La région du Pajottenland, une dizaine de kilomètres à l’ouest de Bruxelles, s’étire sur tout juste une trentaine de kilomètres. Néanmoins, c’est de cette contrée rurale qu’origine la légende vivante (c'est le cas de le dire!) du Lambic, cette bière de fermentation spontanée qui a passé proche de l’extinction, mais qui s’avère finalement extrêmement influente auprès des microbrasseries les plus créatives de l’heure.
Qu’est-ce qui distingue le Lambic traditionnel des bières que produisent les microbrasseries de notre cour? L’élément le plus distinctif est sans doute la patience. La fermentation spontanée implique l’absence de l’ajout de levure au moût par le brasseur. On compte plutôt sur les ferments sauvages présents dans l’environnement de la brasserie. Ceux-ci voguent dans l’air ambiant, mais s’abrite aussi dans les surfaces poreuses comme le bois, se laissent transporter par les poussières, voyagent avec les moustiques… Ne soyez pas surpris si vous voyez des toiles d’araignées lorsque vous visitez un brasseur de lambic : un ménage trop agressif diminuerait la qualité du terroir de la maison. Nous disions donc que des bactéries et levures sauvages sont responsables de la fermentation du Lambic. Ces organismes travaillent toutefois nettement plus lentement que les levures cultivées modernes. Surtout, ces organismes travaillent de façon beaucoup moins prévisible, ce qui justifie que les Lambics, tant sous leur déclinaison Gueuze que Lambic ou Lambic au Fruit, commercialisés résultent presque immanquablement d’un assemblage. Pour clarifier le processus, en voici un résumé :
- Brassage du Lambic
a) Ingrédients : 30% à 40% de blé non malté, comme la bière blanche belge (Witbier), le reste des grains étant un malt de base, plus souvent qu’autrement de type Pilsner. Le houblon est utilisé généreusement, mais il est suranné, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un houblon volontairement vieilli (de 3 à 4 ans) pour lui faire perdre ses propriétés aromatiques et amérisantes, mais conserver ses propriétés d’agent naturel de conservation.
b) Ébullition : Si une bière régulière est bouillie durant 1h à 1h30, le lambic est bouilli 3 à 4h. Le temps supplémentaire ne le rend pas plus stérile, mais diminue grandement le volume d’eau et concentre les sucres, une distinction sans laquelle le lambic serait autrement plus faible en alcool que sa déjà modeste teneur moyenne de 5%.
c) Koelship / Bac refroidisseur : Les brasseurs modernes accordent beaucoup d’importance au refroidissement rapide du moût et mise sur une technologie efficace de transfert de chaleur. Ce luxe n’a pas toujours été disponible. Traditionnellement à l’étage supérieur de la brasserie, le Koelship est une large cuve peu profonde dans laquelle le moût préalablement bouilli est transféré pour y passer la nuit, en saison froide, seule période où le lambic traditionnel est brassé. La surface de contact avec l’air est très grande, ce qui accélère le refroidissement.
d) Fécondation : Alors que la température du moût chute du point d’ébullition à une température d’environ 20°C, les ferments sauvages des lieux s’y immiscent. La littérature juge que le phénomène commence lorsque la température atteint 40°C. Des douzaines d’organismes différents sont impliqués dans cette chimie complexe, mais on juge que ceux qui ont l’impact le plus important sont les levures sauvages Brettanomyces Lambicus, Brettanomyces Bruxellensis, les bactéries lactiques Lactobacilles et Pediococcus ainsi que les bactéries acétiques Enterobacter et Acetobacter.
e) Fermentation : Traditionnellement, le moût était transféré dans diverses barriques de chêne, chacune contenant aussi sa propre flore de ferments sauvages accumulés. La fermentation se poursuivait dans une succession de phénomène chimique pouvant s’étaler sur 3 ans. Pour juger de l’évolution, il fallait goûter. De nos jours, des cuves d’acier inoxydable sont souvent employées pour augmenter le contrôle et les brasseurs moins classiques accélèrent la chimie à grands coups d’enzymes.
f) Finition : Le brasseur choisit progressivement le destin de chaque barrique. Un baril particulièrement fin peut éventuellement être servi comme lambic nature, jonge s’il est peu âgé (environ 1 an) ou oude s’il a plus de 2 ans. Des fruits seront ajoutés et macéreront avec les barriques destinées à produire du Lambic au fruit (Kriek, Framboise, etc.). Des assemblages seront réalisés entre des Lambics jeunes et vieux et embouteillé pour créer la Gueuze.
Lors de notre prochain article, nous poursuivrons l'exploration du Pajottenland en découvrant rapidement ce qui distingue les principaux producteurs de Lambic et nous nous pencherons sur les meilleurs endroits où les déguster.
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