Encore une fois, Bières et Saveurs nous offrira, la fin de semaine prochaine, l’un des meilleurs éventails de grands crus québécois de l’année. Jetez un coup d’oeil à notre section Fiches grands crus pour nos plus récentes suggestions.
En parallèle, Bières et Saveurs récidive avec son kiosque de bières importées, piloté par des bénévoles d’Importations Privées Bièropholie qui sont toujours à même de prodiguer des conseils de qualité. Vous vous demandez ce qu’ils offriront cette année ? Eh bien voici !
Cantillon St-Lamvinus
Sans conteste, voici LA bière que vous devez faire essayer à vos accompagnateurs qui n’en ont que pour le vin. Ils y retrouveront les flaveurs de raisins et tannins afférents qu’ils adorent, cette Cantillon ayant vieillie en unissons avec des cépages de Bordeaux à l’intérieur d’un fût de chêne provenant d’un vigneron de Bordeaux. L’acidité tant malique que lactique rejoindra tant l’amateur de Gueuze que celui de vin rouge. Non seulement elle est excellente en soi, cette bière constituera aussi une merveilleuse option pour régénérer les papilles fatiguées du festivalier moyen.
Brooklyn Local One
Une nouveauté au kiosque des importations cette année, cette Triple du Nouveau Monde s’avère très bien réussie, plus en houblon que la norme, mais plus qu’honnête dans ses craquants malts pâles et son caractère fermentaire intelligemment fruité. Heureusement que le festival ne nous offre que des échantillons parce qu’il serait facile de se laisser emporter et d’en consommer beaucoup sans tenir compte de son contenu d’alcool élevé.
Amager Galanthus Nivalis
Seules 1600 bouteilles de ce Barley Wine danois exclusif, ayant été vieilli dans des fûts ayant préalablement contenu du porto, ont été produites. Imaginez la chance de pouvoir y goûter à Chambly. Sans surprise, c’est dans le registre des fruits foncés, du chêne, du caramel et de l’alcool que cette rareté fait ses marques. Les amateurs de porto et de bières digestives auront avantage à ne pas manquer. Notez qu’il s’agit ici de restants de l’an dernier. Heureusement, cette bière possède tous les attributs (alcool et sucres résiduels abondants, effervescence peu importante, fraîcheur minimale, robe plutôt foncée, etc.) pour résister au test des années. Faites vite, il ne reste, nous dit-on, moins de 10 bouteilles !
Traquair Jacobite
Un grand classique que cette Écossaise à l’arôme d’une complexité monumentale. Véritable dessert liquide (pouding, gâteau au chocolat, fruits confits…) parfumé d’une touche de coriandre qui y trouve son compte. Sensuelle et fruitée, un deuxième échantillon s’avérera sans doute nécessaire pour y percer ne serait-ce que la moitié de ses mystères. Il existe bien peu de comparables, mais si le mariage inusité entre une Dieu du Ciel Solstice d’Hiver, une Dominus Vobiscum Hibernus de Charlevoix et une coupe de chocolat grand cru de Juliette et Chocolat représente pour vous un fantasme, visez ici l’orgasme.
Brooklyn Monster Ale
Le grand digestif de la maison Brooklyn regorge de profondes flaveurs sucrées : source inépuisable de caramel aux intonations bien biscuitées, il s’appuie sur une charpente bien huileuse, mais sans être excessivement épaisse ni collante. Un panier de fruits s’échappe de ses soubassements tout en malt et même si les houblons sont bien présents, ils demeurent humblement à l’arrière-plan. Peut-être pas la bière idéale pour commencer la journée, mais si le début de soirée s’avère le moindrement frisquet, voilà une complice qui saura vous réchauffer l’âme.
Uerige Doppel Sticke
Vous connaissez probablement la Doppelbock, cette bock plus grande que nature ? Sachez que la même remouture existe aussi chez l’Altbier, la réponse de l’Allemagne à la Pale Ale anglaise, dont la Sticke est déjà une version légèrement plus forte. En somme, d’une Doppel Sticke, il faut s’attendre plus ou moins au barley wine de l’Allemagne – la grâce des céréales et houblons d’Allemagne, mais avec une levure sachant se faire discrète et laissant les ingrédients de base prendre un maximum de place plutôt que de les substituer par un caractère fermentaire exagérément fruité ou épicé. Et comme il est ici question de la brasserie Uerige, le houblon est utilisé généreusement, pour notre plus grand plaisir considérant son héritage noble.
Andechs Doppelbock Dunkel
Une des plus merveilleuses odes au malt munich au monde, cette délicieuse Doppelbock presque introuvable en Amérique du Nord déploie un caractère de pain grillé incomparable. Des houblons feuillus subtils assèchent timidement ce toast à peine caramélisé, mais abondamment pourvu de nuances de noisettes et de céréales. Les amateurs de malt doivent impérativement se laisser tenter par cette superbe opportunité.
Rogue Double Dead Guy
Vous connaissez peut-être la Dead Guy de Rogue que nous avons eu la chance de croiser sur les tablettes de la SAQ ? Voici une version survoltée de cet hybride entre une Maibock et une India Pale Ale américaine – plus intense à tout point de vue. C’est donc dire qu’elle est plus miellée, plus biscuitée, plus florale et plus amère.
Rogue Mom Hefeweizen
La toujours très créative brasserie Rogue récidive dans le domaine de l’hybride avec cette blanche aux levures de Weizen, mais épicée telle une Witbier. Les amateurs de bière de blé bien ronde et céréalière feraient probablement mieux de chercher ailleurs, nous avons ici affaire à une bière croustillante, plutôt mince et d’une facilité déconcertante à boire, des traits de personnalité amplifiés par un houblon Saaz épicé à souhait et de rafraîchissantes notes de gingembre.
Traquair House Ale
Un festival de malts tout écossais vous attend chez cette spécialité de la maison vaquant entre le plum pudding et le massepain sans nous écoeurer de ses sucres, peut-être à cause de ses soupçons d’acidité et de tourbe. Fruitée et chocolatée à souhait, son alcool demeure mitigé. Les amoureux de Scotch Ale, Barley Wine anglais et autres Old Ale y découvriront une nouvelle flamme.
Het Anker Gouden Carolus Grand Cru de l’Empereur
Bien que peu subtile, cette ale belge cochonne comme on les aime nous étouffe de sa décadente complexité. C’est simple, pensez à un fruit ou une nuance maltée, concentrez-vous et vous avez toutes les chances de l’y retrouver dans cette bière digestive. Une proie de choix pour les fervents de Trois-Pistoles et Rigor Mortis ABT.
De Dolle Stille Nacht
Cette bière de Noël belge des De Dolle Brouwers, les brasseurs fous, ne recherche pas non plus la subtilité. Sa ribambelle de fruits, son alcool assumé et sa complexité indéniable nous font immanquablement penser à un Barley Wine anglais sertie d’une puissante levure caractérielle. Il faut disposer d’une bonne tolérance au sucre toutefois, surtout si vous enchaînez avec la Gouden Carolus ci-dessus.
