Le Nord-Ouest du Pacifique… Les arbres de 100 mètres, les étés confortables, les vignobles de qualité, les plages à perte de vue, les innombrables pics de plus d’un kilomètre. Il fait bon séjourner en cette région. Il ferait peut-être même bon y vivre, si ce n’était de la saison des pluies qui correspond grosso modo à l’hiver québécois. Peut-être nous plaignons-nous le ventre plein.
Vancouver
Notre paragraphe de tourisme 101 étant maintenant complété, passons aux choses sérieuses. Ou dans le langage du Nord-Ouest du Pacifique, passons aux choses houblonnées. En effet, c’est dans les vallées des fleuves Willamette (Oregon), et surtout Yakima (Washington) que poussent l’écrasante majorité des houblons cultivés en Amérique du Nord. Quand il est question des « C-hops » comme le Cascade et autres cultivars américains célèbres, c’est dans le Nord-Ouest du Pacifique que ça se passe.
Photo: David Gingras
Ça s’y passe tellement que s’il est presque impensable pour un brouepub québécois de ne pas tenir une « blonde d’entrée de gamme », il n’est pas plus envisageable pour une brasserie du Nord-Ouest du Pacifique de ne pas proposer une IPA dans sa gamme de produits réguliers. C’est la « go-to beer » d’une majorité d’amateurs. Ceci dit, ce n’est pas la région d’une seule bière. Les trois juridictions que nous incluons dans ce guide de voyage, soit la Colombie-Britannique, Washington et l’Oregon renferment plus ou moins 300 brasseries. Oui oui, autant de brasseries que le Canada entier pour moins de la moitié de la population. Avec un tel bassin d’artisans, il est évident qu’on trouve au moins un peu de tout : des lagers aux bières sures ou sauvages, de l’Imperial Stout vieillie en fût de bourbon à la Bitter anglaise. Certaines brasseries plus éclectiques se spécialisent dans un créneau spécifique puisque ce marché particulier le permet, mais la plupart tendent à offrir une gamme plutôt variée. Conséquemment, la brasserie moyenne est probablement un brouepub offrant au moins une Pale Ale américaine, une IPA, un Stout, un Imperial Stout, un Barley Wine, une Blonde un peu plus subtile comme une Kölsch, une Pale Ale caramélisée et plus houblonnée que la moyenne ainsi qu’une Brown Ale similairement plus houblonnée que la norme.
Vue à partir de la terrasse de Pelican Brewing, à Pacific City (Oregon)
Existe-t-il donc des styles indigènes à cette région? Pas vraiment, mais passons quand même quelques lignes à discourir du représentant ultime de l’héritage brassicole du Nord-Ouest du Pacifique qu’est la « West Coast IPA ». L’India Pale Ale typique de la Côte Ouest se distingue en effet d’une majorité des exemples que l’on retrouve au Québec et, dans une moindre mesure, des États orientaux de nos voisins du sud. En effet, en se basant sur les nombreux exemples d’IPA brassés au Québec, on peut s’attendre à ce que l’India Pale Ale arbore systématiquement une teinte rousse découlant souvent de malts caramel foncés qui laissent un gros baiser sucré de sucres résiduels que les levures ne sont pas parvenues à transformer. Il en résulte des notes sucrées de caramel rondelet, voire de noisettes, parfois un tantinet visqueuses. On dit souvent que celles-ci permettent d’équilibrer la franche attaque de houblon et son amertume percutante. On dit encore que ces malts ayant une présence plus forte confèrent de la texture à une bière qui serait autrement plutôt mince en bouche. Ces opinions sont aussi valables que la nôtre, mais puisque nous sommes ici pour discuter des goûts, aussi bien le faire!
Il nous apparaît audacieux de poursuivre la tâche titanesque de la recherche de l’équilibre à coup de malt dans une IPA. Ces bières sont presque déséquilibrées par définition. L’esprit américain qui leur a donné naissance est tout sauf favorable aux compromis. Au-delà de l’évolution historique, l’objectif est surtout de mettre en valeur les vertus des très aromatiques cultivars de houblon américains. Fleurs, agrumes, conifère… si ces familles de parfums vous plaisent, les IPA du Nord-Ouest du Pacifique vous les offrent sans artifices maltés. Bien souvent, on n’a que du malt pâle de base et une débandade, une quantité industrielle, un véritable dégât de houblon frais, tout près de sa source, employé particulièrement en houblonnage à froid. Il en résulte des bières qui ne sont pas nécessairement plus amères que leurs émules québécois, mais dont la base maltée moindre peut les faire paraître plus mordantes. Là où toutefois peu de brasseries québécoises (Benelux, Dunham et plus récemment Pit Caribou et Le Castor constituant les plus évidentes exceptions) parviennent à se rendre, c’est sur l’intensité aromatique que dégagent ces bombes de fraîcheur. C’est simple, si nous étions suffisamment coquets pour porter du parfum, nous opterions plus le « West Coast Breeze » sans hésiter.
L'excellente Bhagwan's IPA, de Big Time, à Seattle
Pour ce séjour dans l’Ouest, véritable ruée vers l’or vert, nous suggérons un trajet nord-sud en commençant par la Colombie-Britannique dès notre prochain billet. On s'y voit sous peu, pinte d'India Pale Ale à la main!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire