28 sept. 2010

Dégustation d'IPA américaines à l'aveugle


C’est ce bon vieux Socrate qui passait son temps à radoter « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien ». Pour démontrer que Socrate n’a pas le monopole de ce savoir ancestral qu’il
ne sait finalement pas grand-chose, la meilleure méthode reste encore d’organiser une dégustation à l’aveugle.

À la base, une bonne façon d’améliorer nos capacités de dégustateur est de partager quelques bouteilles avec des amis. Ça tombe bien, car cette méthode, en plus d’être pédagogique, est aussi la plus agréable. Mais à l’aveugle, ça sert aussi à nous ramener sur terre. C’est immanquablement
une leçon d’humilité pour les experts autoproclamés. Plus important encore, c’est l’unique véhicule qui permet de nous départir de nos (nombreuses) idées préconçues. Au début, on s’attend à ce que telle bière soit facilement identifiable ou à ce que telle autre soit totalement déclassée. On a souvent de belles surprises.


Une dizaine de mes convives se sont prêtés à l’exercice, samedi dernier. Nous avons débouché 8 IPA américaines dont les dégustateurs n’ont connu l’identité qu’une fois que j’avais recueilli leurs commentaires. Catherine, en tant qu’organisatrice en chef, avait voulu faciliter la tâche des dégustateurs en leur fournissant toutes les bières en même temps. « Comme ça, ils pourront les comparer en même temps ». De l’aveu de ces mêmes dégustateurs, cette possibilité s’est avérée encore plus confondante, les forçant à rehumer et regoûter chaque produit à de nombreuses reprises pour finalement se rendre compte qu’il était presque impossible de les identifier. Tant pis pour leurs volumineux orgueils, ce qui m’importait était surtout d’obtenir de leur part un classement des produits selon leur appréciation aveuglément honnête.

À noter que malgré l’impartialité de l’exercice, le classement doit être pris avec un grain de sel pour plusieurs raisons. D’abord, les IPA constituent un style mettant l’accent sur le houblon. C’est le caractère qui ressort le plus et son amertume prononcée a pour effet d’amoindrir les capacités des dégustateurs. Ceux-ci avaient accès à de l’eau et du pain pour rétablir leur palais de ces chocs amers, mais il est impossible que leurs perceptions soient demeurées identiques de la première à la dernière offrande.


Par ailleurs, ce même caractère houblonné des IPA rend leur fraîcheur primordiale, surtout au niveau des arômes qui sont très volatils. Or, à moins de tomber sur un des rares brasseurs qui indique la date d’embouteillage sur ses bouteilles, le mieux que nous puissions faire à cet égard est d’acheter les produits dans les quelques semaines ou mois qui précèdent la dégustation.
Finalement, la principale faiblesse des dégustations à l’aveugle est la tendance des bières ayant plus d’impact à se démarquer du lot. Les framboises du haut ne sont pas nécessairement meilleures, mais on tend à les apercevoir d’abord. Voici donc les résultats de cette première dégustation à l’aveugle :

Classement:
1. Stone Ruination IPA
2. Moylans Moylander Double IPA
3. Captain Lawrence Captain's Reserve Imperial IPA
4. Valley Brew Uberhoppy
5. Lagunitas Hop Stoopid
6. Stone India Pale Ale
7. Southern Tier Unearthly
8. Pike IPA

Détail du classement:



Performance impressionnante donc pour la Stone Ruination IPA qui a été achetée en même temps que la Stone IPA régulière, laquelle a été clairement moins appréciée. Bonne dernière, la Pike IPA souffrait des facteurs décrits ci-dessus. Elle était non seulement la moins forte, elle était aussi la plus vieille du lot.


Autre élément notable, les écarts entre les moyennes des rangs des positions 2, 3, 4 et 5 sont relativement faibles. Ceci concorde avec l’observation de plusieurs participants comme quoi il était aisé de déterminer l’ordre des favorites et des moins bonnes, mais que celles du noyau central leur paraissaient toutes équivalentes.


Nous nous promettons de vous soumettre les résultats d’autres dégustations du genre assez régulièrement. Entre autres, je caresse l’idée (caresser des idées est une déformation professionnelle) de faire le même exercice avec des cidres de glace.


N.B. : Photos gracieuseté de Marc Demeule

8 commentaires:

Goldorak a dit…

Vous m'appellerez pour la dégust de cidre de glace!!!

Mario D'Eer a dit…

Avez-vous sérieusement organisé cette dégustation à l'aveugle avec des verres de matière plastique? (vous les dégustateurs de grands crus !?!?!?!) Ça «phoque» un palais ça, mes amis, dans une dégustation à l'aveugle... Si oui, il vous faut recommencer dans des verres noirs. Vous comparerez ensuite les résultats. Nous pourrons alors philosopher en titi sur la loi de la relativité des choses de notre ami Einstein!

Cheers!

Marc Létourneau a dit…

Si tu veux la faire cet hiver la dégustation de cidre de glace, dis le moi d'avance. Je vais rapporter le seul cidre de glace du Vermont lors de mon prochain voyage dans cet état.

Martin Thibault a dit…

@Mario: Catherine était l'organisatrice en chef et elle voulait que nous ayons toutes les bières en même temps. Étant donné qu'une cinquantaine de verres de qualité auraient représenté beaucoup de trouble à plusieurs niveaux, elle a opté pour ces verres peu chers et jetables. L'expérience était moins scientifique, mais tout de même très intéressante au point de vue olfactif et gustatif.

En passant, puisque nous avions que des IPAs et des Double IPAs, je ne vois pas ce que les verres noirs auraient contribué? Les bières étaient quasi-identiques au visuel. Lors d'une dégustation à l'aveugle de plusieurs bières de styles différents, c'est sûr que les verres noirs deviennent plus qu'intéressants par contre!

Mario D'Eer a dit…

C'est aussi que le plastique absorbe une quantité phénoménale d'odeurs, tout en y injectant quelques résiduels pétrolifères... C'est pas seulement une question de couleur. L'important demeure d'avoir utilisé un seul type de verre pour fins de comparaison.

David Lévesque Gendron a dit…

Au-delà du plastique, ce qui m'achale dans une dégustation "tout en même temps" est surtout le phénomène "palette d'échantillons" où on ne goûte pas tout en même temps et les écarts de température et surtout de vivacité de l'effervescence divergent beaucoup d'une bière à l'autre.

Par ailleurs, je me demande comment tu noircis tes verres sans leur administrer une odeur de ruban adhésif ou de peinture? As-tu carrément une source de verres noirs à l'achat?

Marc a dit…

Ok, on fait le festival des cidres de glaces en février et on essaie tous les produits.

Merci à notre dévouée G.O. et à notre serveur.

Mario D'Eer a dit…

Effectivement, mes premiers verres noirs étaient noircis avec de la peinture de qualité alimentaire. Il fallait faire cuire les verres après les avoir enduit. Je m'étais procuré cette peinture chez Michael's. Puis un jour, j'ai trouvé par hasard des verres noirs chez Winners. J'ai dû faire le tour de 3 Winners différents pour me procurer un inventaire suffisant pour mes comités de dégustation. Au passage, je vous informe que le concours MBière s'est maintenant doté d'un inventaire de verres noirs pour les prochains concours ;-) Ça commence dans quelques semaines à Strasbourg.