Le chais du Trou du Diable tel que vu par David Gingras, photographe
Et c’est sincèrement sans regret que j’ai entrepris un tel
plongeon vers l’infidélité. Pas que ma concubine habituelle fut
insatisfaisante. La bière, après tout, m’a accompagné fidèlement dans moult
moments joyeux et moins joyeux. Cependant, après quelques années de fidélité
indéfectible, et sans les attaches habituelles du contrat de mariage de la société
civile dans laquelle on vit, je me dis qu’il serait sans doute approprié
d’explorer davantage le vaste étendue des flaveurs disponibles à l’amateur de
breuvages alcoolisés. Pourquoi se limiter au jus de malt quand il existe aussi
du jus de raisin. Certes, au Québec, le raisin fermenté s’avère généralement
plus dispendieux que son homologue céréalier. Néanmoins, le fruit propose
quelques saveurs que la céréale peine à rendre aussi judicieusement, qu’il s’agisse
de tannins ou d’acidité. Comment l’amateur de bière montréalais que je suis
peut-il accéder à un univers de pH dérisoire digne de celui du vin sans acheter
un aller-simple pour Bruxelles et son Pajottenland connexe. Peut-être serait-il
plus simple d’opter pour une bonne canisse de petits fruits du vieux continent
en vente libre à la SAQ afin d’assouvir nos fantasmes de liquides non basiques.
Bref, j’accepte l’étiquette de traître et continuerai
vraisemblablement de la porter au gré de mes goûts évolutifs. Le vin joint
encore mon âme et plus qu’occasionnellement. En particulier, j’apprécie sa
capacité à m’insuffler le souffle d’humilité propre au débutant. Vous vous
rappelez vos premières incursions dans l’univers de la bière? Vous vous
souvenez comme la moindre référence à un style dont vous ignoriez précédemment
l’existence suffisait à vous extirper une chair de poule en bonne et due forme?
Ces temps sont-ils révolus? Vos connaissances seraient maintenant trop
raffinées pour vous permettre d’accéder à la béatitude toute naturelle du
« débutant »? Quel meilleur raccourci que de trahir, l’ombre d’un
instant, la bière pour lui préférer son rival favori : le vin. C’est une
question à laquelle je n’ai pas tenté de répondre, ayant préféré cédé sous la
pression du choix et surtout, sous la densité du jus de raisin non fermenté. Allez, appellation qui m'est inconnue, fais-moi explorer un territoire qui m'était jusqu'ici inconnu. Fais-moi ressentir la douce allégresse que seul l'innocent peut ressentir... Vivement la relation amoureuse à ses balbutiements, vivement la découverte de l'inconnu.
Will you drink to that?
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