Malheur Bière Brut Réserve
Imaginez une Saison extra forte dont la levure sait se comporter en public. Une effervescence champagnesque soutient les malts aux notes de foin et un fruité tant posé que complexe. Florale et abondamment amère, elle évolue rapidement vers une sécheresse presque rafraîchissante. Les chanceux ayant goûté à la Brut de Charlevoix resteront béats devant cette spectaculaire offrande de De Landtsheer. Les amateurs d’Avec les Bons Vœux de Dupont seront aussi en mesure de collecter leur moment de bonheur.
Port Brewing Old Viscosity
Cette inclassable flirte avec le Barley Wine et l’Imperial Stout, si bien que ses malts sont d’une redoutable complexité, jouant dans le royaume du rôti/chocolat ainsi que dans les douceurs caramélisées. La vaste gamme de nuances fruitées apporte une profondeur captivante alors que les houblons américains abondants laissent toutefois la vedette aux céréales.
Lost Abbey Devotion
Nous vous pardonnerions facilement de méprendre cette ale américaine comme sortie tout droit de Belgique. Rafraîchissante blonde délicatement levurée et élégamment houblonnée, l’épice de la bière lui procurant de charmants tannins en accompagnement à ces notes florales et terreuses. Tout zélateur des blondes de Charlevoix saura s’y plaire.
Cantillon Kriek
Une autre qui ne fait pas de quartier, la Kriek de Cantillon se distingue par son acidité décapante, sciant pratiquement la langue en deux. Franche et directe, elle se montre tannique, d’une sécheresse remarquable et généreuses de ses notes de griottes, de bois et d’acide lactique. Pour les sourheads.
Rochefort 10
Encore un grand classique! La bière la plus forte de la gamme Rochefort trône tout en haut de la liste des favorites de plusieurs amateurs. Cette brune belge presque noire se montre étonnamment rôtie, rappelant le cacao en plus de toutes sortes de nuances vanillées, boisées, fruitées. Le haut degré d’alcool s’intègre agréablement à l’ensemble et la texture est incomparablement ronde, soyeuse, sensuelle dont l’effervescence vigoureuse allége les sucres tout en donnant l’impression trompeuse de caresser la langue. Laissez tomber les comparables et commandez-vous un verre !
29 août 2012
20 août 2012
Mieux déguster les boires
On nous demande souvent si nous avons des trucs afin de parfaire nos talents de dégustateur. Nous pourrions tergiverser longtemps à ce sujet, en faisant appel notamment à des qualités comme la curiosité intellectuelle, l’humilité et l’ouverture d’esprit. Ces considérations philosophiques paraîtront toutefois insuffisantes à nos lecteurs qui apprécient davantage une bonne dose de pragmatisme et qui ne demandent qu’à mettre les mains à la pâte… ou dans ce cas-ci, le nez dans le verre. Depuis quelque temps déjà, Siebel Institute of Technology offre au grand public un ensemble de fioles permettant de reproduire certains des arômes les plus caractéristiques du monde brassicole. Précisons que Siebel est une organisation qui, entre autres activités, a formé nombre de brasseurs du Québec et d’ailleurs. Pensons à Alexandre Groulx (Trèfle Noir) ou à Dominic Charbonneau (Brasseurs du Monde). Cette vénérable institution permet donc maintenant aux amateurs de s’entraîner à identifier moult arômes agréables ou non et ainsi de se transformer en véritables professionnels le temps d’une session de dégustation.
Vingt-quatre fioles offrant des molécules aromatiques responsables d’arômes comme l’acétaldéhyde (pomme verte), le diacétyle (beurre, caramel écossais) ou encore l’acide acétique (vinaigre) sont disponibles. Simplement, on mélange le contenu d’une fiole à l’intérieur de trois bières de format standard et relativement neutres. Profitez-en, nous ne vous recommanderons pas souvent de vous acheter de la bière légère à la caisse de 24! Heureusement peut-être, l’intérêt de l’exercice se trouve davantage au niveau olfactif que dans la bouche. Lorsque ces flaveurs se retrouvent dans une bière, on devrait effectivement les percevoir avant même que le liquide ne franchisse nos lèvres. Se pratiquer à déguster est ainsi surtout se pratiquer à sentir. Malheureusement, les fioles ne sont pas gratuites à 190$ pour le kit de 24, mais puisque chaque fiole est plutôt concentrée, le coût peut facilement être amorti parmi une dizaine d’amis pourvus d’une bonne dose d’ouverture d’esprit.
Pour plus d’information sur le Sensory Training Kit de Siebel, suivez le lien : http://www.siebelinstitute.com/products-a-books/sensory-training-kits?page=shop.product_details&flypage=flypage.tpl&product_id=18&category_id=6
Alternativement, ceux qui préfèrent expérimenter sans dépenser une somme significative peuvent quand même obtenir des arômes de base en utilisant un peu d’imagination. Ainsi, on pourrait insuffler à une bière relativement neutre un grand trait d’oxydation en la laissant croupir dans le coffre d’une voiture exposée au soleil plusieurs jours en plein été. On pourrait encore ouvrir une bouteille et y insérer quelques morceaux de pomme Granny Smith durant quelques heures, refermer le goulot et patienter quelques heures avant de découvrir l’acétaldéhyde. Laisser une bouteille verte ou claire sous les rayons du soleil ne serait-ce que quelques heures suffira amplement à nous faire découvrir l’odeur de mouffette. Qui sait, votre beau-frère découvrira peut-être sa Heineken sous un autre jour?
13 août 2012
Les pâturages brassicoles de la Lituanie - Biržai et les environs
Le restaurant de la brasserie Rinkuškiai,
bien plus en moyens que les autres brasseurs de la région de Biržai
Avertissement de difficulté: cette
portion du guide de voyage n'est pas pour le voyageur exigeant la spontanéité à
tout coup. Sans préparation, vous risquez fort bien de vous buter à des portes closes et à des regards peu invitants. Ce que nous avons vécu à Pasvalys d'ailleurs même si nous avions deux guides et profitions d'une période de recherche de plusieurs mois. Cependant, avec un peu de chance et de préparation,
vous pourrez peut-être visiter des manoirs centenaires autrefois utilisés par les
Soviets pour festoyer, ou même vous faire inviter dans un sauna forestier! Qui
a dit les Lituaniens n'étaient pas accueillants...
La ville de Biržai est connue par plusieurs comme étant la capitale brassicole de la Lituanie. Le nombre de brasseries n'y est pas plus grand que celui des autres villes et villages du nord-est, mais il faut avouer que la portée commerciale de certaines de celles-ci impressionne. Un représentant d'une de ces brasseries nous a même confié qu'ils commençaient à exporter leur bière au Soudan du Sud; disons que Madame Udriene de Jovaru Alus à Pakruojis n'a certainement jamais envisagé d'infiltrer le marché est-africain.
