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20 mars 2012

La Traction Ale, du Trou du Diable, à Shawinigan

Photographie signée David Gingras


Nous l'avouons d'emblée: cette fiche grand cru est une tentative peu subtile de manipuler l'équipe du Trou du Diable. Nous désirons cette Traction Ale conditionnée en bouteille afin d'assouvir notre soif de bières sèches, bien houblonnées et désaltérantes. Il y en a si peu dans nos contrées... S'il vous plait?
  
Style : Bière de fermentation haute d'inspiration belge, légère en alcool (3,8%). Le site Web de la brasserie fait mention d'une 'bière à l'ancienne'. C'est une référence directe à Yvan de Baets, de la Brasserie de la Senne (Belgique), qui prône un retour aux sources de la bière; des recettes simples - un seul malt d'orge utilisé, par exemple - un faible taux d'alcool et une sècheresse en bouche qui rend l'expérience encore plus digeste.

Disponibilité : Pour l'instant en fût seulement, à l'occasion, au Trou du Diable et dans certains bars à bière spécialisés où des bières du Trou du Diable apparaissent à l'ardoise de temps à autre. Mais lorsque la capacité de production augmentera considérablement à la nouvelle microbrasserie shawiniganaise, pourrait-on peut-être s'attendre à quelques bouteilles? ... S'il vous plaît?

Le coup d’œil : Une tuile de mousse ivoire chevauche la blondeur voilée, blanchâtre.

Le parfum : Un bouquet de fleurs des plus parfumés penche vers un fruité-bonbon, laissant poindre quelques bouts herbacés. Décidément, le caractère de fermentation et les houblons choisis ne font qu'un. Et ça ne fait que commencer...

En bouche : Des céréales croquantes bondissent sur la gazéification piquante, se frottant au passage à des houblons herbacés, résineux et floraux. Impossible de ne pas s'y lancer à grandes gorgées tellement c'est rafraîchissant, sec et plein de caractère.

La finale : Quelques citrons traversent le mur de bulles et allègent la sècheresse d'une fine couche acidulée, alors qu'une amertume résineuse, gazonnée s'installe sur les papilles pour de langoureux moments.

Accords : Salade verte, osso bucco garni de gremolata, fromage à pâte semi-ferme ou même un fromage à pâte molle à croûte fleurie. En d'autres mots, c'est une bière très polyvalente! Si vous n'avez pas faim, un hamac et un chapeau de paille feront le travail aussi vaillamment...

Pourquoi est-ce un grand cru? : Les bières sèches ET peu alcoolisées sont denrées rares au Québec. Qui plus est, celle-ci séduit de sa complexité, tout en étant ravissante de sa généreuse tenue houblonnée. Finalement, cette bière shawiniganaise possède un profil de saveurs aussi relevé que toute bière goûteuse au-delà du seuil des 5-6% d'alcool.

Si vous avez aimé, essayez aussi : La Schieve Tabarnak, une collaboration du Trou du Diable et de la Brasserie de la Senne (Belgique), la Wallonade du Dieu du Ciel!, et la Clara de Hill Farmstead (Vermont).


6 sept. 2011

La Petite Côte, de La Succursale, à Montréal


Le tout nouveau brouepub La Succursale n’a que quelques mois d’existence et déjà il impressionne. Le brasseur lui, Jean-Philippe Lalonde, a aiguisé son fourquet dans diverses brasseries de par la province avant de se lancer corps et âme dans ce projet. Ce qu’il concocte maintenant à sa brasserie du Vieux Rosemont est souvent impeccable. Il faut d’ailleurs une rigueur et un savoir-faire exemplaires afin de rendre justice à une bière toute fragile comme La Petite Côte. Encore un grand cru québécois!

Style : Kölsch. Plus précisément, c’est une bière blonde endémique à la ville de Cologne, en Allemagne, qui est conçue de malts Pilseners, parfois d’une touche de blé, et houblonnée de variétés nobles telles que le Hallertau, le Tettnang ou le Spalt Select. C’est une bière qui fermente à température haute (comme les ales anglaises, par exemple) mais qui se conditionne à température basse (comme les lagers), faisant d’elle une bière dite hybride. Bien exécutée, la Kölsch est le mariage parfait de l’élégance et du rafraichissement.

