28 févr. 2011

Dégustation de cidres de glace à l'aveugle (Partie 1)



Quand on discute des fleurons du terroir québécois, il est souvent question, avec raison, des microbrasseries ou encore des fromagers. Sans vouloir enlever quoi que ce soit aux deux extraordinaires industries qui précèdent, l’industrie du cidre de glace est certainement, avec celle des produits de l’érable, un des fleurons pour lesquels le Québec a le plus de raisons d’être fier. L’industrie a été créée de toutes pièces au Québec et deux décennies plus tard, le marché mondial demeure outrageusement dominé par les producteurs d’ici. Au cours des dernières années, la croissance n’a pas ralenti, bien au contraire. Les gros joueurs que sont Pinnacle et Face Cachée de la Pomme déploient des plans de marketing dignes de grandes compagnies et contribuent ainsi à l’essor de la demande, internationale notamment.


Cet intérêt pousse plusieurs entrepreneurs moins scrupuleux à se lancer dans l’aventure. Après tout, un produit modifié (sirop d’érable comme cidre de glace) permet toujours d’obtenir des marges de profit supérieures à sa matière première. Au fil de nos dégustations de cidre de glace, nous avons rencontré quantité de chefs d’œuvre, mais aussi de plus en plus de déceptions depuis quelques années. Par ailleurs, comme notre principale passion est la bière, comme le cidre de glace demeure relativement dispendieux, comme son goût particulièrement sucré convient moins à la consommation quotidienne, nos contacts avec le cidre de glace sont somme toute espacés. Fréquemment, nous passons quelques mois sans bénéficier d’un seul verre de cidre. Pas parce que nous n’aimons pas, mais plutôt par souci de ne pas sombrer trop profondément dans l’alcoolisme, une précaution que d’autres appelleraient un simple concours de circonstances. Dans ce contexte de dégustations très éparses, il est difficile de se faire une tête. Nous avons une idée de l’identité de nos cidres favoris, mais elle semble basée davantage sur les réputations que sur un quelconque fondement rationnel. Si des événements comme le mondial du cidre de glace permettent d’obtenir un remarquable tour d’horizon du marché, nous ne les attaquons pas moins avec nos préconceptions. Par ailleurs, dans un festival de cidre de glace, le rafraîchissement du palais devient rapidement problématique.


Face à toutes ces ambigüités, Les Coureurs des Boires ont voulu organiser une imposante dégustation de cidres de glace à l’aveugle. Car la dégustation à l’aveugle demeure la meilleure méthode pour avoir l’heure juste. Nous avions plusieurs objectifs : établir notre hiérarchie personnelle des principaux cidres de glace, comparer les appréciations de plusieurs individus, déterminer les meilleurs rapports qualité/prix, découvrir des produits que nous ne connaissions pas encore, confirmer ou infirmer nos illusions quant à nos cidres préférés…



Certains convives nous avaient surpris avec des boni. Ci-dessus, poiré de glace!


Pour entamer la divulgation des résultats, commençons par un aperçu de l’ampleur de l’activité :

- 18 courageux participants, amateurs de cidre et signataires d’un contrat d’hygiène corporelle minimale afin de ne pas ajouter leur propre trame olfactive à la dégustation
-16 évaluateurs séparés en 2 groupes de 8 qui notaient 16 cidres de glace chacun (les résultats ont été normalisés par un bénévole qui se targue occasionnellement d’avoir réussi ses Maths 536 du premier coup)
- 28 cidres de glace différents en 32 bouteilles

- Le plus vieux : Éloi Déit, 40 ans... Euhh… Face Cachée de la Pomme Cuvée Inspiration 2003
- Les plus chers : Clos Saragnat Avalanche 2008 à 13,60$ / 100 ml et Face Cachée de La Pomme Récolte d’Hiver 2008 (autrefois Frimas) à 13,50$ / 100 ml
- Les moins chers : Du Minot Crémant de Glace à 4,84$ / 100 ml et Philion Friga à 5,00$ / 100 ml
- Les plus forts : Pinnacle Cidre de Glace et Cidre de Glace Pétillant et Face Cachée de la Pomme Cuvée Inspiration 2003 à 12%
- Les plus légers : Du Minot Crémant de Glace à 7%
- Durée de la dégustation : environ 7 heures
- Nombre de sacs de récupération mis au trottoir le lendemain : un record d’arrondissement (rumeur à valider)



