22 févr. 2011
Hill Farmstead, une brasserie d'exception (2e partie)
Si vous n'avez pas lu la première portion de ce reportage, veuillez cliquer sur ce lien:
Hill Farmstead, au Vermont (Partie 1)
À première vue, Shaun Hill excelle à chaque brassin. Franchement, tout ce qu’il brasse est complexe, harmonieux et facile à boire. Que demander de mieux! Un regard plus attentif remarquera toutefois que Shaun connaît ses forces. En effet, il travaille « seulement » trois familles de bières : les Saisons d’inspiration belge, les India Pale Ales houblonnées de cultivars américains et les Porters et Stouts corpulents. Il ne brasse donc pas des bières de « toutes les couleurs » afin de plaire à un plus grand nombre de visiteurs. Évidemment, si ces trois types de bières ne vous plaisent point, Hill Farmstead risque de vous décevoir. Cependant, toute papille amoureuse de qualité saura reconnaître, au moins, que tout ici peut épater, tant au niveau de l’exécution technique qu'à celui du plaisir gustatif.
Pale Ales, India Pale Ales et Double India Pale Ales
Edward (5,2%)
Les houblons de cette Pale Ale des plus avenantes proposent des saveurs épicées, herbacées et fruitées (oranges) évoluant dans un corps relativement sec, d’une douce effervescence. L’amertume équilibrée rajoute des tons boisés aux céréales croquantes. Un superbe exemple du style que l’on prend plaisir à ramener chez soi à coup de cruchons.
Single-Hop IPA (5,5%)
Comme plusieurs brasseurs américains l’ont fait ces dernières années, Shaun Hill prend plaisir à nous faire découvrir des cultivars de houblon en nous les présentant en mode solo, dans des India Pale Ales charnues. La version houblonnée uniquement au Nelson Sauvin néo-zélandais séduisait de son bouquet de fruits tropicaux et de raisins blancs adoucis par des céréales doucement caramélisées. Le Sorachi Ace japonais, le Citra américain et le Riwaka néo-zélandais ont aussi été explorés dans cette série d’IPAs mono-houblon.
Foster (6,5%)
Cette Black IPA brassée avec une généreuse portion de seigle harmonise des houblons résineux aux pointes de conifère à des céréales légèrement épicées, le tout dans un corps aussi douillet et facile à boire que toutes les bières de Hill Farmstead. Le taux de sucres résiduels peu lourd et la gazéification naturelle (non poussée par une bonbonne de CO2) aide grandement à rendre les bières de Shaun si confortables, peu importe leur taux d’alcool.
James et Jim (7,5%)
Une autre excellente Black IPA, cette James. La version vieillie en barriques de chêne français ayant contenu du Pinot Noir, nommée Jim, bouille de complexité, réussissant avec brio à marier les fruits tropicaux du Simcoe et les raisins noirs du vin rouge. Sur un lit de malts subtilement chocolatés, les houblons et les notes du baril se fondent en une amertume résineuse et poivrée. Talentueux et créatif, ce Shaun!
Abner (8%)
Une rare Double IPA brassée dans le nord-est de l’Amérique qui n’a rien à envier aux meilleurs exemples de la côte ouest américaine. Pamplemousses et fleurs bourgeonnent sur des céréales biscuitées menant à une amertume terreuse et résineuse. Dangereusement facile à boire, malgré ses 8% d’alcool.
Ephraim (10,3%)
Voici la bière dont les membres de BeerAdvocate et Ratebeer raffolent. Normal, c’est la plus intense de la gamme. Néanmoins, nous vous avouons que nous la trouvons aussi accomplie que le reste de la famille. Des malts miellés servent de tremplin aux fruits tropicaux de cette luxueuse Double IPA, lesquels pavent la voie pour une amertume bien résineuse, soutenue.