Disponibilité : Elle est toujours au menu ! Impossible de la manquer donc lors d’une visite à La Succursale. Vous pouvez d’ailleurs la déguster dans de petits verres de 200ml, tel que le dicte la tradition de Cologne, ou en pinte, ce qui est plus commun en Amérique. Inutile de dire qu’un petit verre ne suffit pas à satisfaire notre soif d’une bonne Kölsch comme celle-ci. Par contre, son contenu n’a jamais le temps de trop se réchauffer exagérément puisqu’on peut le vider assez rapidement. C’est l’avantage de commander en petits verres…

Le coup d’œil : Une tuile de mousse recouvre la robe dorée limpide.

Le parfum : Les céréales sont proéminentes. Si vous ne savez pas ce que le malt Pilsener peut offrir comme arôme, cette bière vous en donnera un exemple raffiné. On imagine de belles céréales croquantes enduites d’un soupçon de miel.

En bouche : Bien que le fruité de la levure soit plus discret dans La Petite Côte que dans certains exemples Kölsch de Cologne, on ne se lasse pas moins des superbes notes de malt d’orge, parfaitement définies. De petites bulles picotent la langue, rapidement recouvertes de légers sucres résiduels approchant le miel. Des houblons herbacés et légèrement boisés apparaissent à l’horizon gustatif, équilibrant presque l’apport des malts.

La finale : Les houblons nobles chatouillent les céréales qui elles entonnent de nouveau leur douce sérénade. L’amertume est des plus délicates. Nous ne sommes pas en présence d’une bière arrache-palais, mais plutôt d’une bière de soif hautement définie.


Accords : À Cologne, la Kölsch accompagne tout, même les plats les plus riches (saucisses, pièce de viandes en sauce, etc.). Elle est facile à boire et relativement sèche, donc elle sert à désaltérer tout en adjoignant de subtiles saveurs de céréales et de houblons herbacés à ce que l’on mange. À La Succursale, La Petite Côte ira à merveille avec le pot Mason de choucroute à la bière, épicé de quelques bouts de saucisses pleines de caractère.

Pourquoi est-ce un grand cru? : Un style si délicat ne laisse aucune place à l’erreur. Le maitre-brasseur met ses habiletés à nu. C’est peut-être pourquoi si peu de brasseurs chez nous essaient ce style… Qu’à cela ne tienne, La Petite Côte ne rate aucun de ses objectifs, en plus de posséder une petite touche personnelle que les exemples authentiques n’ont pas (son malt d’orge canadien se démarque des exemples allemands).

Si vous avez aimé, essayez aussi : Dieu du Ciel! Basse Messe (Montréal), Trou du Diable La Pitoune (Shawinigan), The Cambridge House Copper Hill Kölsch (Connecticut).


PS. Si vous désirez lire davantage sur les Kölsch, voici nos deux articles (1 et 2) sur Cologne, écrits dans le cadre de notre guide de voyage brassicole sur l'Allemagne.

6 juin 2011

Suggestions pour le Mondial de la bière - deuxième partie

Sans plus tarder, voici donc quatre autres catégories qui ont comme objectif de vous guider vers les meilleures bières du Mondial de la Bière, selon vos goûts du moment:

Top 5 « Bières de soif »

Pour cette catégorie, nous vous recommandons de prendre des échantillons doubles. C'est que ces bières, en plus d'être légères en bouche, dévoileront un subtil étalement de saveurs suite à plusieurs gorgées. Après tout, vous avez soif, non?

-Brouhaha Blanche Soleil (Montréal) : La Witbier belge a inspiré plusieurs brasseurs québécois et la Blanche Soleil est un des exemples les plus rafraîchissants du style. Coriandre et écorce d’orange rencontrent houblons épicés, un mariage effervescent dans un corps pétillant.   

-Hopfenstark Ostalgia Rousse (L’Assomption) : De sublimes malts toastés équilibrés par des houblons herbacés. Peu de bières exhibent autant de richesse grillée tout en demeurant désaltérante.

-Fyne Ales Jarl (Écosse) : Comme plusieurs brasseurs du Royaume-Uni, cette microbrasserie produit une panoplie d’ales de soif. Celle-ci est bien citronnée, grâce à son houblonnage généreux évoluant dans un corps presque sec, idéal aux grandes gorgées.

-Moonlight Death and Taxes (Californie) : Une bière de soif… noire! Cette lager présente des saveurs chocolatées dans un corps svelte équilibrés par des houblons boisés et subtilement citronnés. Parfait pour ouvrir l'esprit de quelqu'un qui pourrait avoir peur des couleurs...

