Le milieu des commentateurs de la bière artisanale, comme
tous ces mondes inventés par l’homme afin d’assouvir son éternel besoin d’avoir
des opinions plus valides que celles de son voisin, regorge de dichotomies. Les
bières artisanales sont-elles « meilleures » que celles des brasseurs
industriels? Est-il préférable de produire une gamme stable et fiable ou de
renouveler sans cesse son offre à coup de nouveautés parfois perfectibles? Une
des questions les plus débattues est sans doute : vaut-il mieux juger une
bière selon ses mérites absolues (l’approche hédoniste, préconisée par Ratebeer, par exemple) ou selon sa qualité par
rapport à son style (cette approche relative serait-elle plus juste?). Puisque nous devons nourrir la bête
des commentateurs de bière artisanale qui nous anime, nous ne profiterons pas
des prochaines lignes pour clore cette question. Plutôt, espiègles que nous
sommes, nous suggérons d’éclater la discussion davantage.
En effet, s’il est impossible de prétendre que chaque bière
a été créée en vue de cadrer dans la définition d’un style bien spécifique, et
qu’il est donc ardu de simplement classer l’ensemble des bières sur le marché,
peut-être serait-il plus facile de classer les bières selon l’intention du
brasseur.
Si on présentait une bière en terme de flaveurs et de texture, notre choix de bouteille au magasin serait certainement plus près de nos désirs gustatifs...
Dans Les saveurs
gastronomiques de la bière, à paraître à l’automne 2013, entre autres
tergiversations, nous tentons l’exercice périlleux de regrouper les styles de
bières (oui oui, un regroupement de regroupement, nous ne faisons pas les
choses à moitié!) selon leurs flaveurs et textures dominantes. Ce faisant, le
vocabulaire des odeurs, saveurs et textures que nous partageons tous sert de
véhicule descriptif évocateur, autrement plus que des termes aux frontières
élastiques comme Pale Ale ou Stout. Commençons d'abord, avant de tout dévoiler, par cerner le purpose d’une bière, ses
intentions, ses ambitions, son âme.
S’agit-il d’une bière de soif, servant à étancher, à
rafraîchir quand il fait chaud, à catalyser la vie sociale des débits de
boisson, à satisfaire l’insatiable envie de nos coudes d’aller à l’encontre de
la gravité de nombreuses fois au cours d’une même soirée? [Hefeweizen,
Blanche belge, Cream Ale, Hell, Pils, Kölsch, Amber Ale/Irish Red Ale,
Oktoberfest/Märzen, Vienna, Dunkelweizen, Brown Ale, Dunkel, Mild, Schwarzbier,
Altbier, Bitter, Steam Beer, Saison légère, American Pale Ale, etc.]
Est-ce que cette couleur est garante d'une bière de soif? Évidemment que non! D'où l'importance de faire référence aux flaveurs et aux textures...
S’agit-il plutôt d’une bière de contemplation, d’une bière
d’impact, parfois expérimentale par ses ingrédients ou son élaboration, n’ayant
de considération que pour le coup de circuit qui chavire les papilles de ses
saveurs puissantes, franches et costaudes, rendant le dégustateur béat devant
le fleuve de complexité qui défile devant lui. [Barley Wine, Scotch Ale, Imperial Stout, Lambics et
Gueuzes, Doppelbock et Eisbock, Imperial IPA, Black IPA, Baltic Porter, Bières
de Noël belges, Weizenbock, Triple, Quadruple et ABT, etc.]
S’agit-il d’une bière charnue mais somme toute jamais lourde, une bière 'intermédiaire' à la recherche d’un
compromis, voire de l’équilibre entre les deux extrêmes précédemment décrits? [Sweet Stout, Extra
Special Bitter, Maibock, Bock, Bière de Garde, IPA anglaise, etc.]
Dans Les saveurs gastronomiques de la bière, nous vous proposerons des familles de bières plus précises axées sur les rapprochements gustatifs, de texture, d'objectif et parfois même, de couleur, lorsqu'utile, question de démontrer les liens qui existent entre plusieurs créations d'origines diverses. Mais pour commencer, admettons qu'il serait fort utile à tout le monde d'approcher les bières selon leur nature
rafraîchissante ou au contraire, digestive, afin de
les juger sur une base plus comparable. Sans comparer des pommes Empire avec des
pommes Empire, peut-être réussirions-nous au moins à comparer des pommes avec
des pommes?
2 commentaires:
Seriez-vous en train, mes coquins, d'établir un système de «pastilles des goûts» – un peu à la sauce SAQ – mais pour la bière?
'Oui', dans un sens, mais 'non' dans plusieurs sens. ;) À la base, l'idée est d'offrir aux consommateurs des liens entre des types de produits selon leurs désirs gustatifs du moment. À ce niveau, l'intention est la même. Cependant, les 'pastilles' de la SAQ sont horriblement vagues et beaucoup trop inclusives. Ce que nous proposons est bien plus précis (près d'une vingtaine de familles de types de bière), tout en demeurant malléable. Nous ne proposerons pas des familles de styles coulées dans le béton. Nous présenterons plutôt une méthode qui, en plus de lier plusieurs styles du moment sur une base de saveurs et de textures, permettra aux brasseurs de présenter leurs bières sans avoir à se référer à des styles.
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