En plus des brasseries possédant un permis afin de vendre leurs produits, il y existe toujours une communauté de brasseurs-maison à Biržai. Un des premiers commerces que nous avons croisé en arrivant au village s'appelait 'Apyniai, Salyklas' (Houblon, Malt). Une raison sociale toute simple qui sait faire scintiller les yeux de tout brasseur passionné. Grâce à notre interprète, nous avons pu recevoir une invitation personnelle d'un des brasseurs faisant ses emplettes ce matin-là. Un homme fier de nous présenter les bières qu'il brasse depuis des décennies pour sa consommation personnelle et familiale. C'est donc dans sa cuisine que nous avons pu découvrir sa bière principale et sa Trečiokas, une bière conçue avec le troisième(!) jus de son empâtage. Cette dernière, titrant près de 1% d'alcool, étalait des saveurs terreuses et herbacées tout autant que la bière-mère. Gazéifiée naturellement, équilibrée et très agréable à boire; du même calibre que les meilleures bières fermières de la région.
Notre généreux hôte à la capacité de production quelques millions de fois
plus petite que la brasserie ci-dessous...
Rinkuškiai
La géante Rinkuškiai se trouve en bordure de la ville et gère un des seuls restaurants à thématique brassicole dans la région. Bien que ce restaurant mette en valeur les traditions brassicoles du nord de la Lituanie (avec vieil équipement à l'appui sur la mezzanine), les bières de la brasserie répondent plutôt aux attentes des consommateurs de bières au caractère 'international'; peu de saveurs locales, donc. Il n'en demeure pas moins que les lagers de cette macrobrasserie étanchent la soif, surtout lorsqu'on ingurgite la généreuse cuisine de l'établissement, friande d'ail.
Širvėnos Dundulio
Bannière du Gira de la brasserie sur la façade du Snekutis Uzupio, à Vilnius
Cette jeune brasserie artisanale distribue ses bières et son Gira (version lituanienne du Kvass russe) jusque dans les villes du sud (Vilnius, entres autres) et utilise le bois pour chauffer ses cuves. Sa Dundulio Dounkelis Tamsusis (la bière brune de la maison) démontre les mêmes prouesses toastées communes aux Tamsus du pays, sur un lit fruité rappelant de petites baies. Sa Dundulio Grynas quant à elle offre quelques résines de houblon équilibrant des malts subtilement toastés et miellés. Une autre belle bière de campagne. Nous n'avons pas pu visiter la
brasserie dû à un horaire conflictuel avec celui des propriétaires mais,
lorsque nous les avons croisés plus tard dans notre périple à Panevėžys, ils nous
ont tout de même invités dans un sauna en forêt...
Butautu Dvaro Bravoras
Camouflé sur une route rurale au nord de Biržai, à quelques pas de la frontière lettone, l'ancien manoir de Butautu abrite aujourd'hui une microbrasserie de grande qualité. "Confisqué" par
les Soviets lors de l'occupation, le manoir était un lieu de prédilection pour des fêtes mondaines et comprenait également une brasserie au service des occupants. Aujourd'hui propriété de l'excellent groupe microbrassicole Aukštaitijos Bravorai, le manoir de Butautu concocte deux bières à l'aide de malts lituaniens et fermentées à aire ouverte. Les deux (Šviesus et Tamsus) sont d'élégantes et savoureuses interprétations du savoir-faire lituanien; plus subtiles en saveurs toastées que la moyenne campagnarde, mais toutes aussi empreintes du caractère rustique local. À noter que la brasserie n'a pas de salon de dégustation sur place, mais leurs bières sont relativement faciles à trouver lorsqu'on connait les bonnes adresses de Vilnius.
Biržų Alus
Un vieil équipement rouillé,
rapiécé à l'extérieur à l'aide de rubans adhésifs, souillé d'odeurs prenantes de poubelles humides: cela résume la salle de brassage de cette microbrasserie d'envergure qui semble toujours prise dans l'ère soviétique. Malgré tout, Biržų Alus conçoit des bières impeccables au niveau technique, même si elles sont très
timides au niveau gustatif. Leurs bières de base sous les 5% d'alcool sont 100% malt, puis le reste de la gamme est créée en rajoutant de plus en plus de sucre afin de faire augmenter le taux d'alcool tel que désiré. Un chouette salon de dégustation est disponible sur réservation dans
les voûtes de la brasserie (exempt d'arômes nauséabonds, heureusement) et une petite boutique à l'entrée du complexe nous permet d'acheter les bières spéciales du moment.
Notre prochain article sur la Lituanie brassicole nous transportera vers l'est, près de la frontière biélorusse, là où deux brasseurs étonnants évoluent. Un de ceux-ci d'ailleurs était jusqu'à tout récemment le dernier brasseur sur la planète à faire une Keptinis; un style de bière n'existant autrement que dans quelques livres lituaniens!
6 août 2012
La Rye ESB, de la Brasserie Dunham, à Dunham
Avec l'ajout tout récemment d'Éloi Déit, longtemps maître-brasseur du Cheval Blanc à Montréal, la brasserie Dunham se dote d'une corde majeure à son arc déjà bien garni. Avec les rutilantes Black IPA, Imperial Black IPA et Imperial Brown Ale qu'Éloi et Pat Roy, autre brasseur de la maison, ont conçues ensemble dans les derniers mois, nous devons admettre que le duo sera à surveiller. Et pour cause: leurs styles anglais remodelés à la façon 'nouveau monde' n'ont que rarement été si bien exécutés au Québec. Voici donc sans plus tarder la fiche Grand Cru pour cette Extra Special Bitter de seigle des plus méritoires!
Style : Une Extra Special Bitter, comme l'étiquette l'indique, mais conçue à l'aide de malts canadiens et allemands, des malteries Gambrinus et Weyermann respectivement. Les malts de seigle proviennent d'ailleurs de cette légendaire malterie de Bamberg. Le houblon également est entièrement allemand: une variété locale de Nugget. Surprenant pour une ESB, n'est-ce pas?
Disponibilité : Embouteillée pour la première fois le printemps dernier, elle vient tout juste de refaire son apparition sur les tablettes de nos marchands spécialisés. On peut également la déguster en fût à l'occasion au Vices et Versa, de Montréal.
Le coup d’œil : La mousse crémeuse laisse quelques traces de dentelle au haut de la profonde robe ambrée à peine voilée au fur et à mesure que l'on s'approche du fond du verre.
Le parfum : Une superbe effusion de malts toastés et caramélisés aux accents de noisette évoluent en parfaite harmonie avec les houblons feuillus, boisés et terreux. La richesse des saveurs à venir est presque palpable, comme la clarté avec laquelle elles s'exprimeront d'ailleurs.
En bouche : La rondeur maltée est lascive, se détaillant en caramel et miel légers, toujours rehaussée par la personnalité épicée du seigle. Le houblon prend autant de place que ces malts, mais il préfère se fondre dans un tout savoureux plutôt que de tenter de voler la vedette aux céréales. De plus, la gazéification est parfaitement calculée pour le taux modéré de sucres résiduels, rendant cette ESB facile à boire malgré ses 6% d'alcool. Très impressionnant.
La finale : Une langoureuse amertume de houblon épicé et boisé se voit accompagnée de quelques notes maltées; décidément, l'équilibre de cette bière charnue captive de l'arôme jusqu'à l'arrière-goût!