-Stone Levitation (Californie) : Fertile en houblons du nouveau monde, voici une ale ambrée qui plaira à ceux qui ne peuvent se passer de parfums d’agrumes et d’amertume résineuse endémiques à la côte ouest américaine.

La cour arrière du restaurant de Stone Brewing au nord de San Diego est à couper le souffle


Top 5 « Liquoreuses et très sucrées »

-Aventinus Eisbock (Allemagne) :  La grande Aventinus Weizenbock, une des bières les plus complexes de Bavière, subit parfois une période de gel afin d’y concentrer ses sucres. Après quelques autres étapes cruciales, nous obtenons une bière capiteuse, emplie de saveurs de fruits séchés, de caramel et de levures au profil épicé, phénolique.

-Boquébière Acéro (Sherbrooke) : Une création unique, ce nectar repousse les limites de la bière. La gazéification est quasi-absente, les saveurs de sirop d’érable dominent les céréales et l’alcool réchauffe le gosier à chaque gorgée. Si vous préférez le miel au sirop d’érable, l’Apico, une autre création hybride du Boquébière, vous sera aussi mémorable.

-Kuhnhenn Barrel-Aged Fourth Dementia (Michigan) : Toffee, vanille, et bourbon évoluent dans un corps gargantuesque, gorgé de sucres résiduels et d’alcool. La décadence liquéfiée; voilà une des forces de la brasserie Kuhnhenn.

-Dogfish Palo Santo Marron (Delaware) : Réglisse, noisettes et figues sont enlacées par les malts caramel de cette ale forte vieillie en barils de Palo Santo paraguayen. Quelques malts rôtis ferment la marche, accompagnés par une légère sècheresse boisée.

-Cheval Blanc Triple Bock (Montréal) : Un festival de malts de type Munich, cette Triple Bock ronde comble toute papille en recherche de desserts élégants. Les céréales caramélisées abondent dans ce profil de saveurs doux et langoureux.

Éloi Déit, maitre-brasseur du Cheval Blanc
Photo de Johann Schlager


Top 5 « Herbacées et florales »

Les bières de cette catégorie ne contiennent pas nécessairement des herbes ou des fleurs. Ce sont plutôt des bières qui présentent un profil rappelant une verdure et les bouquets de fleurs, souvent le résultat d'un judicieux mélange de houblons.

-Jandrain-Jandrenouille IV Saison (Belgique) : Les houblons poivrés et citronnés de cette Saison wallonne survolent des levures aux allures de pâte à pain, construisant un bouquet vivace, complexe et rafraîchissant.

-Southampton Cuvée des Fleurs (New York) : Ici, les parfums floraux proviennent de la lavande, de la camomille, de la marguerite dorée et de la rose sauvage utilisées aux côtés des houblons. Le tout est supporté par des céréales miellées et une gazéification piquante. Merveilleusement différente.

-À l’Abri de la Tempête Terre Ferme (Iles-de-la-Madeleine) : Des céréales biscuitées propulsent herbes, fleurs et agrumes d’une harmonie telle que les saveurs individuelles sont difficiles à dissocier. En plus, elle n'est jamais lourde, invitant de grandes gorgées.

-Super Baladin (Italie) : Fleurs et agrumes séchés grouillent sur un lit de pâte d’amande, créant une pâtisserie liquide des plus surprenantes. Un profil de saveurs qui nous faire presque croire à une promenade dans un souk du Moyen-Orient.

-Trou du Diable P’tite Buteuse (Shawinigan) : D’inspiration belge, cette blondinette désaltère grâce à des houblons herbacés et citronnés soutenus par des esters de bananes et des céréales croquantes. Un autre chef d'oeuvre d'André Trudel, maitre-brasseur du Trou du Diable.

Un festin en entrée au resto-pub du Trou du Diable


Top 5 « Belges brunes et épicées »

-Broadway Pub Don Juan (Shawinigan) : Muscade et coriandre sont liées par des céréales caramélisées et des esters fruités dans cette bière forte d’inspiration belge. Profitez aussi de votre visite au kiosque du Broadway pour leur parler de leur succursale en devenir à Grand-Mère…

-Gouden Carolus Noël (Belgique) : Un profil de saveurs semblable à la bière précédente, avec ses tons de réglisse saillants, son zeste d’orange et son clou de girofle se prélassant sur un coussin malté richement caramélisé. Bref, une bière qui donne le goût de célébrer Noël toute l’année.

