Vous
connaissez tous par cœur le goût de la framboise ou encore de la fraise.
Pourquoi alors dans une même bière, goûtez-vous la framboise alors que votre
conjoint(e) goûte la fraise?
Un second volet
est celui de la base de référence des flaveurs. Si vous vous comparez à votre
ami(e) de cœur de longue date avec qui vous partagez la grande majorité de vos
expériences culinaires, vos référentiels devraient être plus rapprochés que si
vous vous compariez à un Coréen du Nord. Vos framboises devraient a priori goûter
à peu près la même chose que celles de votre dulcinée.
Un troisième
volet est celui des multiples influences externes. Celles-ci peuvent aller de
l’influence des pairs à la couleur. Si trois personnes vous disent que ça goûte
la fraise alors que vous croyiez initialement que ça goûtait la framboise, vous
finirez sans doute par y dénicher une note ou deux de fraise vous-même. Similairement,
si une bière est noire, vous avez plus de chance d’y déceler des parfums de
café que si elle est blonde.
Ces trois
premiers volets peuvent être l’objet de discussions intéressantes, mais c’est
plutôt sur un quatrième volet que nous voulons nous pencher davantage. Celui
des prédispositions de chaque goûteur. Nous voulons toutefois traiter le sujet
selon une théorie un brin intellectuelle (parce que nous avons du temps à
perdre), mais aucunement documentée par des preuves scientifiques (parce que
nous n’avons pas tant de temps que ça à perdre).
Notre théorie
implique donc de considérer une expérience théorique dans laquelle beaucoup
beaucoup d’humains sentiraient des verres de la même eau dans lesquels des
extraits purs de diverses saveurs auraient été ajoutés à une multitude de
degrés de concentration. Ils devraient alors tenter d’identifier si une saveur
est présente ou non dans chaque échantillon. En compilant les résultats, nous
constaterions que certaines saveurs se détectent à des niveaux de concentration
relativement faibles, d’autres à des concentrations plutôt élevées. Certains
cobayes seraient très doués pour détecter la fraise, mais moins doués pour la
banane. D’autres encore s’avèreraient très sensibles à l’oxydation, mais peu à
l’acétaldéhyde (pomme verte). Et ainsi de suite.
La base de
données résultant de l’expérience permettrait de déterminer des constats
géographiques. Les Indiens seraient probablement plus aptes à détecter la
mangue que les Scandinaves qui seraient plus doués pour détecter les groseilles.
Elle permettrait aussi de déterminer certaines statistiques pour un humain
moyen, les caractéristiques de cet humain moyen pouvant être ajustées selon des
variables comme son sexe, son âge et, comme on vient de la voir, son pays
d’origine.
On dresse le profil du dégustateur en faisant le rapport, pour chaque flaveur, entre le niveau de concentration auquel un humain moyen parvient à la détecter et les niveaux de concentration auxquels le dégustateur (Ludger et Jeanne) parvient à la détecter. Plus le rapport est élevé, plus le dégustateur est sensible à la saveur. Il la détecte alors relativement facilement, si bien qu’il la décèle en faible concentration. Notre exemple est volontairement exagéré, mais on constate que Ludger obtient de très nombreux chiffres plus élevés que un alors que Jeanne est très majoritairement sous un. Ceci implique que Ludger est un goûteur très sensible à la majorité des flaveurs. Extrêmement sensible, même. Il détecte le beurre à des concentrations cinq fois moins élevées que l’humain moyen. Jeanne est pour sa part moins sensible, que ce soit dû à son âge, à son tabagisme ou simplement à une situation innée. Dans le cas du citron, on constate que Jeanne a un ratio de 0,03. Elle a besoin de 33 fois plus de citron dans son verre pour le détecter qu’un humain moyen. On peut imaginer pour des cas si extrêmes que ce soit une flaveur avec laquelle Jeanne n’est simplement pas très familière.
Nous avons
toutefois connu plusieurs individus, incluant nous-mêmes dans certains cas, qui
ont une très grande difficulté à identifier certaines flaveurs, que ce soit le
diacétyle, l’oxydation, ou encore le DMS (sulfure de diméthyle au goût végétal)
dans une bière. Dans certains cas, certains individus semblent carrément
incapables d’identifier certaines flaveurs peu importe le degré de
concentration. Ces constats d’insensibilité ne sont pas si rares, si bien que
nous soyons portés à croire que pour chacune des flaveurs, ou bien les
écarts-type sont très grands, ou bien la distribution n’est pas gaussienne et
implique de nombreuses valeurs extrêmes. Soit dit en passant, nous avons aussi
souvent croisé des dégustateurs d’une sensibilité déroutante à l’égard de
certaines flaveurs. Ils la perçoivent dans presque toutes les bières.
Voilà, c’était
notre théorie de la différence de perception des saveurs entre chaque individu.
Nous avons tous des seuils de détection différents des saveurs auxquelles l’univers
de la bière nous confronte. Conséquemment, dans une même bière, nous décelons
des arômes qui sont complètement différents de nos pairs, même si nous sommes
habitués de partager nos meilleures bouteilles avec eux. Qui plus est, la bière
est une boisson si complexe que l’interaction des différentes saveurs influence
nos perceptions. C’est ce qu’on appelle la théorie de la relativité, mais n’allez
pas y trouver la moindre correspondance avec les écrits d’Einstein. Bref, nous
n’apportons rien de nouveau, mais vous l’aurez peut-être lu ici en premier et
si suffisamment de lecteurs font le même constat, peut-être pourrons-nous un
jour revendiquer la paternité de l’idée.
P.S. : Si
jamais il vous prend l’envie de réaliser une étude scientifique visant à
développer davantage ces élucubrations, nous vous offrons la première bière.
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Nous ne nous attendions pas à ce que vous vous rendiez au bout d'un texte si aride et si long. Bonus, donc! Voici les 12 rondes de notre dégustation 3e anniversaire pour laquelle nous avons tiré au hasard une vingtaine de lecteurs.
Ronde 1
Ronde 2
Ronde 3
Ronde 4
Ronde 5
Ronde 6
Ronde 7
Ronde 8
Ronde 9
Ronde 10
Ronde 11
Ronde 12
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