Le déroulement de la soirée allait ainsi : chaque invité devait remplir une feuille d’évaluation pour chaque cidre, celui-ci étant identifié selon son ordre de service. Les invités avaient un accès illimité à des pichets d’eau et à une table où un assortiment de victuailles permettait de débarrasser les papilles de leur excédent de sucres entre chaque dégustation. Tous les convives dégustaient dans des verres INAO. Ceux-ci étaient remplis dans une pièce isolée et distribués par une personne impartiale, sous serment professionnel, n’ayant aucun lien avec l’industrie du cidre de glace, ni celle de la construction d’ailleurs.


Avant de révéler le classement général, voici quelques constats établis en fonction de commentaires recueillis tout au long de la soirée.


Cryoextraction vs. cryoconcentration : Les deux principales méthodes de production. La cryoextration consiste à laisser les pommes une fois gelée sur les arbres, en milieu d’hiver alors que les sucres ont eu l’occasion de se concentrer naturellement. Les pertes de pommes sont donc très élevées, le rendement est moindre et les prix de vente sont nettement plus prohibitifs, jusqu’à 2 fois plus élevés que par cryoconcentration. Pour certains puristes, c’est toutefois la seule façon de produire un cidre de glace authentique. La cryoconcentration englobe toutes les autres méthodes, les pommes étant généralement cueillies à l’automne et gelées naturellement dans des bas ou aidées par des congélateurs. Un constat commun à plusieurs dégustateurs est qu’à quelques exceptions près, il était très ardu d’identifier les cidres produits par cryoextraction.


Les quantités : Environ une once (25 à 30 ml) de chaque échantillon a semblé être le volume idéal pour fournir une évaluation avec laquelle nous étions confortables.


Le prix garant de qualité? : La corrélation entre le prix et la note obtenue (moins de 0,03 de coefficient) n’est pas statistiquement significative. Comme le vin et la bière peut-être?


Les étiquettes : Peu de producteurs indiquent, à même la bouteille, des informations comme la méthode de production ou les variétés de pommes utilisées et dans quelles proportions. Dommage, car ces informations faciliteraient l’éducation des consommateurs.


L’étendue de la palette de saveurs : Des opinions divergentes à ce sujet. Plusieurs dégustateurs étaient surpris des grandes variations de flaveurs d’un cidre à l’autre. D’autres considéraient plutôt qu’ils finissaient tous par se ressembler.


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De durs lendemains...

4 commentaires:

Valérie a dit…

Ah je suis jalouse!! Il faudrait absolument que j'organise une dégustation du genre moi aussi (je raffole du cidre de glace)! Bien hâte de voir vos résultats!

Goldorak a dit…

J'ai jamais signé de contrat d'hygiène! C'est pour ca que Danny était pas là?? Des blagues, bien sûr...

Cidre du Québec a dit…

Bonjour,

Une petite mise au point, quand vous dîtes : " les pommes étant généralement cueillies à l’automne et gelées naturellement dans des bas ou aidées par des congélateurs". SAviez-vous que l'article 2.7 du règlement sur le cidre spécifie très clairement que la concentration des sucres avant fermentation ne peut être obtenue que par le froid naturel pour la fabircation du cidre de glace. Toute congélation étant interdite.

Goldorak a dit…

Effectivement c'est pas franc-jeu de se servir de congélateurs, mais est-ce que la loi est suivie par tous? Est-ce qu'il y a un suivi de fait? Par qui? En tout cas s'il y a des ouvertures de poste pour la Gestapo du cidre - j'aurais aussi utilisé les termes Boubou Macintoshoute ou Imperial Cidre Trooper - dites-moi ou envoyer mon CV!