-Rochefort 8 (Belgique) : Le corps feutré de cette rutilante trappiste développe des notes de dates medjool, de chocolat et de prunes réchauffés par un jet d’alcool. Le côté épicé de ce grand cru provient surtout des levures et de leurs conditions de fermentation, même si un soupçon de coriandre fait partie de la recette.

-Allagash Four (Maine) : D’inspiration monastique, en voici une qui dévoile un profil épicé grâce à ses levures et à ses houblons nobles. Poivrée et fruitée, sa chaleur d’alcool équilibre un corps riche, soutenant des sucres résiduels suaves.

-Charlevoix Dominus Vobiscum Double (Baie-Saint-Paul) : Effervescente et chaleureuse, voici une autre bière forte québécoise inspirée de la Belgique. Anis étoilé, coriandre, poivre, raisins secs et clou de girofle ne sont que quelques-uns des parfums que vous pourrez percevoir en la dégustant.




Bon Mondial!


Pour notre premier article de suggestions, cliquez ici

24 avr. 2011

La Boson de Higgs, d'Hopfenstark, à L'Assomption


La brasserie Hopfenstark compte déjà plusieurs grands crus à son actif, mais son maître-brasseur ne s'enlisera jamais dans la complaisance. Preuve à l'appui, cette nouvelle création est une de ses recettes les plus imaginatives, voire osées, à avoir été enfûtée. Du même coup, cette Boson de Higgs ne fera pas l'unanimité; nous préférons vous en avertir d'emblée. Elle saura cependant écarquiller les papilles de ceux en recherche de qualité qui demeurent ouverts à la présence d'une saine dose d'excentricité.



Style : Ha! Bonne question. Cette ale contient de généreuses portions de blé et de malts fumés au bois de hêtre et est fermentée à l'aide d'une levure pour Saison belge. De plus, cette fermentation adjoint des notes d'acide lactique en finale. Style? Qui a dit qu'une bière devait être d'un "style" spécifique? Mise en garde: cette bière vous donnera peut-être le goût de brûler votre guide des styles du BJCP...

Disponibilité : Le deuxième brassin vient tout juste d'atteindre les pompes du salon de dégustation d'Hopfenstark. Des bouteilles devraient apparaître sur les étagères de vos détaillants spécialisés sous peu. Frédéric Cormier, maître-brasseur d'Hopfenstark, envisage brasser la Boson de Higgs quelques fois par année étant donné son succès.


Le coup d’œil : Le premier verre issu de la bouteille de 750ml étale une couche de mousse blanche durable sur une robe blonde voilée. Lorsque la lie est rajoutée, lors du deuxième verre, la bière devient aussi trouble qu'une Weizen allemande (par exemple). À vous de décider si vous la préférez avec ou sans la lie.

Le parfum : Une riche fumée de hêtre enrobe les voies nasales dès la première approche. De toute évidence, si vous n'aimez pas la fumée dans une bière, cette Boson n'est pas conçue pour vous. Si vous persistez à y dénicher autre chose, l'arôme vous présentera aussi quelques notes de blé bien grasses, ainsi qu'une touche laiteuse.

En bouche : Des esters de bananes s'immiscent dans la fumée robuste, diversifiant le profil de saveurs. Pendant ce temps, une subtile acidité lactique s'installe, accentuée par des passages citronnés. Le corps est plaisamment svelte, laissant une impression de légèreté malgré la grandiloquence des saveurs.

La finale : On assiste à un lent affadissement du profil de saveurs, dans lequel la fumée et l'acidité lactique coexistent paisiblement, nettoyées par des bulles bien actives.

Accords : Étant à la fois rafraîchissante et pleine de saveurs fumées, cette ale accompagne vaillamment un repas costaud, telle une choucroute garnie ou des saucisses de votre saucissier préféré.

Pourquoi est-ce un grand cru? : En plus d'être le théâtre de saveurs on ne peut plus harmonieuses, cette ale se distingue par son côté digeste. Rares sont les bières sous la barre des 5% d'alcool (celle-ci titre seulement 3,8%!) qui se montrent si généreuses.

Si vous avez aimé, essayez aussi :
Dieu du Ciel! Caserne 30 (Québec), Le Trou du Diable Weizgripp Rauchweizen (Québec), Aecht Schlenkerla Märzen (Allemagne; SAQ).