Saisons d’inspiration belge
Florence et Flora (5%)
Florence est une de bière de blé, empreinte du caractère rustique si fascinant des bières campagnardes wallonnes. Des esters de poires poussent parmi les houblons épicés, sculptant une bière de soif complexe aux angles citronnés. Flora, la soeur jumelle vieillie en barriques de chêne avec des levures sauvages, est peut-être plus douce, alignant des arômes bien floraux dans un corps sec et effervescent.
Edith (5,5%)
Edith est une cousine de la Florence, brassée avec quelques malts rôtis qui lui donnent sa robe presque noire. Des houblons citronnés et épicés virevoltent parmi les saveurs de céréales habilement caramélisées et rôties, flottant aisément vers une amertume équilibrée aux notes de terre et de conifères.
Arthur et Art (6%)
Arthur est la Saison classique de la maison et Art, la version mûrie en fûts de chêne avec des levures sauvages. Alors que la première rivalise avec les meilleurs exemples du plat pays, Art étonne par sa complexité, alliant agrumes, houblons herbacés et brettanomyces dans un corps sec, immensément facile à boire. Du grand Art (s’cusez-la).
Anna (6,4%)
De splendides houblons herbacés et épicés voguent sur les poussées citronnées de cette Saison, alors que des céréales miellées laissent paisiblement la place à un ressac amer, mentholé. On ne peut plus authentique, on jurerait que la magnifique Brasserie Dupont a pondu une nouvelle incarnation de sa Vieille Provision Saison Dupont.
Phenomenology et Phenomenology of Spirit (6,5%)
Finesse et buvabilité atteignent un summum dans cette Saison de couleur ébène. Vieillie en fûts de chêne ayant contenu du vin rouge avec des levures sauvages et de la flore bactérienne locale, la Phenomenology of Spirit est douée de l’arôme à la finale. Du chocolat noir aux fruits des champs, des houblons herbacés au pain rôti, tout se passe subtilement dans un corps souple facilitant les grandes gorgées. Phenomenology (sans le Spirit, donc sans mûrissement en barriques de chêne) apparaîtra sur les pompes sous peu…
Porters et Stouts
Everett (7,5%)
Prêts pour une déclaration choc? Everett est le meilleur Porter que nous ayons eu la chance de boire, tous pays confondus. Une chance que vous étiez assis, hein? Trop souvent en Amérique, ce style est galvaudé par un manque d’inspiration ou d’intérêt. La simple bière noire du menu, elle est maintes fois conçue que pour satisfaire ceux qui veulent quelques saveurs rôties et chocolatées. Ici par contre, nous assistons aux épousailles de malts divinement agencés. Raisins secs et chocolat noir se voient liés par un filet sucré rappelant la mélasse, alors que houblons résineux et céréales rôties ferment la marche, le tout dans un corps riche qui ne pèche jamais par excès. Shaun Hill a travaillé ce Porter avec Christian Skovdal Andersen, créateur de la sublime Ølfabrikken Porter (Danemark), un autre chef d’oeuvre du style. Nul doute, il a bien choisi son partenaire. Une version vieillie en barils de chêne existe aussi. Elle n’impressionne pas davantage, mais elle séduit autant!
Earl (7,2%) et Iced Earl (15%)
Velouté, ce Stout au café livre un bel équilibre de saveurs de chocolat noir et de cappuccino. Une version “de glace”, titrant 15% d’alcool, devient gâteau tiramisu, nivelé par une amertume rôtie. On ne perçoit presque pas l’alcool; un vrai tour de magie.
Fear and Trembling (9,3%)
Voici un Porter baltique brassé avec une portion de malts fumés au bois d’érable. Trois versions existent : une vieillie en barils de chêne français ayant contenu du Cabernet Sauvignon, une en barriques mouillées de bourbon et une qui se veut un assemblage des bières issues de ces deux barils. Toutes trois s’amourachent de nos papilles, laissent des traces fumées, presque salées aux côtés de dates, de malts rôtis et de chaleur d’alcool. Nous avons préféré la version Cabernet Sauvignon pour son harmonie généralisée, mais les trois réussissent à nous combler à chaque gorgée. Est-ce surprenant?
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