Accords : Des brochettes de poulet badigeonnées de sauce BBQ à un brie en croûte (au four avec un soupçon de sirop d'érable et garni de noisettes, afin d'aller chercher davantage d'harmonies), cette Extra Special Bitter s'amourachera de plusieurs plats riches en douceurs.
Pourquoi est-ce un grand cru? : Le seigle est élégamment intégré au reste du profil de saveurs, sans jamais ajouter de lourdeur exagérée (ce qui est souvent le cas pour cette céréale). De plus, très peu de bières de ce gabarit offrent des saveurs maltées aussi claires et généreuses sans sombrer dans des sucres résiduels lassants.
Si vous avez aimé, essayez aussi : L'Amère Veilleuse, de Bedondaine et Bedons Ronds (à Chambly), la Voyageur des Brumes, de Dieu du Ciel! (à Montréal) et la Villiers Extra Special Bitter, du American Flatbread (à Burlington, Vermont).
Disponibilité : Embouteillée pour la première fois le printemps dernier, elle vient tout juste de refaire son apparition sur les tablettes de nos marchands spécialisés. On peut également la déguster en fût à l'occasion au Vices et Versa, de Montréal.
Le coup d’œil : La mousse crémeuse laisse quelques traces de dentelle au haut de la profonde robe ambrée à peine voilée au fur et à mesure que l'on s'approche du fond du verre.
Le parfum : Une superbe effusion de malts toastés et caramélisés aux accents de noisette évoluent en parfaite harmonie avec les houblons feuillus, boisés et terreux. La richesse des saveurs à venir est presque palpable, comme la clarté avec laquelle elles s'exprimeront d'ailleurs.
En bouche : La rondeur maltée est lascive, se détaillant en caramel et miel légers, toujours rehaussée par la personnalité épicée du seigle. Le houblon prend autant de place que ces malts, mais il préfère se fondre dans un tout savoureux plutôt que de tenter de voler la vedette aux céréales. De plus, la gazéification est parfaitement calculée pour le taux modéré de sucres résiduels, rendant cette ESB facile à boire malgré ses 6% d'alcool. Très impressionnant.
La finale : Une langoureuse amertume de houblon épicé et boisé se voit accompagnée de quelques notes maltées; décidément, l'équilibre de cette bière charnue captive de l'arôme jusqu'à l'arrière-goût!
Accords : Des brochettes de poulet badigeonnées de sauce BBQ à un brie en croûte (au four avec un soupçon de sirop d'érable et garni de noisettes, afin d'aller chercher davantage d'harmonies), cette Extra Special Bitter s'amourachera de plusieurs plats riches en douceurs.
Pourquoi est-ce un grand cru? : Le seigle est élégamment intégré au reste du profil de saveurs, sans jamais ajouter de lourdeur exagérée (ce qui est souvent le cas pour cette céréale). De plus, très peu de bières de ce gabarit offrent des saveurs maltées aussi claires et généreuses sans sombrer dans des sucres résiduels lassants.
Si vous avez aimé, essayez aussi : L'Amère Veilleuse, de Bedondaine et Bedons Ronds (à Chambly), la Voyageur des Brumes, de Dieu du Ciel! (à Montréal) et la Villiers Extra Special Bitter, du American Flatbread (à Burlington, Vermont).
27 juil. 2012
Les pâturages brassicoles de la Lituanie - Pasvalys et les environs
Avertissement de difficulté: cette portion du guide de voyage n'est pas pour le voyageur exigeant la spontanéité à tout coup. Sans préparation, vous risquez fort bien de vous buter à des portes closes et à des regards peu accueillants. Et même si, comme nous, vous avez un guide et conducteur qui peut contacter tous les brasseurs à l'avance, ainsi qu'un interprète et brasseur-maison qui peut traduire des simples salutations aux détails plus techniques de brassage, des péripéties comme celles décrites ci-dessous pourraient survenir...
Pasvalys est situé entre Pakruojis, où oeuvrent des brasseurs aux bières -- et aux histoires -- assez particulières, et Biržai, officieusement connue comme la capitale brassicole de la région, là où quelques multinationales brassent aux côtés d'artisans aux méthodes rustiques. Les brasseurs présentés ci-dessous travaillent tous soit à Pasvalys même, soit dans un village tout près.
J. Morkūno
Photo de Jonas Morkūno lui-même, gracieuseté de Martynas Savickis
Dans un bâtiment sans inscription commerciale, aux allures de bloc à appartements, vit et travaille depuis quelques décennies Jonas Morkūno, brasseur campagnard. Il concocte une seule bière, la Morkūno Alus. Lors de notre passage en mars dernier, il nous a convaincu qu'il n'avait plus de bière à vendre ou à nous faire goûter. Qu'il avait brassé pour la dernière fois il y a quelques semaines et qu'il attendait le retour de l'été parce que les ventes étaient très calmes à l'hiver et au printemps. Pourtant, une fois revenu à Vilnius quelques jours plus tard, nous avons trouvé sa bière toute fraîche servie au Šnekutis du quartier Užupis... Cette bière portait l'insigne levurée terreuse commune aux Kaimiškas Alus (bières de la campagne lituanienne), en plus d'être sertie d'angles citronnés et herbacés, le tout dans un corps légèrement gazéifié, très facile à boire. Tellement bon qu'on ose espérer un jour déguster à grandes lampées cette bière rafraichissante lors de températures plus clémentes, près de son lieu de confection. Si Monsieur Morkūno veut bien nous en vendre, évidemment...
Joalda
Tard le soir, dans la noirceur presque complète d'une petite rue non éclairée aux abords du village de Joniškėlis (à quelques kilomètres à l'ouest de Pasvalys), nous sommes arrivés chez ce brasseur qui, de toute évidence, produisait de la bière pour une autre clientèle que les brasseurs traditionnels de la campagne. Nous avions adoré sa Pasvaliečių Lengvas lorsque nous l'avions bue en fût à Vilnius. Une bière blonde très propre livrant des malts subtilement miellés aux connotations de foin, construisant un corps soyeux. Entre d'autres mots, une bière facile d'accès mais construite avec énormément de soin à partir d'ingrédients de qualité. Nous étions évidemment bien curieux du reste de sa production, quoique nous aurions été bien heureux de s'abreuver toute la soirée de cette Lengvas à même la source.
Après une visite dans la zone de production, nous avons remarqué que différentes bières étaient brassées sur place, pour la consommation locale. Des bières fortes, titrant toutes au-dessus de 8% d'alcool. Notre interprète nous avoua que ces types de bière sont très populaires dans la région; certains hommes du coin disent même qu'une 'vraie bière' doit titrer au moins 8% d'alcool. Évidemment, ces bières viriles se vendent en rien de moins qu'un litre et sont parfois dans des contenants en plastique de deux(!) litres... C'est en s'attendant à une version lituanienne d'une Wildcat Strong donc que nous avons approché notre dégustation des Galutinis Tiklas, Soprano et Vulkano. Dans les trois cas, la blondeur immaculée impressionnait autant que celle de la Lengvas à 5% et les céréales étaient légèrement miellées entrelacés d'un fruité herbacé très doux. À part les pourcentages d'alcool sur les étiquettes (8,1%, 8,3% et 8,7%), rien ne semblait distinguer une bière de l'autre... Mais elles étaient toutes agréables à boire, sans aucun défaut ou note d'éthanol exagérée.