Frédéric Cormier, dégustant sa Boson de Higgs à la dernière Journée des Grands Crus,
au Siboire, à Sherbrooke

18 avr. 2011

Des grands crus et des grands brasseurs


Dès la première heure de l’après-midi, samedi dernier, la table était mise au Siboire pour une journée de dégustation et de rencontres inoubliables. Alors que visiteurs et invités remplissaient rapidement l’enceinte d’une des plus belles brasseries artisanales du nord-est de l’Amérique, le menu prenait forme sur l’ardoise et les casks se voyaient percés sur le comptoir. Sherbrooke n’avait jamais vu autant de grands crus, et de grands brasseurs, fouler le sol d’une de ses brasseries.


Nicolas Marrant, brasseur de la Microbrasserie Charlevoix, était un des premiers sur les lieux. Sorti de son terroir, il nous fit l’honneur de venir nous présenter sa Roggenbier, une ale allemande confectionnée à partir d’une levure de Weizen et de seigle. Luc Lafontaine, de Dieu du Ciel!, nous offrait quant à lui sa Pionnière, une Impériale Black IPA résineuse et chaleureuse. André Trudel et Dany Payette, du Trou du Diable, partageaient de leur côté leur Dulcis Succubus et leur Buteuse Brassin Spécial, deux bières issues de fermentation mixte vieillies en barriques de chêne. Ils avaient aussi apporté le Nez de Poivrot, un vin d’orge au sirop d’érable, servi par gravité (sans bonbonne de gaz). Teklad Pavisian, du Benelux à Montréal, nous livrait l’Ergot et la Yakima, en plus de nous faire une démonstration de sa grande générosité en s’occupant du perçage des casks. Frédéric Cormier, l’homme derrière le succès de la brasserie Hopfenstark, nous offrait sa Boson de Higgs, une délicieuse création fumée et lactique, impossible à classifier. Alex Ganivet-Boileau, des Trois Mousquetaires, a choisi de nous intriguer de sa version gelée(!) de la populaire Sticke Alt des 3M.


Évidemment, Jonathan Gaudreault, maître-brasseur du Siboire, profitait de l’occasion pour faire une éclatante démonstration de son propre savoir-faire. De la désaltérante Capricieuse, une ale de blé houblonnée de cultivars américains, à la McEis, une version gelée de sa scotch ale à l’érable, le calibre des dégustations était très relevé. Nous croyons fermement que cette vitrine l’a établi, aux yeux des dégustateurs comme des brasseurs, comme une des vedettes émergentes de la scène microbrassicole québécoise.


Pour une partie des voyageurs ayant franchi plusieurs kilomètres pour l’évènement, le clou de la journée était la toute première québécoise de la brasserie Hill Farmstead. Sortie de son bled au beau milieu de la campagne du nord-est du Vermont, elle nous dévoilait pas moins de 4 de ses nouvelles créations; deux Saisons d’inspiration belges, une India Pale Ale et une Double India Pale Ale. Shaun Hill, maître-brasseur louangé de toutes parts depuis l’ouverture de sa brasserie l’an dernier, nous gâtait aussi de trois de ses chefs d’œuvres éprouvés : Edward, une Pale Ale aussi complexe que rafraîchissante, Ephraim, une Double India Pale Ale dont la réputation n’est plus à faire, puis Everett, que vos humbles serviteurs osent toujours, après maintes vérifications, nommer comme étant le meilleur Porter à s’être prélassé sur nos papilles.


Comme si cela ne suffisait pas, nous avons pu aussi discuter avec le toujours sympathique Michaël Parent, maître-brasseur du Boquébière, ainsi qu’avec une des fondatrices de Frampton Brasse, une microbrasserie beauceronne en devenir. Une mention spéciale se doit d’être faite pour souligner la présence des gars de la Microbrasserie Le Naufrageur, de Carleton-sur-mer, qui ont conduit plus de huit heures dans la journée pour venir trinquer avec leurs confrères des brasseries invitées. 16 heures de route en 32 heures… personne ne pourra accuser ces gaspésiens de manquer de passion!

