2e partie: est-il possible de servir des bières en fût à des niveaux de gazéification et à des températures variés?
Cet article est la suite de celui-ci, traitant de la gazéification standard des
bières en fût en Amérique du Nord
Shaun Hill, maître-brasseur émérite de la
brasserie Hill Farmstead, sert ses Saisons au-delà de 3 volumes de Co2 à son
salon de dégustation vermontois. Faites la remarque à certains tenanciers de bar à
bière de spécialité et il y a de fortes chances qu'ils vous fixent, incrédules.
C'est que les systèmes de gazéification qu'achètent les bars nord-américains
sont plus souvent qu'autrement limités à 2,9 volumes de Co2. Et même à 2,9 volumes, ça risque de mousser de façon incontrôlable...
Comment fait-il? Premièrement, ses lignes de
fûts dédiées à ses Saisons sont munies d'un régulateur de débit (flow control faucet) et mesurent 3/16''. Il peut ainsi laisser passer une gazéification et une pression
d'intensités considérables sans danger. Également, il n'a pas un pub de grande envergure, ce qui facilite grandement le service en cas de problème. Mais en bout de ligne, la bière d'inspiration
belge qu'il nous sert possède presque le même corps et le même étalement de saveurs que
sa version conditionnée en bouteille. Il considère que ses Saisons s'expriment mieux ainsi, alors il veut que le service en fût fasse honneur à ses bières de ce style...
Shaun Hill, dégustant une de ses bières en fût lors de son passage au Siboire en 2011
Tørst, un nouveau bar à Brooklyn, se targue de pouvoir contrôler la gazéification une ligne de fût à la fois et ce, à plus grande échelle. Les propriétaires (du restaurant Noma et de la brasserie Evil Twin, au Danemark) se sont munis d'un flux capacitator, capable de gérer la gazéification, et même la température, de toutes leurs bières. Une petite merveille d'ingénierie qui fait que chaque bière vendue sur place se voit servie exactement tel que le brasseur, ou le tenancier de bar, le souhaite. Du moins, c'est ce que les proprios prétendent pour l'instant (le bar vient tout juste d'ouvrir et fait présentement ses preuves auprès de la clientèle).
L'îlot du Goodbeer Faucets, à Tokyo
Même si le Tørst a fait les manchettes récemment grâce à son système ingénieux, il ne faut pas passer sous silence l'apport japonais à la cause des textures de la bière en fût. Plusieurs bars de spécialité au pays du soleil levant possèdent déjà un système très similaire au flux capacitator du Tørst. Le Goodbeer Faucets à Tokyo mène le bal, faisant la promotion de son système de confection artisanale à tous ceux qui s'émerveillent devant les nombreuses aiguilles au-dessus des robinets. Conçu par Teruya Hori, le concept jouit d'une nouvelle popularité au Japon, apparaissant récemment dans plusieurs bars servant de la bière de qualité, de Tokyo à Osaka. La présentation esthétique des cadrans fait également jaser presque autant que la liberté avec laquelle les tenanciers peuvent travailler la texture de chaque bière qu'ils proposent. Ils peuvent notamment doser le mélange de Co2 et d'azote différemment pour chaque ligne de bière en plus d'avoir des températures de service individuelles pour chaque ligne également. Inspirant, n'est-ce pas? On croirait être en train de témoigner d'une nouvelle phase d'évolution de l'univers brassicole...
Tout cela a l'air bien beau et bon; mais la réalité de la majorité des bars nord-américains est que l'implantation et la gestion de tels systèmes pourrait être un casse-tête majeur. Dans le prochain article, nous partagerons les points de vue de plusieurs brasseurs québécois de renom question de mieux comprendre les enjeux. Après tout, ce n'est pas de la petite bière de contempler une telle évolution au service de la bière en fût!
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