Mais pourquoi donc faire trois produits 'différents' avec les mêmes ingrédients et les mêmes saveurs?! Sachant que le gouvernement lituanien perçoit des taxes à chaque brassin selon le pourcentage d'alcool de la bière produite et que, n'ayant pas de laboratoire bien équipé, les brasseurs ne peuvent prévoir exactement quel pourcentage d'alcool les techniciens du gouvernement découvriront, il nous apparaît plausible que certains brasseurs comme Joalda, Biržų Alus et Rinkuškiai, pour ne nommer que ceux-là évoluant dans la région, produisent des étiquettes démontrant des noms et des taux d'alcool différents afin de ne pas se faire prendre en faute par le gouvernement. Ce ne serait donc pas des bières réellement différentes, mais plutôt la même bière ayant fermentée un tout petit peu plus ou un peu moins. Pour l'instant, c'est ce que vos humbles détectives de la broue tirent comme conclusion sur ce sujet.
Dvareliškiu Alus
Voilà un autre brasseur campagnard qui nous a marqué, mais pour des raisons insoupçonnées. Blotti au fond d'un chemin boueux non sans rappeler certaines cabanes à sucre traditionnelles du Québec, cette brasserie concocte des Kaimiškas Alus, ces bières de la campagne du nord-est qui, selon ce que nous avions appris au préalable, étaient parfois non bouillies et fermentées à l'aide de souches de levures ancestrales mutées par le temps et, sûrement, le surmenage.
Notre guide l'avait contacté à l'avance; nous étions attendus. À notre arrivée en face de la modeste brasserie, aucun signe de vie. Le silence... et quelques bouteilles de plastique, remplies, sur les dalles de béton en face de la porte d'entrée. Après quelques minutes d'attente, un homme rabougri en salopettes de travail sort d'une porte en haut de l'escalier extérieur (photographié ci-dessus) puis, sourcils froncés et d'un ton direct, nous dit une ou deux phrases de toute évidence peu accueillantes, pointant vers les bouteilles. Avec l'approbation de nos deux accompagnateurs lituaniens, nous avons finalement pu prendre ces bouteilles afin de les déguster plus tard dans la journée.
Leurs trois bières, une Šviesus (blonde), une Tamsus (brune) et une Su Medumi (au miel) étaient toutes empreintes des notes terreuses communes à ces Kaimiškas Alus, enduites de sucres miellés et d'angles minéraux, le tout dans un corps à peine gazéifié. Elles ne possédaient pas la cohésion des excellentes Jovaru Alus ou Morkūno Alus, par exemple, mais leur origine était claire: ce sont des bières de la campagne lituanienne. Rien d'autre au monde ne leur ressemblent.
Linkuvos Alus (E. Mozūro)
Dans le hameau de Linkuva, un autre brasseur de Kaimiškas Alus s'affaire à offrir sa bière à son voisinage. Faute de temps, nous n'avons pu le visiter en personne, mais nous avons tout de même fait preuve de chance. Notre arrivée à Vilnius, la capitale, coïncidait avec la gigantesque foire artisanale Kaziuko Mugė, foire qui domine de nombreuses rues et places publiques de la ville pendant trois jours. Et un kiosque parmi les quelques centaines représentait, vous l'aurez deviné, la brasserie de M. Mozūro. Nous avons donc pu découvrir sa bière qui nous fascinait avant même de l'avoir bue.
Elle nous fascinant tout simplement parce que nous avions entendu dire qu'il était possible que ce brasseur ne rajoute pas de levures pour fermenter sa bière... Des rumeurs couraient à l'effet que 'le mur' de sa brasserie contienne tous les micro-organismes nécessaires à la transformation fermentaire. Malheureusement, vos détectives de la broue doivent s'avouer vaincus n'ayant pu élucider ce mystère lors de ce premier voyage en Lituanie. Cependant, la piste gustative laissée par la bière de Mozūro est profonde. L'intense rusticité de son caractère fermentaire (rappelant la terre mouillée et la poussière) rendait la dégustation difficile, ce qui est chose rare dans ces contrées. Les céréales miellées et les houblons herbacés avaient beau tenter d'insuffler une personnalité accueillante à cette bière, mais... disons pour l'instant qu'elle nous rappelait vaguement le caractère de l'ouvrier rabougri rencontré chez Dvareliškiu Alus.
Raginelis
Raginelis est un autre brasseur campagnard du coin de Pasvalys brassant une bière captivante par son terroir évident. Celle-ci s'appelle la Kaimynu Sventinis. Subtile et équilibrée, elle propose des céréales miellées et bien toastées, signature des malts d'orge de Lituanie, agrémentées de délicats esters de banane et d'une touche terreuse aussi commune aux Kaimiškas Alus. Nous avons également pu découvrir sa bière grâce à la foire du Kaziuko Mugė à Vilnius. En se promenant à Pasvalys, notre guide nous a confié que ce brasseur ne voulait tout simplement pas accueillir d'étrangers. Avec les histoires que nous avions vécues et entendues depuis le début du périple, il n'y avait rien de surprenant dans cette révélation. Un autre cas à reléguer au dossier 'Second voyage d'exploration brassicole en Lituanie'...
La suite de ce guide de voyage brassicole nous amènera à Biržai, tout juste à l'est de Pasvalys. Dans cette petite ville oeuvre une multinationale, une microbrasserie d'envergure, deux autres plus modestes et des brasseurs-maison ne pouvant vendre leurs bières commercialement. Mais rien ne les empêche de nous inviter chez eux pour échanger quelques sourires, croyez-nous!
13 juil. 2012
La St-Joachim, de la Microbrasserie des Beaux Prés, à Ste-Anne-de-Beaupré
Style : Dunkler Weizenbock.
Si vous préférez, une bière de blé d'inspiration allemande, forte en alcool et de couleur foncée
(dunkler).
Disponibilité : Ceci est le
tout premier brassin commercial de St-Joachim, alors nous espérons bien motiver
Luc Boivin à en rebrasser afin d'en faire un classique de la maison. Elle est
disponible en fût seulement sur place.
Le coup d’œil : Un voile
de mousse s'installe pour la durée de la dégustation sur la robe acajou aux
reflets marrons et pourpres.
Le parfum : Clou de
girofle, confiture de fraises, bananes flambées et raisins secs se fondent les uns dans les autres, construisant un arôme d'intensité modérée.
En bouche : Un corps des plus soyeux accueille des saveurs de blé et des esters de banane aux côtés des arômes notés précédemment, déjà bien installés. La texture est riche, certes, mais n'abuse pas des sucres résiduels.
La finale : Les mêmes saveurs
s'expriment, ne perdant jamais d'ampleur. Une légère amertume de houblon feuillu se fraie un chemin créant un arrière-goût complexe.
Accords : Bien que le menu du brouepub possède quelques éléments qui peuvent accompagner cette Weizenbock avec aplomb (l'assiette de 2 terrines et 2 fromages avec pain, gelée, fruits séchés et noix, entre autres), rien ne peut surclasser l'effet de la terrasse jouxtant le fleuve. Aaaaahhh... qu'il fait bon s'y perdre en pensées!