Pour un compte-rendu des succulents accords mets et bières de la soirée, signés Danny St-Pierre, chef du Restaurant Auguste, cliquez ici. Eh oui, la journée des grands crus s’est dotée d’un nouveau volet cette fois-ci! Et c’était ma foi, divinement concluant…

24 janv. 2011

Le Trou du Diable: une célébration du savoir-faire sur fond de créativité

 La Tongka, une des nombreuses bières du Trou du Diable aussi goûteuse qu'inspirée

Il y a cinq ans déjà, un des projets brassicoles québécois les plus inspirés a vu le jour. Fruit de la vision de cinq entrepreneurs aux talents complémentaires, ce Trou du Diable fêtait en effet samedi dernier l'aboutissement d'une phase importante de leur existence. Aujourd'hui, nous sommes forcés d'admettre que la microbrasserie shawiniganaise est plus mature et énergique que jamais.  La qualité de tout ce qu'elle a à offrir - cuisine, bières, service, décor, ambiance - n'est égalée que par une poignée de brasseries artisanales des quelques centaines du nord-est de l'Amérique. Nous avons donc maintenant affaire à une brasserie d'exception.

Tartare de saumon avec pinte de Mactavish et magnifique bouteille de V en arrière-plan

Cette célébration était une occasion pour l'amateur de bières débridées de se pourvoir de bouteilles de quelques-unes des créations les plus accomplies d'André Trudel, maître-brasseur de l'endroit. La Buteuse Brassin Spécial, cette Triple de type belge vieillie en barriques de chêne mouillées de brandy de pommes de Michel Jodoin et ensemencées de levures sauvages, faisait bien évidemment partie du lot. À ses côtés, Dulcis Succubus, une Saison de type belge, elle vieillie en barriques de chêne ayant préalablement contenu un Sauternes californien. Cette nouvelle ale aussi fermentée en partie à l'aide de levures sauvages de type brettanomyces est d'ailleurs une des toutes premières bières au monde à marier l'apport d'un vin de pourriture noble (botrytisé, si vous préférez) à une bière dite "sauvage"; le seul autre exemple disponible sur la planète bière présentement est la Korty, de la brasserie hongroise Serforras (les deux produits sont cependant très différents). Finalement, tout dégustateur présent aux premières heures de la fête a aussi pu acheter des bouteilles de V, une Scotch Ale vieillie en fûts mouillés de bourbon américain, spécialement conçue pour la journée.

 André Trudel jouant les serveurs, expliquant son menu du jour avec fierté

Comme si cela ne suffisait pas, le menu des bières à la pompe était tout aussi exquis. De la Petite Buteuse, une ale de type belge aux houblons bien herbacés, à la Vipérine, une ale sûre aux cerises vieillie plus de trois ans, tout était empreint de talent. Rares sont les brasseries de l'Amérique aussi à offrir des ales bien sèches en bouche. On ne se vautre pas dans les sucres résiduels collants au Trou du Diable. Même les India Pale Ales les plus parfumées (Pénurie et Dubaï Pillée en fin de semaine) demeurent élégantes et faciles à boire; une signature que peu de brasseurs savent apposer à leurs bières.

 Le pire dans tout ça, c'est qu'on se prépare pour fêter encore longtemps...

En sachant mettre à profit des artistes locaux pour de nombreux projets (bouteilles, logos, t-shirts, art mural, etc.), en choisissant toujours des ingrédients de qualité irréprochable et en faisant preuve de maturité et de vision dans l'épanouissement de leur projet, les cinq tenanciers du Trou du Diable peuvent se vanter d'avoir créé une brasserie artisanale digne de mention. Décidément, on ne peut faire autrement que d'aimer se faire gâter ainsi.






6 oct. 2010

Les houblons du nouveau monde, au parfum du jour (3e partie)


André Trudel, maître-brasseur du Trou du Diable, dit avoir attendu longtemps avant de nous offrir une Saison. Pourquoi? « Puisque c’est mon style préféré », m’avait-il répondu. Vous comprendrez alors qu’il ne voulait tout simplement pas se contenter de nous présenter une « bonne » Saison. Il voulait épater la galerie. Patience et travail ont porté leurs fruits et, il y a quelques mois, il nous a dévoilé sa Saison du Tracteur, une bière de type Saison mais houblonnée généreusement du cultivar Simcoe. En plus d’être un chef d’œuvre d’équilibre, cette ale représente un des plus beaux exemples de ce houblon scintillant de fraîcheur. Des agrumes en arôme se métamorphosent en une amertume herbacée, épicée et terreuse. Captivant du début à la fin.

