6 oct. 2010

Les houblons du nouveau monde, au parfum du jour (3e partie)


André Trudel, maître-brasseur du Trou du Diable, dit avoir attendu longtemps avant de nous offrir une Saison. Pourquoi? « Puisque c’est mon style préféré », m’avait-il répondu. Vous comprendrez alors qu’il ne voulait tout simplement pas se contenter de nous présenter une « bonne » Saison. Il voulait épater la galerie. Patience et travail ont porté leurs fruits et, il y a quelques mois, il nous a dévoilé sa Saison du Tracteur, une bière de type Saison mais houblonnée généreusement du cultivar Simcoe. En plus d’être un chef d’œuvre d’équilibre, cette ale représente un des plus beaux exemples de ce houblon scintillant de fraîcheur. Des agrumes en arôme se métamorphosent en une amertume herbacée, épicée et terreuse. Captivant du début à la fin.

Le Pacific Gem est un autre houblon qui commence à se frayer un chemin chez nos brasseurs québécois. André le met en valeur, entre autres, dans sa Chose, une ale forte qui se veut la rencontre des styles Scotch Ale et Double IPA. Lorsque vous recevrez votre verre, portez attention aux saveurs de cette bière après la déglutition. Le filet caramélisé des malts d’orge s’épanouit sans retenue jusqu’à ce qu’une amertume bien particulière s’installe sur la langue. Un généreux sapinage s’étale effectivement sur le fond de la bouche, n’attendant qu’une prochaine gorgée afin d’être enduit derechef de profondes saveurs sucrées. Cette amertume forestière fait partie de la signature du Pacific Gem.



Benoit Mercier, créateur des bières du Benelux, à Montréal, travaillait une nouvelle India Pale Ale depuis quelque temps. Celle-ci allait mettre en valeur le houblon néo-zélandais Nelson Sauvin, évoluant sur une base de malts pilsener allemands (donc très doux). Eh bien, cette IPA -- la Sabotage -- est maintenant en service! Et quelle bière… sans doute une des plus impressionnantes expressions du Nelson Sauvin que nous ayons eu la chance de goûter. Le parfum est tout en fruit, passant de l’ananas à la poire, du raisin blanc au pamplemousse. Impossible de ne pas y plonger le nez à répétition pour vérifier et revérifier si nos narines font défaut. Benoit a d’ailleurs mis la main sur une variété de cultivars néozélandais, alors nous vous sommons de rester aux aguets, une fois que vous aurez découvert sa sublime Sabotage, évidemment.



Vrai, il est encore difficile de profiter de cette tendance émergente dans le monde de la bière nord-américaine. Ces houblons sont souvent méconnus des brasseurs et leurs propriétés aromatiques bien développées en surprennent plus d’un; il est donc pratiquement impossible de les utiliser dans une bière existante. Leurs profils seraient changés à tout jamais. Cependant, si un brasseur désire bien s’inspirer de ces arômes novateurs (au lieu d’utiliser des épices dans une blanche belge, par exemple), davantage de nouvelles créations verront sûrement le jour dans les bars et brasseries du Québec. Si vous voulez une autre preuve à l'effet que ce mouvement prend de l’ampleur, marchez vers Le Cheval Blanc, un brouepub pionnier au Québec. Éloi Déit s’y amuse ces jours-ci avec une ribambelle de houblons du nouveau monde. Sa Saison, par exemple, a récemment été décorée de Sorachi Ace (un cultivar japonais) et de Citra, les deux proliférant les allusions aux agrumes. Impossible de se lasser d’un menu aussi rafraîchissant que celui du Ch’val.

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