Pourquoi est-ce un grand cru? : L'équilibre et l'expression claire de chaque saveur et de chaque
ingrédient impressionne grandement. Cette Weizenbock est un tantinet plus sucrée que la Aventinus de Schneider (demandez-la à la SAQ) et elle est moins effervescente puisque servie d'un fût, mais elle nous apparaît aussi bien construite et savoureuse.
Si vous avez aimé, essayez aussi : La DumDuminator, de Brasseurs du Temps (à Gatineau), la
Weizenbock, des Trois Mousquetaires (version plus liquoreuse, de Brossard) et
la Dubbel Reserve, d'Allagash (une double d'inspiration belge, de Portland, au
Maine, munie de similaires notes de clou de girofle et de malts subtilement fruités).
9 juil. 2012
Les pâturages brassicoles de la Lituanie - Pakruojis et les environs
Un des passages sur la 'Colline des Croix', à quelques kilomètres à l'ouest de Pakruojis
Avertissement de difficulté: cette portion du guide de voyage n'est pas pour le voyageur exigeant la spontanéité à tout coup. Sans préparation, vous risquez fort bien de vous buter à des portes closes et à des regards peu accueillants. On nous a même informé, en demi-blague, que le lituanien moyen de la région voit le monde d'une position couchée, gisant sur le sol, regardant vers le haut, avec un nez amoché... Sympathique, non? Pakruojis est un bled d'environ 6000 habitants, mais plusieurs petites brasseries y opèrent, que ce soit dans le centre ou dans le nano-quartier de Jovarai. Elles brassent toutes, sans exception, des bières complètement différentes de leurs voisines...
Jovaru Alus
Cette brasserie est à l'arrière de la maison de madame Udriene
Rescapée d'une maison en flammes à un jeune âge, Aldona Udriene fût plongée dans un coma et alitée dans sa chambre. Ses parents ayant perdu espoir, ils achetèrent un cercueil et le mirent dans la chambre de l'adolescente, attendant l'inévitable. La légende dit ensuite qu'Aldona se réveilla, vit le cercueil et demanda avec consternation: "mais c'est à qui cette chose?". Tel est le caractère de cette dame que l'on surnomme maintenant la 'reine des brasseures' de la campagne lituanienne. Sa bière, la Jovaru Alus, utilise une levure jalousement gardée depuis des générations, levure qui a jadis été cultivée par un ancêtre dans les bois environnants... Nous vous raconterons son histoire dans un billet futur.
Particulier comme bière? Attendez de connaître la suite. Premièrement, elle ne bouille pas son moût. Elle ajoute un thé de houblon à l'empâtage et dans le fermenteur. Elle fermente d'ailleurs sa bière à 29 degrés Celsius (température très élevée, semblable à certains bières belges!), dans des bacs à aire ouverte. Autrefois, elle gazéifiait sa bière de façon naturelle grâce à la température chaude d'un sauna non loin. Aujourd'hui, une simple chambre chaude à la brasserie fait le travail. Sa bière ne démontre aucun signe d'acidité ou d'infection bactérienne. Elle se boit plutôt comme une Extra Special Bitter, bien maltée et subtilement houblonnée. La version au miel (Su Medumi) est servie tiède à sa maison, avec quelques épices. Les saveurs de la bière de base sont rehaussées par le miel forestier, surtout le houblon qui ressort puissamment en finale. La bouteille de plastique avec laquelle on peut repartir n'offre pas vraiment la même expérience cependant.
En plus d'accepter que les visiteurs l'ayant contactée à l'avance, Madame Udriene ne publicise plus le fait qu'elle brasse de la bière. Sa maison n'a pas d'enseigne visible de la rue et elle ne s'affiche nulle part dans le village, sauf à l'intérieur de sa maison, bien entendu. Elle dit qu'elle craint que les gens de son entourage ne détruisent ses artéfacts... Il faut donc connaître son adresse et être accompagné d'un lituanien qui lui expliquera la raison de votre visite (au téléphone, préférablement). Mais la récompense, une fois les obstacles franchis, vaut l'effort. Madame Udriene est une femme chaleureuse, fière de son métier et de son héritage. Et ses bières reflètent sa passion.
Madame Udriene nous racontant des histoires de sa famille
Le minuscule salon de dégustation de Jovaru Alus
Algio Grigonio
À quelques maisons de celle de madame Udriene, vous apercevrez peut-être, si vous savez où regarder, la mention 'Alaus Darykla', sur un bâtiment derrière une maison grise au toit rouge. Si vous vous souvenez de notre lexique de la bière lituanienne, cela devrait vous mettre la puce à l'oreille. C'est la brasserie d'Algio Grigonio. Cet homme est peu enclin à accueillir les étrangers, mais un ami de la famille nous a gentiment fait visité, même si son regard trahissait son incompréhension totale quant à notre présence. Le seul lien qui l'unirait avec la brasserie de Madame Udriene, outre son emplacement, est sa méthode de brassage. Lui non plus ne bouille pas son moût et fermente le tout dans des bacs à aire ouverte avec des levures de souches 'mystérieuses'... En d'autres mots, il ne semblait pas connaître leur origine exacte.
Sa bière phare, la Šinkorių Alus, tire davantage sur le blond que la Jovaru Alus, et propose une expérience gustative... hmmm... mémorable? Versée d'une bouteille fraîche (en plastique, contenant un litre), elle propose des houblons herbacés subtils et des malts miellés sur un fond terreux, légèrement animal. Elle est également très peu gazéifiée, ce qui est monnaie courante pour ces Kaimiškas Alus (bières de la campagne). "Vieillie" quelques jours, elle devient absolument cacophonique, libérant des notes acidulées, de maïs en crème et de cire à souliers. De toute évidence, elle est conçue pour être consommée dès sa mise en marché à la brasserie. En la buvant, on peut facilement se sentir transportés à une époque révolue où les brasseurs ne contrôlaient pas toutes les étapes de brassage et concevaient des produits à boire le plus rapidement possible, entre autres parce que l'eau n'était pas potable... Depuis peu, Grigonio brasse une bière au gingembre (Imbierinis Alus) qui se veut plus amicale, sertie de flaveurs florales, épicées et miellées bien agréables.
Grigonio fermente ses bières dans des bacs à aire ouverte; d'ailleurs plusieurs brasseurs de la campagne du nord-est font de même
Davra
Le propriétaire et maitre-brasseur, Vidmantas, nous sert sa sublime Daujotu
La microbrasserie connaissant le plus grand succès commercial de Pakruojis porte le nom de Davra. Située dans un bâtiment industriel dans le centre du village, elle possède un superbe salon de dégustation à l'arrière du bâtiment, disponible sur appel. Il y a même une terrasse donnant sur le lac du village! Le propriétaire, prénommé Vidmantas, concocte des bières impeccables, toutes munies d'un caractère malté fascinant. Aucune levure étrange ne semble être utilisée ici; toutes ses bières sont polies et raffinées. Sa Daujotu, bière blonde, explose de saveurs toastées et miellées avec un accent d'huile de noix. Une délice dans la catégorie des bières de soif, qui ne ressemble aucunement d'ailleurs à ce que font les tchèques, les allemands, les britanniques, les belges, etc. Même constat pour la Linksmieji Vyrukai, une bière ambrée partageant des saveurs de foin, de pain toasté et de miel dans un corps soyeux et facile à boire.
