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23 déc. 2010

Où vont les prix de la bière (dernière partie: la segmentation du marché)

La dernière fois, nous avons couvert les facteurs influençant l’offre de bière et conclut qu’il y avait un biais dans l’offre dans le milieu de la bière artisanale. Si vous avez manquez ces interventions, il n'est pas trop tard pour remédier à cette lacune:
Où vont les prix de la bière? (partie 1)
Où vont les prix de la bière? (partie 2)


Voyons maintenant comment nous pouvons arriver néanmoins à une conclusion quant à nos anticipations des prix futurs.

Le marché de la bière est fortement segmenté. En particulier sur le plan géographique. Plusieurs des nouvelles microbrasseries ne tirent qu’une faible portion de leurs revenus de la vente de bouteilles. Les broue-pubs survivent davantage grâce à leur pub et souvent grâce au restaurant qui y est intégré. Les broue-pubs sont donc à la fois dans l’industrie de la bière artisanale, dans celle de la restauration et dans celle des bars. Ça fait plusieurs chapeaux à porter! Une des particularités communes de ces industries est qu’on ne vend pas seulement une saveur et une image à un certain prix comme dans l’industrie de la bière embouteillée. On vend aussi une atmosphère, un décor, une qualité de service à la clientèle…

Une autre forme de segmentation du marché de la bière est liée aux brassins spéciaux versus la gamme régulière. Plusieurs brasseries ajoutent à leur éventail régulier des crus spéciaux qui sont commercialisés comme tel, par exemple une fois l’an et dans une bouteille particulièrement spectaculaire.

Nous pouvons séparer l’industrie de la bière artisanale en plusieurs secteurs :

1- Les broue-pubs

2- Les bouteilles régulières

3- Les brassins spéciaux


1- Les broue-pubs


Portrait : Le marché des broue-pubs n’est pas encore saturé. Plusieurs villes québécoises de taille considérable n’ont pas encore de broue-pub et pourrait très bien en supporter un. La taverne de billard du coin pourrait acheter l’équipement et brasser sa propre bière avec un peu de planification. Elle devrait investir d’importantes sommes au départ, mais pourrait les récupérer à l’aide des marges de profit supérieures sur la bière-maison.


Le prix de la bière dans les broue-pubs dépend de plusieurs facteurs au-delà de la bière elle-même. Plus le broue-pub se distingue positivement de l’offre locale aux yeux des consommateurs, plus il peut hausser ses prix sans que son achalandage ne diminue de façon marquée. Il est donc difficile de généraliser quant à l’évolution future des prix de la bière dans les broue-pubs, mais nous pouvons supposer que la hausse devrait être proportionnelle aux coûts des matières premières.

Conclusion : hausse des prix excessive peu probable


2- Les bouteilles régulières


Portrait : Les bouteilles régulières se trouvent maintenant par centaine sur les tablettes des dépanneurs spécialisés. Comparativement aux broue-pubs, on se rapproche davantage d’une concurrence parfaite où le prix serait le seul facteur dictant les préférences des acheteurs. Néanmoins, les produits sont très différents tant par leur goût que par leur présentation. Nous affairons donc plutôt à une concurrence monopolistique. Les microbrasseurs développent une image à laquelle ils tentent de fidéliser les buveurs afin de se créer un mini-monopole auprès de ces fidèles. Ensuite, ils peuvent jouer davantage sur le prix.

photo: labarik.com


Dans ce contexte, les prix afficheraient une tendance haussière certaine. Néanmoins, la hausse rapide et soutenue du nombre de concurrents rend les produits autrefois uniques de moins en moins distinctifs. Les brasseurs ne peuvent donc pas se permettre d’afficher le prix qu’ils désirent sur leurs produits réguliers. Les substituts étant de plus en plus rapprochés, la facilité pour le consommateur de changer de marque devrait freiner la hausse des prix. Les brasseurs sont aussi devenus trop nombreux pour qu’il y ait collusion sur une hausse des prix. Un brasseur rebelle viendrait certainement briser de telles unions en voulant profiter de ventes accrues par ses coûts moins élevés.

Conclusion : hausse des prix excessive peu probable


3- Les brassins spéciaux

photo: ratebeer.com


Les bières spéciales, presque toujours vendues plus de 10$, souvent en emballages cadeaux, s’apparentent davantage à des produits de luxe qu’à des bières de tous les jours. Les amateurs ont tendance à les essayer une fois et à n’y revenir qu’exceptionnellement.

Ici, le Québec est pour l’instant encore au stade d’oligopole. Ces produits sont encore distinctifs principalement à cause de leur rareté. Les recettes se différencient beaucoup moins qu’elles ne le faisaient auparavant, alors que les bouteilles régulières offraient une variété inférieure. On mise sur la rareté en ne produisant qu’une petite quantité et en commercialisant le tout sous un emballage spectaculaire.


Pour l’instant, ça fonctionne et ce créneau a vu ses prix croître de façon très rapide. Auparavant, la petite quantité jumelée au profit intéressant ne justifiait pas un intérêt particulier à ce secteur d’activité de la part des brasseurs. Maintenant, les quantités demeurent petites (les gens ne font pas plus de cadeaux qu’avant) tandis que les profits sont plus élevés, rendant le créneau plus attrayant. On peut donc s’attendre à ce que plus de brasseurs s’attaquent à ce marché et la conséquence directe est qu’ils ne pourront plus se permettre de hausser les prix spectaculairement à moins d’avoir un produit réellement unique.


Sur une note plus personnelle, j’implore aux brasseurs de s’assurer que leurs brassins spéciaux vendus à des prix stratosphériques soient des recettes qui résistent bien au passage du temps puisque ces produits tendent à demeurer longtemps sur les tablettes et risquent alors de décevoir.

