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9 sept. 2010

Décrire la bière | Orval (partie 3)

Conteur : C’était un bel après-midi d’automne, mon fidèle Rex me lança un de ses regards obliques dont il possède le secret et je compris. L’heure était arrivée. L’Orval m’attendait. Dès lors, je fus ébahi par sa bouteille à l’allure d’une quille miniaturisée facilitant le versage. Je la transvasai ainsi en ma fidèle coupe, laquelle reçut un liquide aux couleurs de couchers de soleil au-dessus duquel prend son pied une dentelle à l’étalement empli de relief. Ses effluves décapèrent par leur originalité toute naturelle, rappelant le cidre de pomme, les fruits tropicaux ainsi que la ferme. La première gorgée me stupéfia, emplissant mon être d’une attention particulière aux doux parfums herbals et secs, culminant dans une pointe d’acidité arborant une palette fruitée hors du commun, allant de l’abricot à la banane, de la poire au pamplemousse. Je la consommai avec ardeur, dans un temps si infime qu’il m’exaspère toujours quand je me remémore l’état de grâce qui m’habitait. Je regagnai donc ma routine avec nostalgie, mon fidèle Rex à mes côtés, me lançant des dagues des yeux, toujours aux aguets des réactions secondaires potentielles de mon initiation.

Romantique : Telle une conquête nouvellement acquise, l’Orval se love dans son monacal, mais élégant calice gracieusement, voulant s’assurer de sa mainmise sur notre cœur. Son enivrant parfum d’eau de rose contraste avec ses suintements secs et pointus rappelant le dur labeur de ses créateurs. Cette émérite séductrice offre une leçon d’humilité à quiconque s’en enflamme en fournissant moult tergiversations qui compliquent la tâche de son amadouement. Elle demeure mystérieuse même après des années de vie commune, réservant ça et là les surprises les plus inattendues, que ce soit par ses pointes poivrées ou encore ses monologues terreux.

Une infinité d’options s’offrent à nous, amateurs que nous sommes, passant parfois par les sentiers battus et efficaces de la description directe, mais tout aussi souvent par le renforcement de notre message inhérent à un texte éclaté qui corrobore la difficulté de la bière concernée. Que nous choisissions des phrases complètes ou une énumération toute bonhomme de mots pertinents, ultimement, ce qui importe demeure de ne pas se priver de ce bonheur facile d’accès qu’est le développement d’un style littéraire de dégustation favorisant tout à la fois l’érudition, la mémoire des produits dégustés et l’appréciation de ces derniers.


19 août 2010

Décrire la bière | Orval (partie 1)

Lorsque vient le temps de décrire une bière, son effet sur le dégustateur que nous sommes, plusieurs se montrent inconfortables et hésitants. En effet, un labyrinthe de possibilités s’offre à nous, chacune jouissant de ses moments propices. En général, nous assisterons chez les protagonistes à l’usage d’un style littéraire qui leur convient, le mathématicien penchant pour un style précis et concis, le poète se baladant d’envolées lyriques à gradations emphatiques.

Je me propose ici d’explorer quelques-uns des modes discursifs s’offrant à l’amateur francophone par l’entremise de l’outil de prédilection et sujet de recherche qu’est l’Orval, vraisemblablement connue de la plusieur de nos lecteurs, les autres écopant d’un devoir de recherche à son sujet d’ici la prochaine parution. (indice : elle est disponible à la SAQ)


Analytique : Couleur orangée, voilée. Mousse très dense qui laisse des traces sur les parois et reste en place longtemps. Arômes légèrement maltés (noisette), très houblonnés (fleurs, agrumes) très levurés (épices – sauge, moisissure, ananas, boîte à pain). Goût peu sucré, légèrement salé. Finale très amère, très sèche. Effervescence très forte, rondeur moyenne.

Prosaïque : S’affublant d’une légendaire dentelle ivoire, ce nectar arbore une robe sable affichant un immanquable désir de liberté par une activité gazeuse soutenue. Délicatesse et fermeté s’allient dans un tango de complexités. D’étonnantes ramifications florales et fruitées trahissent un houblonnage à cru chirurgical dans sa précision, alors que les sauvagesses, brettanomyces, attaquent l’imaginaire d’intonations de fromage bleu moisi, de foin frâichement taillé, de pain déconfi. Étalement de flaveurs d’une unité nous laissant en pâmoison, d’une délirante difficulté. Son décryptage reste une tâche interminable qu’il fait bon entreprendre en ces matins où le cran nous tient en tutelle.