Sa Varniuku quant à elle, la lager brune de la maison, propose une personnalité aussi prenante, remplie de flaveurs de pain toasté, de toffee, de rôti, avec quelques accents fruités rappelant les raisins secs. Cette bière, nous a raconté Vidmantas, a récemment été conçue pour un festival printanier de la région dans lequel les gens tirent sur des bébés corneilles afin de les frire dans l'huile et ainsi déguster leur viande tendre le jour même. De toute évidence, le genre de festivité qui donne soif! ;)
Trêve de plaisanterie, les bières de Davra, toujours disponibles en bouteille de plastique d'un litre, méritent d'être découvertes par le reste de la planète autant que celles de Jovaru Alus. Les deux devraient être des priorités dans votre périple gustatif.
Le salon de dégustation à l'arrière de la brasserie est seulement ouvert sur réservation
Rozalimo Alus
Le bar de la brasserie est situé dans le tout petit bâtiment de droite
Situé dans la bourgade de Rozalimas, tout juste au sud de Pakruojis, ce brouepub concocte une seule bière: la Rozalimo Alus (original, n'est-ce pas?), une bière blonde bien construite de malts miellés aux accents d'amandes et de houblons herbacés. Fait intéressant à noter: cette minuscule brasserie possède un bar (Alaus Baras) ouvert tous les jours de 8h à 22h. Armez-vous d'une bonne carte géographique et déambulez à travers les rues du village remplies de petites maisons jaunes en bois, à la recherche du bâtiment rouge ci-dessus. Son adresse est le Pievų gatvé 1.
Les quatre tables de ce bar accueillent seulement des locaux, évidemment. N'ayez crainte, la petitesse du village ne requière pas davantage de sièges, sauf l'été, où quelques tables supplémentaires se remplissent à l'extérieur. Le prix pour un verre de la bière de la maison? Environ trente cents. Trente. Cents. Boire une bière de soif de cette qualité, dans un minuscule pub aux allures de cabane à jardin en bois, à un prix absolument dérisoire... Ça donne le goût de courir les boires encore longtemps!
Un baril décoratif que la brasserie exhibe lors des festivals
À part ces brasseries artisanales, il est possible de trouver des bars à Kaimiškas Alus près de la station d'autobus ou à l'entrée de
la ville. Comme celui photographié ci-dessous, par exemple. La façade, où il est inscrit "Pilstomas Alus" (bière en fût) a bien l'air d'un bar fermé depuis belle lurette, mais il faut passer par une porte arrière pour avoir accès à la salle et aux fûts. Peut-être une façon de dire aux étrangers de ne pas s'y aventurer? Même un lituanien de l'ouest (Martynas, du blog Tikras Alus, qui nous a gentiment offert cette photo) s'est fait regardé tel un agent secret du KGB en pénétrant les lieux et s'est senti assez intimidé pour ne pas attendre sa pinte de Joalda Soprano que tout le monde semblait boire. Se souvenait-il de l'histoire du lituanien de la région gisant sur le sol le nez amoché?
Un bar de Pakruojis servant de la bière de la campagne en fût. Invitant, n'est-ce pas?
Si vous n'avez pas lu notre reportage sur Vilnius, la capitale, cliquez ici. Pour notre prochain billet de guide de voyage brassicole, nous nous dirigerons à quelques kilomètres à l'est de Pakruojis, dans le village de Pasvalys. Il y a tellement de brasseries fascinantes dans ce coin de pays...
Si vous n'avez pas lu notre reportage sur Vilnius, la capitale, cliquez ici. Pour notre prochain billet de guide de voyage brassicole, nous nous dirigerons à quelques kilomètres à l'est de Pakruojis, dans le village de Pasvalys. Il y a tellement de brasseries fascinantes dans ce coin de pays...
6 juil. 2012
La CoHop V - Rouge de Mékinac, d'À La Fût, à St-Tite
Cinq ans déjà qu'À La Fût brasse dans les anciens locaux d'un magasin général dans le centre du village de St-Tite. Le temps
passe vite, sûrement encore plus pour les membres de cette coopérative! Une
création hors norme était de mise pour célébrer l'occasion et l'amateur de
bières de dégustation est servi avec cette Rouge de Mékinac. Les brassins
spéciaux d'À La Fût sont souvent dispendieux, mais nous vous avouons que
celui-ci vaut vraiment chaque sou exigé.
Style : L'étiquette et le
nom de la bière évoquent peut-être la 'Rouge des Flandres', mais la Rouge de
Mékinac n'en est pas une dans les règles de l'art. Simplement, le jus de
griottes n'est pas supposé rentrer dans la composition d'une telle recette pour
ce style (les levures devraient faire le travail à elles seules). Qu'à cela ne
tienne, le plus important est que nous avons ici une excellente bière fruitée
qui semble être née d'une blanche d'inspiration belge (avec blé, graines de coriandre
et écorces d'orange) à laquelle on a rajouté le jus de griottes et les levures
sauvages dans les barriques de chêne. Vous aurez compris que la composition
céréalière de cette Rouge semble différer également des Rouges des Flandres
typiques.
Disponibilité : Brassée pour leur 5e anniversaire et vieillie 17 mois en barriques de
chêne, on ne s'attend pas à la revoir régulièrement. Cependant, nous espérons
bien qu'À La Fût nous fasse le cadeau de la ressortir à tous les 17 mois, ou
moins, préférablement.
Le coup d’œil : Une tuile
de mousse devient un anneau sur la robe rouge aux reflets roses.
Le parfum : Un profil
épicé aux allures d'orange et de graine de coriandre s'allie aux levures
sauvages et aux griottes afin de créer un arôme vif et fruité.
En bouche : Les levures
sauvages construisent des notes de conifère aux côtés du blé(?) biscuité, alors
que le fruité des griottes penche même vers la canneberge. Le tout est
équilibré, d'une intensité moyenne. De plus, le corps est sec et digeste, signe
d'un travail efficace des brettanomyces.
La finale : Acidulée par la
griotte, empreinte de brettanomyces et de petites bulles piquantes, la Rouge de
Mékinac se termine de façon complexe mais facile
d'approche pour amateurs de bières de caractère. Le meilleur des deux mondes, quoi!
Accords : Une petite salade
verte avec un vinaigre de cerise, tiens. Il fait chaud après tout! Sinon, une paire de lunettes de soleil lui iront à merveille aussi. ;)
Pourquoi est-ce un grand cru? : L'agencement des multiples ingrédients est harmonieux et
aucune note ne domine le tout. La recette est créative et l'exécution sans
failles. Que demander de plus!