Conclusion : Les prix croîtront encore, mais devraient se stabiliser avec l’arrivée d’une véritable concurrence.


Voilà, je ne m’attendais pas à ce que la sauce s’étire autant, mais il est difficile de généraliser sur une industrie qui est si tentaculaire.


Et vous, dans quelle direction croyez-vous que les prix vont évoluer?

25 nov. 2010

Où vont les prix de la bière (partie 2: l'offre)

La dernière fois, nous avons couvert les facteurs influençant la demande de bière et conclut que les prix risquaient d’augmenter. Si vous avez manqué l'intervention précédente:
Où vont les prix de la bière? (partie 1)

Voyons maintenant si cette tendance ne pourrait pas être renversée par d’autres facteurs.

Principaux facteurs faisant varier l’offre de bière

Prix des matières premières

Portrait : Une hausse soutenue des prix des ingrédients, principalement du malt, diminue la rentabilité de l’industrie et la rend moins attrayante aux yeux des investisseurs. Ils recherchent alors de meilleurs investissements. Actuellement, bien malin est celui qui sait dans quel sens évolueront les prix. Par exemple, la fameuse pénurie de houblon qui faisait grincer des dents tous les brasseurs du monde appartient désormais au passé; les prix sont très volatils. Pour tout vous dire, si j’avais la moindre idée des niveaux qu’atteindront les prix des ingrédients au cours des prochaines années, je serais en train de convertir cette information en profit au lieu de perdre mon temps à bloguer pour une poignée d’irréductibles lecteurs (on vous aime Albertine, Alphonse et Gontrand!)

Conclusion : de façon générale, les économistes s’attendent à des hausses de presque toutes les ressources cultivées. On pourrait donc s’attendre à une diminution de l’offre et par conséquent des prix, mais qui sait?

Contraintes légales, interventions gouvernementales

Portrait : Les démarches à entreprendre pour démarrer une microbrasserie demandent un réservoir inépuisable d’énergie. Les délais d’obtention des permis en rebutent plus d’un. Impossible d’être microbrasseur sans ceux-ci. Des pressions sont parfois exercées auprès du gouvernement pour faciliter l’accès au marché, mais avouons que les brasseries déjà établies n’ont plus avantage à ce que de nouveaux joueurs entrent dans le marché; le lobbysime demeure donc à faible portée. En revanche, le gouvernement est loin d’être fidèle à ses propres convictions en n’assurant aucun contrôle des bières sur nos tablettes. Ce serait un sujet pour un autre article que de déterminer si le gouvernement devrait s’impliquer davantage en ce sens, mais rien n’indique que des interventions gouvernementales viennent compliquer davantage les contrôles entourant la fabrication et la mise en marché de la bière. À l’inverse, aucun indice ne laisse présager que le gouvernement se mettra à subventionner l’industrie outre mesure. Conclusion : statu quo


Changements technologiques


Portrait : Si un de nos savants biérophoux inventait une embouteilleuse plus efficace que tout ce qu’on trouve sur le marché, qui ne prend pas de place et qui coûte 100$, gageons que nous verrions déferler beaucoup de nouveaux produits en bouteille. En effet, les coûts de production seraient amoindris. À part ces utopies, l’industrie de la bière artisanale ne subit pas vraiment de chocs technologiques extérieurs majeurs.
Conclusion :
statu quo

Encore ici, d’autres facteurs pourraient être invoqués, mais globalement, nous retirons de cet exercice qu’il est difficile de prédire dans quelle direction l’offre évoluera à moins de disposer de la boule de cristal de Monique Jérôme-Forget qui permet d’écarter tout doute résiduel quant aux futurs prix des matières premières.

Y aurait-il un biais de l’offre?

J’ajouterais toutefois un facteur digne de mention qui ne figure pas aux manuels d’économie classiques. La bière artisanale est un milieu d’artisans. Les gens qui s’y aventurent occupaient souvent des emplois bien rémunérés avant de tout lâcher et de prendre un risque. Ils ne le feraient pas s’ils n’avaient pas espoir que leur passion leur permette éventuellement de mettre du pain sur la table. Cependant, ils ne le font pas nécessairement dans la logique pure de l’investisseur cherchant à maximiser son profit, un postulat sous-tendant les théories économiques. Pour un artisan, vivre de son art est un profit en soi qui est ajouté à son profit en dollars. L’offre traditionnelle est donc biaisée.

La résultante de ce biais? Nous l’observons à chaque fois que nous croisons un de ces nombreux passionnés qui a entendu l’appel : « Moi, c’est sûr que d’ici cinq ans, j’ai ma brasserie », disent-ils. Peu le font, mais au Québec, on en compte quand même environ cinq par an depuis plusieurs années.

Il y a donc quand même une augmentation de l’offre! Cette hausse d’offre se traduit par un ajout de profondeur au marché et en augmente l’intensité de la concurrence. Et qui dit concurrence dit nécessité d’avoir des prix concurrentiels sans lesquels le client ira cogner sur la porte du voisin. Ainsi, plus nous avons de brasseries, plus celles-ci ont intérêt à limiter la hausse de leurs prix de vente (à moins qu’elles ne forment un cartel comme les pétrolières!).

Il s’agirait donc de déterminer si la pression à la hausse sur les prix exercée par la demande en hausse est plus puissante que celle à la baisse exercée par l’offre, aussi en hausse? Sur le marché en général, oui. Dans le marché de la bière artisanale, je n’en suis pas si sûr.

Nous verrons pourquoi lors de notre prochaine intervention...



Pour lire la portion suivante de ce dossier:
Où vont les prix de la bière? (partie 3)