Le Pacific Gem est un autre houblon qui commence à se frayer un chemin chez nos brasseurs québécois. André le met en valeur, entre autres, dans sa Chose, une ale forte qui se veut la rencontre des styles Scotch Ale et Double IPA. Lorsque vous recevrez votre verre, portez attention aux saveurs de cette bière après la déglutition. Le filet caramélisé des malts d’orge s’épanouit sans retenue jusqu’à ce qu’une amertume bien particulière s’installe sur la langue. Un généreux sapinage s’étale effectivement sur le fond de la bouche, n’attendant qu’une prochaine gorgée afin d’être enduit derechef de profondes saveurs sucrées. Cette amertume forestière fait partie de la signature du Pacific Gem.



Benoit Mercier, créateur des bières du Benelux, à Montréal, travaillait une nouvelle India Pale Ale depuis quelque temps. Celle-ci allait mettre en valeur le houblon néo-zélandais Nelson Sauvin, évoluant sur une base de malts pilsener allemands (donc très doux). Eh bien, cette IPA -- la Sabotage -- est maintenant en service! Et quelle bière… sans doute une des plus impressionnantes expressions du Nelson Sauvin que nous ayons eu la chance de goûter. Le parfum est tout en fruit, passant de l’ananas à la poire, du raisin blanc au pamplemousse. Impossible de ne pas y plonger le nez à répétition pour vérifier et revérifier si nos narines font défaut. Benoit a d’ailleurs mis la main sur une variété de cultivars néozélandais, alors nous vous sommons de rester aux aguets, une fois que vous aurez découvert sa sublime Sabotage, évidemment.



Vrai, il est encore difficile de profiter de cette tendance émergente dans le monde de la bière nord-américaine. Ces houblons sont souvent méconnus des brasseurs et leurs propriétés aromatiques bien développées en surprennent plus d’un; il est donc pratiquement impossible de les utiliser dans une bière existante. Leurs profils seraient changés à tout jamais. Cependant, si un brasseur désire bien s’inspirer de ces arômes novateurs (au lieu d’utiliser des épices dans une blanche belge, par exemple), davantage de nouvelles créations verront sûrement le jour dans les bars et brasseries du Québec. Si vous voulez une autre preuve à l'effet que ce mouvement prend de l’ampleur, marchez vers Le Cheval Blanc, un brouepub pionnier au Québec. Éloi Déit s’y amuse ces jours-ci avec une ribambelle de houblons du nouveau monde. Sa Saison, par exemple, a récemment été décorée de Sorachi Ace (un cultivar japonais) et de Citra, les deux proliférant les allusions aux agrumes. Impossible de se lasser d’un menu aussi rafraîchissant que celui du Ch’val.

Cliquez ici pour lire le premier "Les houblons du nouveau monde, au parfum du jour"

Puis ici pour le deuxième article sur le même sujet.

20 sept. 2010

Top 7 québécois des pubs d’ambiance

Puisqu’au-delà de la bière, il y a aussi l’environnement dans lequel on s’en délecte, je vous présente mon top 7 des endroits où déguster une bonne bière au Québec. Ce palmarès ne se limite pas nécessairement aux broue-pubs, mais un bar à bières sera exclu s’il n’offre pas une sélection digne d’un broue-pub.

Définissons d’abord les paramètres à partir desquels est établi mon classement:
1. Présence de quelques bières de qualité – Parce que vous êtes sur Les Coureurs des Boires, oubliez les bars-billard ou les broue-pubs magnifiques où l’on vend des bières dont le nom contient Kamouraska.
2. Beauté des lieux – comme pour votre âme sœur, la beauté n’est pas essentielle, mais permet évidemment de se distinguer du lot.
3. Le désir de rester quelques heures quand on s’y trouve – le bon vieux critère du « Y passeriez-vous une soirée à boire et discuter avec vos amis » ou mieux encore « Y resteriez-vous seul quelques heures en espérant vous y faire des amis? ». Il s’agit sans doute du critère le plus important, qui peut être influencé par des éléments comme la présence de nourriture de qualité, l’achalandage, le confort, la musique.

Alors, sans plus tarder :

# 7 Brouhaha, Montréal
Pour ses soirées-concept douteuses, sa clientèle décontractée, la pertinence de ses serveurs, sa carte des bières dont on ne se lasse point, le Brouhaha nous empêchait de limiter cette liste à un top 5!


# 6 Bedondaine et Bedons Ronds, Chambly
Pour sa décoration on ne peut plus riche, mais jamais encombrante, le service irréprochable qu’on y reçoit, la jovialité de son propriétaire et l’amour de la bière qui transpire les lieux, Bedondaine et Bedons Ronds est l’un des grands.





