 | 4,5 |
6 | Hanssens 2004 | 5 | 3 | 5 | 3 | 11 | 27 | 4 | 9 | 4 | 3,7 |
9 | Vandenstocke 1981 | 5 | 2 | 5 | 2 | 9 | 23 | 4 | 5 | 3 | 4,2 |
8 | 3 Fonteinen Straffe Winter | 4 | 2 | 4 | 2 | 7 | 18 | 4 | 5 | 3 | 4,8 |
Au niveau de l’interprétation, il y a certes un je ne sais quoi de réconfortant à voir que la Girardin Black Label ait triomphé alors que nous la vous recommandions chaudement il y a quelques jours ! Elle l’emporte au total, mais aussi dans toutes les catégories, quoique la course soit fort serrée dans le peloton de tête. Fait intéressant, la même Girardin, dans sa version six ans plus vieille (conservée dans un cellier) a fait figure beaucoup moins honorable, finissant en milieu de classe. Ce constat en a surpris plus d’un. En effet, la Gueuze jouit d’une réputation inégalée quant à son potentiel de vieillissement. Un échantillon ne suffit toutefois pas à tirer des conclusions générales.
Une agréable surprise est la Russian River Temptation qui termine en deuxième position. Ce classique moderne se démarquait des Gueuzes traditionnelles par son accent plus marqué sur les Brettanomyces de même que son caractère céréalier plus défini et peut-être surtout par son corps à la fois plus arrondi et plus aérien, ses grosses bulles s’approchant de la rusticité d’une Saison plus que de la finesse d’une Gueuze. Dans la colonne de l’authenticité, qui n’était pas considérée dans l’établissement du score total, cette Russian River a moins bien performé, plusieurs participants l’ayant même identifiée.
La troisième place sur le podium a finalement été partagée par deux grands produits : Tilquin vieille Gueuze à l’ancienne et Cantillon St-Gilloise, tous deux aux antipodes. En effet, Tilquin est le nouveau venu du monde du lambic, existant depuis moins d’un an et le premier nouvel assembleur des dernières années. Déjà, cette étoile montante livre une Gueuze capable de rivaliser avec les plus grandes. Au chapitre de l’authenticité, elle était même sur un pied d’égalité avec la grande championne qu’est la Girardin. De son côté, la Cantillon St-Gilloise faisait aussi office d’imposture. En effet, si le lambic traditionnel est conçu de manière à n’afficher aucun arôme de houblon, la St-Gilloise est au contraire houblonnée à froid (une technique maximisant l’impact aromatique) avec le cultivar allemand Hallertau. Comme la Russian River, c’est un produit que plusieurs dégustateurs ont identifié et son houblon lui a coûté de nombreux points en ce qui a trait à l’authenticité.
Vous vous demandez ce qui est advenu de la bière maison ? Elle a terminé sa course en milieu de peloton, s’étant, à la manière d’une Russian River, démarquée par son emphase accrue sur les Brettanomyces et ayant du coup perdu quelques points d’authenticité. Il s’agissait sans doute de l’aubaine du lot !
En fond de cave, nous retrouvons 3 produits qui n’étaient pas dans leur assiette ou pas à leur place dans une dégustation à l’aveugle. La grande perdante, la 3 Fonteinen Straffe Winter avait l’air d’avoir plus de 10 ans malgré son jeune âge. Sous son papier d’aluminium, le bouchon de liège était complètement en ruines, ressemblant davantage à de la terre qu’à du liège. La bière en-dessous était malheureusement hautement éventée.
Sa rivale pour la dernière place était l’étonnante Vandenstocke, une relique dénichée au Musée de la Bière Belge de Lustin, près de Namur. Vandenstocke est le nom de famille d’un producteur de lambics défunt ayant depuis été acheté pour aboutir dans le portfolio d’Inbev sous la marque Belle-Vue. Personne n’a trouvé cette Gueuze réellement bonne, mais tous l’ont trouvé fort intéressante pour une bouteille âgé d’un vénérable 30 ans !
La Hanssens 2004 avait sans doute connu de meilleurs jours. À l’âge de sept ans, elle avait développé un côté vinaigré hors style, ce que plusieurs ont peu apprécié. Au chapitre de l’intensité, elle a terminé en deuxième place, l’acide acétique étant moins doux que l’acide lactique typique de la Gueuze.
La Timmermans Oude Gueuze, une nouvelle venue relative de ce brasseur mieux connu pour ses soi-disant lambics aux fruits industriels, a étonnamment remporté la palme de l’intensité. L’effort d’authenticité de Timmermans était louable, mais le produit est axé exagérément vers l’acidité citrique et comporte peu de profondeur. On croirait boire du jus de citron.
Malheureusement, quelques absents de marque auraient pu chambarder le palmarès de cette dégustation. Des produits comme la Lindemans Cuvée René Gueuze et la Cantillon Gueuze Bio font souvent bonne impression, sans oublier les cuvées spéciales de 3 Fonteinen. N’empêche, après 18 gueuzes, tous étaient contents de prendre une pause d’acidité.
Et vous, quelle est votre gueuze favorite ?
2 commentaires:
Quand est-ce qu'il y aura des Gueuze de disponible au Québec ? Est-ce que ca fait partis de votre mission de faire évoluer le marché des importations de la SAQ ? Et surtout ne me donnez pas la réponse de la SAQ svp... : -"Sachez monsieur que tout le monde peux importer des produits s'il le désire." Sans oublier les taxes incroyables de la SAQ sur ces produits...
De belles questions. Pour ce qui est de la disponibilité, il existe quand même quelques établissements qui en proposent une sélection intéressante, mais en consommation sur place. A priori, l'amélioration de l'offre de la SAQ ne fait pas partie de notre mission. Si un projet intéressant nous était offert, nous pourrions nous impliquer, mais nous préférons investir nos efforts à l'éducation et à la promotion du voyage plutôt qu'à tenter de faire changer des institutions politisées et lourdes.
Nous contribuons tout de même avec Importations Privées bièropholie, qui offre, bon an mal an, au moins 5 gueuzes dignes d'intérêt (via la SAQ, évidemment!).
Pour ce qui est des marges prises par la SAQ, elles ne me scandalisent pas personnellement. La SAQ parvient tout de même à vendre ses quelques bières à des prix nettement inférieurs à ceux qu'on observe aux États-Unis. Un peu plus cher qu'à la LCBO, peut-être, et évidemment beaucoup plus cher que dans les pays d'origine, mais je ne vois pas d'un oeil positif une SAQ qui offre 1000 bières à bas prix et pousse à la faillite les microbrasseries d'ici. De toute façon, ce n'est qu'une minorité des bières étrangères qui survit bien à un voyage en bateau de plusieurs mois. Vraiment, on a tout à gagner à les découvrir sur place, avec le contexte qui vient en prime.
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