Si vous avez aimé, essayez aussi : La Solstice d'Été aux
Framboises, de Dieu du Ciel! (Montréal et St-Jérôme), la Framboise,
d'Hopfenstark (L'Assomption), la Rouge des Cantons, de Boquébière (à
Sherbrooke) et la Cerise Cassée, de Cambridge Brewing (à Cambridge, au
Massachusetts).
3 juil. 2012
Les pâturages brassicoles de la Lituanie - Vilnius, la capitale
Si vous avez manqué les premiers billets de ce guide de voyage brassicole sur la Lituanie, cliquez ici et ici.
Le centre historique de Vilnius, protégé par l'UNESCO, est un petit trésor peu visité encore par les touristes occidentaux. C'est ici que l'on trouve la plus grande quantité d'endroits spécialisés en bière artisanale lituanienne, parfois des estaminets aux allures bien européennes, mais parfois aussi des bars au décor inusité, plein de personnalité, qui ne ressemble en rien à ce que peut offrir les Prague, Munich, Bruxelles, etc.
Avant de commencer à vous présenter nos coups de coeur de cette menue capitale, sachez qu'un des meilleurs moments de l'année pour visiter la ville et y découvrir une panoplie de bières d'artisans de la campagne est à la fin de l'hiver. En effet, à tous les débuts de mars, le Kaziuko Muge rassemble des centaines d'artisans et entrepreneurs, ainsi que des milliers d'acheteurs potentiels et festivaliers dans les rues et boulevards de la ville. C'est l'occasion rêvée de rencontrer une douzaine de brasseurs campagnards autrement cachés dans leurs pâturages, ou du moins de goûter à leurs bières, sans avoir à s'aventurer dans des hameaux n'ayant que rarement vus des étrangers... En mars dernier au festival, nous avons pu goûter à des bières de certains brasseurs qui ont même refusé de nous accueillir lors de notre passage en campagne quelques jours plus tard!
Une marchande au festival Kaziuko Muge
Donc, Vilnius est sans contredit LA ville lituanienne où un dégustateur peut découvrir le plus grand nombre de bières du pays. Les endroits décrits ci-dessous sont nos coups de coeur. Dans presque tous les cas, vous y retrouverez une intelligente sélection de bières campagnardes aux côtés de bières de microbrasseries lituaniennes de qualité:
Šnekutis Alaus Baras (succursale du quartier Užupis),
au Polocko 7a
au Polocko 7a
Sans aucun doute, un des bars à bière les plus mémorables que nous ayons visité sur la planète. Sans exagération. En plus du bâtiment qui semble avoir été construit de restes trouvés dans la forêt, lui donnant une allure de cabane pouvant servir dans un film d'horreur à petit budget, cette succursale du Šnekutis offre une sélection de bières campagnardes sans égale au pays. Souvent du fût, ou d'un cask sur le comptoir, on y trouve les classiques de Morkūno et Jovaru, petits brasseurs campagnards, mais aussi de Širvėnos, Davra et Vilniaus Alus, certaines des meilleures microbrasseries au pays. La cuisine locale est très bien exécutée et le service est souriant, peu importe la qualité de votre lituanien. On a le goût de devenir un des locaux tellement c'est convivial et confortable.
Les murs en bois de ce bar détaillent une partie de l'histoire brassicole de la campagne du pays
Šnekutis (succursale de la vieille ville),
au Šv. Stepono gatvé 8
au Šv. Stepono gatvé 8
Valentas, propriétaire et barman des plus énigmatiques
Plus facile d'accès que la succursale de la république auto-proclamée d'Užupis (qui est tout de même dans le vieux centre de Vilnius), ce Šnekutis original de la rue Stepono est l'antre de Valentas, son propriétaire-fondateur. Il avait tout d'abord fondé un Šnekutis dans le village de Pasvalys, dans le nord-est du pays, là où de nombreux brasseurs traditionnels évoluent, mais il s'affaire maintenant à propager la bonne nouvelle en ville. Après tout, très peu de gens, lituaniens ou non, visitent la région des brasseurs. Au décor plus européen, cette succursale ne surprend pas autant que celle d'Užupis et peut apparaître un peu plus froide. Cependant, les soubresauts de Valentas, qui aime faire rire (ou faire peur) aux clients avec ses acrobaties moustachues et ses sourires cinglés, animent l'endroit et la sélection de bières artisanales est de qualité similaire à la succursale d'Užupis. On prend plaisir à visiter les deux succursales de Šnekutis selon notre horaire de visite en ville.
Alaus Namai,
au Alberto Goštauto gatvé 8
au Alberto Goštauto gatvé 8
Fréquentée en majorité par des étudiants, cette 'maison de la bière' (Alaus Namai) attire une clientèle ouverte d'esprit, prête à découvrir les saveurs des brasseurs campagnards. La sélection de bière est intelligemment choisie, se différenciant des Šnekutis avec les bières de petits brasseurs tels Ramūno Čižo et Su Puta. Les lieux, dans un sous-sol, ne charment peut-être pas autant que les Šnekutis, mais les tours à fûts, la cuisine locale de qualité et la sélection éclectique de bière nous obligent à visiter ce bar en priorité lors d'un séjour de quelques jours en ville.
Certaines tours à fûts du Alaus Namai donnent vraiment le goût d'essayer ces bières
Bambalyne,
au Stikliu gatvé 7
au Stikliu gatvé 7
Cette cave à bières ne sert peut-être que des bouteilles, mais celle-ci vous donnera donc accès à des produits que vous ne pourrez retrouver dans les bars nommés précédemment qui se concentrent sur les bières en fût. Vous trouverez donc ici, sous les voûtes en brique, attablés à des meubles antiques, des bières en bouteille de l'excellente Kupiškio Alus, de Butautu et peut-être même de Kurklių, si vous êtes chanceux. Les prix sont très abordables (c'est d'ailleurs le cas pour tous les bars à bière mentionnés dans cette chronique) et le décor nous donne le goût de s'approprier une des salles et d'y passer la soirée avec des amis sans considération pour les tablées voisines.
Autres arrêts méritoires
Quelques ruines dans la vieille ville autrement bien préservée
S'il vous reste encore du temps et la soif nécessaire pour visiter d'autres endroits spécialisés de Vilnius, sachez qu'il reste encore plusieurs bars où s'abreuver de bières lituaniennes de qualité. Le bar de Vilniaus Alus par exemple (au Pilies 6), met en valeur les bonnes bières de cette microbrasserie de la capitale, de son excellente Kvietinis (une bière de blé au caractère unique) à ses bières ultra fortes surprenantes. La ville abrite aussi quelques brouepubs, comme le Prie Katedros (au Gedimino 5) et le Busi Trecias (au Totoriu gatvé 18), qui concoctent de bonnes bières de soif somme toute génériques. Mais nous vous sommons de visiter en toute hâte les 4 premiers établissements mentionnés plutôt dans ce billet avant ces brouepubs qui ne possèdent pas assez de caractéristiques pouvant les ancrer dans la tradition brassicole lituanienne.
Pour la suite de guide de voyage brassicole, nous nous dirigerons vers les campagnes reculées où habitent les brasseurs que nous convoitions tant... premier arrêt, le hameau de Pakruojis!
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