# 5 Brasseurs du Temps, Gatineau
Pour ses proportions gargantuesques qui n’intimident guère, la somptuosité des lieux historiques, sa terrasse parmi les plus belles du Québec et la possibilité d’y manger un savoureux repas complet, les Brasseurs du Temps nous font abîmer la 417 beaucoup plus souvent qu’auparavant.

# 4 Vices et Versa, Montréal
Avec son côté grano assumé, sa complicité avec les artistes locaux, sa clientèle allumée, son plafond de toute beauté et ses agréables coupe-faim, le Vices sait recevoir.


# 3 Le Cheval Blanc, Montréal
Pour son décor rétro exquis, sa proximité avec les artistes, sa clientèle hétéroclite et divertissante, ses anniversaires déjantés, son absence de prétention et les découvertes musicales que nous y faisons, le Cheval habite ce palmarès depuis plus longtemps qu’aucun autre.

# 2 Siboire, Sherbrooke
Pour ses irrésistibles slogans, sa collaboration avec l’université de Sherbrooke, son aménagement aéré l’harmonie de ses spectaculaires lieux (à quand un spectacle éclairage et briques par Robert Lepage?) et ses irrésistibles sofas, le Siboire est toujours difficile à quitter.


# 1 Trou du Diable, Shawinigan
Pour son éblouissante attention aux détails, la créativité de sa cuisine, son éclairage recherché, l’implication des membres de sa coopérative, ses soirées thématiques, le Trou du Diable est le seul endroit de la liste où nous envisagerions un bon jeu de société.

Et vous, quels sont les endroits où vous préférez passer votre temps?

N.B. : cet article a été rédigé par David et ne reflète pas nécessairement l’opinion de Martin

7 sept. 2010

La Saison du Tracteur, du Trou du Diable à Shawinigan


Nous louangeons Le Trou du Diable à l’aide de plusieurs fiches de dégustation dans notre livre, mais nous désirons tout de même en rajouter. Cette toute nouvelle bière d’André Trudel, maitre-brasseur de l’estaminet, mérite autant d’éloges que sa Buteuse Brassin Spécial (par exemple), tant ses saveurs respirent l’harmonie et la sagesse.

Style: Saison à la belge, mais houblonnée au cultivar Simcoe (américain). Ces bières de dénomination  «Saison» étaient jadis brassées dans des fermes de la campagne wallonne et consommées plusieurs mois plus tard lors de la récolte de fin d’été où les travailleurs pouvaient en boire jusqu’à cinq litres(!) par jour afin de s’hydrater. Bien que très digestes, leur taux d’alcool peut aujourd’hui atteindre près de 7% (comme cette Tracteur), ce qui n’était évidemment pas le cas autrefois.

Disponibilité: Cette bière n’a connu le fût que cet été. Il faut encore vous déplacer au brouepub de Shawinigan pour la déguster.

Le coup d’œil: Une couche compacte de mousse ivoire fige sur la robe blonde brumeuse.

Le parfum: Une aguichante salade de fruits tropicaux est propulsée par le Simcoe et est rejointe par la levure typique au style Saison.

En bouche: Les malts Pilsener sont douillets à souhait, un oreiller sur lequel reposent en harmonie les houblons aux allures d’agrumes, le pain frais de la levure de Saison et la touche rafraîchissante du blé.

La finale: Toutes ces saveurs mènent à une habile amertume de houblon herbacé et épicé. Son intensité moyenne est nivelée à celle des houblons en arôme et en bouche.

Accords: La cuisine de Franck (chef au Trou du Diable) étant aussi inspirée que les brassins d’André, laissez-vous guider par l’ardoise du moment. Visez la fraîcheur plutôt que la richesse; les fruits de mer, les salades, etc.

Pourquoi est-ce un grand cru?: Les Saisons houblonnées à l’américaine se vautrent souvent dans l’intensité du cultivar choisi, mais la Tracteur n’oublie jamais ses racines; le caractère rustique de ce style belge valse avec les houblons du nouveau monde dans un tout des plus élégants.

Si vous avez aimé, essayez aussi: Éponyme du Benelux (QC), Saison du Repos de Hopfenstark (QC), Jack d’Or de Pretty Things (MA).

 Ma tulipe du Trou du Diable est ici remplie d'une sublime Buteuse Brassin Spécial. 
Pourrais-je la combler d'une Saison du Tracteur dans les mois à venir, messires de Shawinigan?